Je m’étonne toujours combien les
mots « Israël », « Juifs » ou « Palestiniens »
entraînent des réactions épidermiques dans les pays méditerranéens, dont la France. De ce côté-ci
de l’Asie, l’épisode Free Gaza ne fait pas la Une, au contraire de Benitez qui quitte
Liverpool. A l’échelle du monde, Israël est un petit pays auquel on donne trop
d’importance. Mais alors qu’est-ce qu’il déclenche comme émotions !
N’étant ni pour les uns ni contre
autres, je me permettrai de poser les faits hors du champ émotionnel.
Vous dites qu’il s’agit d’un
contresens historique d’affirmer que les Juifs forment un peuple. Je suis
désolé, mais l’histoire politique de la période hellénistique (pour ne parler
que de ce que je connais bien) fourmille de documents attestant du contraire.
Ainsi pouvons-nous nous intéresser particulièrement à l’histoire de la famille
des Maccabées. Depuis cette époque (et peut-être avant), les Juifs ont toujours
souhaité avoir un Etat à eux. Ils ont peut-être abandonné officiellement cette
idée pour complaire aux desideratas occidentaux, mais pas officieusement. C’est
difficile à comprendre pour un Français qui abhorre ce qui est religieux.
D’autre part, Victor Hugo est
mort depuis longtemps, pourtant je me réclame toujours de ce grand homme. Je comprends
donc, contrairement à vous, que les jeunes générations puissent conserver en
mémoire l’abomination que fut l’Holocauste.
Mais la haine envers les Juifs ne
date pas de la seconde guerre mondiale. Elle est bien plus ancienne. Et autant,
contrairement à ce que l’on croit, les Juifs furent plutôt bien traités dans
les pays arabes, autant ils furent honnis et méprisés en Occident. Là encore,
l’Histoire médiévale et moderne nous offre quelques sources intéressantes.
Dans ces conditions, comment ne
pas comprendre que les Juifs souhaitent un Etat où ils peuvent vivre et
prospérer en sécurité ?
Israël est donc un pays qui a le
droit de vivre en paix dans des frontières reconnues par tous, et sa population
a le droit de prospérer sans être menacée. Depuis 1948, ce pays est entouré
d’ennemis qui ne souhaitent que sa destruction. On peut comprendre que les
Israéliens trouvent légitime de se défendre par tous les moyens, même si on a
le droit de ne pas l’accepter.
De l’autre côté, les Palestiniens
ont également le droit de vivre en paix dans des frontières reconnues par tous,
et ils ont aussi le droit de prospérer sans être menacés. Ils vivent dans des
conditions intolérables qui ont été abondamment décrites. On comprendra alors
la légitimité des Palestiniens à se défendre par tous les moyens.
Ajoutons à cela que pendant la
guerre froide, les Soviétiques soutenaient l’Egypte et la Syrie et les Américains les
Israéliens. Sans l’aide américaine, les Israéliens auraient par exemple perdu
la guerre de 73 face à la coalition syro-égyptienne armée par les soviétiques. Les
Israéliens ont été attaqués par surprise. Mais ils avaient fait de même en
1967.
Donc à ce problème régional
s’ajoute un problème de géopolitique internationale avec des acteurs étrangers
qui avancent leurs pions au détriment de la paix. Nul doute que la Turquie veuille
aujourd’hui s’imposer comme un acteur majeur dans cette région. Prenons en
compte le fait qu’une union qui comprendrait la Syrie, le Liban, et
Israël-Palestine ne serait pas de nature à rassurer les puissances
dominantes : nous aurions en effet des ressources industrielles et
naturelles, associées à l’ingéniérie financière. Il vaut mieux pour certains
que cette zone demeure instable.
Reconnaissons également que les
Britanniques qui avaient un mandat pour gérer la Palestine avec pour mission de conduire les Juifs et
non Juifs à vivre en harmonie ont complètement échoué. Ils sont les
premiers responsables sur le plan de l’Histoire contemporaine.
A qui appartiennent les terres
dans cette région ? On peut trouver des sources pour les attribuer aux uns
ou aux autres, et pour cela remonter très loin, par exemple à la période
Hellénistique comme je l’ai déjà écrit. Ca ne règlera pas le problème parce
qu’il faut prendre en compte la situation actuelle.
Oui les israéliens occupent
illégalement Gaza et oui les Palestiniens subissent un traitement innommable.
Oui les Israéliens ont commis un acte de piraterie en arraisonnant des navires
dans les eaux internationales. Oui les soldats israéliens ont usé de la force
alors qu’ils auraient pu faire autrement. Oui les humanitaires poursuivaient un
but politique.
Mais que tout ceci est
compliqué ! Un enchaînement de causes et de conséquences qui nourrit la
haine de part et d’autre. Il ne peut y avoir de vainqueurs et il ne doit pas y
en avoir. Des atrocités ont été commises de part et d’autre, et les deux
peuples souffrent inutilement.
Comment régler ce problème ?
La causalité ne nous est d’aucun secours. Chercher qui a commencé, quelles sont
les conséquences des actes (…), tout cela n’est pas utile car nous sommes face
à un problème systémique… qu’il faut résoudre de façon systémique.
Pour cela il faut avant tout
définir clairement l’objectif à atteindre, non pas analyser la situation
actuelle, encore moins la situation passée. Anticiper ce que l’on peut faire à
l’heure H1 en fonction de ce que l’on a à l’heure H n’est pas systémique parce
que d’une part on ne maîtrise jamais toutes les données, d’autre part, les
systèmes sont dynamiques et sujets à la causalité circulaire (si A agit sur B,
B agit sur A).
Une fois l’objectif défini, il
faut analyser les relations entre les différents éléments du système par ce que
les systèmes sont relationnels. C’est pour ça que l’analyse des relations nous
renseigne infiniment plus sur un système que la causalité ou les ressources
disponibles. Causalité et ressources appartiennent au passé ; l’un des
objets de la systémie est d’accompagner la complexité et de pallier
l’incertitude ; de tendre vers l’avenir. Ce qui implique d’observer les
relations entre les éléments des sous-systèmes. Car les systèmes sont
englobants. A est inclus dans B qui est inclus dans C (etc.)
Pour obtenir un changement
systémique, celui-ci doit être radical, autrement le système reviendra à son
état antérieur. C’est le principe de l’homéostasie. Toujours selon ce principe,
tous les éléments doivent bouger ensemble (donc, Israël, mais aussi le Hamas,
le Fatah, les russes, les américains, les Turques, les iraniens, et tous ceux
qui sont fortement impliqués dans ce conflit).
Je ne vais pas transformer cette
intervention en un cours sur la systémie, je vais donc finir par une question
et une réponse. Quel est le système politique qui est censé piloter les
autres ? L’ONU ! Il appartient donc à l’ONU de régler ce problème en
dernier ressort, de trancher, d’arbitrer, et d’imposer ses décisions à toutes
les parties, à l’aide de la force si nécessaire. Mais une ONU indépendante de
toute pression et de toute idéologie. Une ONU qui a pour finalité le bonheur de
tous les peuples, palestiniens et israéliens compris.
Au fait, c’est vrai que Benitez
va quitter Liverpool ?