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Commentaire de easy

sur Quand le béton va, tout va


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easy easy 30 juin 2011 19:38

Ahhh la synthèse !

On en parle un peu ?


En France on connaît ce mot. On recommande même aux élèves de synthétiser. Mais après avoir analysé. Ici, la synthèse semble ne pouvoir résulter que d’une analyse fouillée.

Depuis Démocrite, le mieux diseur est ici celui qui découpe le mieux les choses. Jusqu’aux confins de ce découpage, jusqu’à l’atome, dans un premier temps.
Ici, on a absolument tout coupé en menus morceaux pour mieux découvrir la vérité. Tout est passé au scalpel et à la loupe.
Ici, on est analyste financier, pas synthétiste financier.



Au Vietnam, « un Français » se dit « personne française ». Alors que l’on désigne un Sénégalais ou un Vietnamien, on commence par dire leur point commun, elles sont toutes deux d’abord une personne. Il est alors assez difficile de dénier une communauté d’état avec quelque étranger que ce soit.

Le « un » français semble valoir genre fondé sur le sexe. Mais comme on accorde à un caillou le genre masculin, Il vaut finalement plutôt sens d’article cardinal. 

Au Vietnam s’il y a des genres c’est pour distinguer entre tout ce qui est animal depuis les humains jusqu’aux méduses, de ce qui est végétal ou inerte. Et cet article qui peut précéder tout ce qui est du règne animal est aussi le mot qui désigne l’enfant. Quelque chose dans la langue conduit donc à considérer tout le règne animal un peu comme son enfant et, forcément, tous les enfants comme les siens.
A 30 ou 60 ans, on est encore appelé « enfant » par toutes les personnes nettement plus âgées que soi, même si l’on est président.



Au Vietnam, quand on interpelle un inconnu dans le rue, dès le second échange sinon au premier, on passe au « oncle, tante, frère, soeur, cousin.. » 
Une personne est toujours considérée avec son fatras d’ancêtres, disons de présence des ancêtres morts. 

Quand on visite une maison à acheter, on ne sort pas frénétiquement son mètre ruban, on considère d’abord si les ancêtres -qui ne peuvent plus parler- s’y sentiront bien. On y est donc tout le temps à opérer sous les yeux des ancêtres qui nous jugent à l’aune de notre histoire (et de la leur forcément), non à une quelconque autre toise. Cette présence des ancêtres non pas exactement en soi mais plutôt à côté de soi, en chaque instant, fait que mutuellement, on se considère les uns les autres avec le fatras de regards ancestraux, avec le cortège de responsabilités afférentes. 
Un individu ne se limite donc pas à 50 kilos de viande et on ne pourrait même pas analyser sa psychologie sans convoquer celle de toute sa famille.

Les blessés, infirmes et invalides restent donc incorporés dans la vie courante et ils grouillent comme tout le monde, on ne les dissimule pas à la vue, on doit les assumer en toute responsabilité familiale.
 
Quand on compte, c’est sur un boulier chinois où tous les « chiffres » sont comme présents en permanence. On ne les fait pas surgir du néant. On ne les invente pas.

Nombreuses sont les légendes où il est question du thème d’inséparabilité entre des frères, des amoureux, des jumeaux mais aussi des animaux ou plantes. Par exemple celle sur le bétel, l’aréquier et la pierre de chaux. On concevra toujours le commensalisme, pas le parasitisme.
Au point que même à un tigre ou un cobra, on accordera quelque commensalisme, et cela bien avant le WWF

Pas de tannage, pas de cuir, pas de trophée animal, pas de fourrure dans la tradition Viet.

On n’aurait jamais eu l’idée de pendre un squelette de quoi que ce soit dans les salles se science ou les musées

Aucun ornement animalier porté sur soi avant la colonisation française. Pas même de plumes. Les minéraux oui, les végétaux oui, pas les bestioles, surtout pas avec sens qu’on serait fier de les avoir tuées

Les parfums corporels, au regard de ce qui se fait au Moyen Orient et en Inde, il n’y en a pas.

Les statues représentent des êtres entiers, pas des bustes. Même concernant les animaux. Un homme ne peut donc pas se représenter avec des ailes ou une tête de taureau, des pattes de chèvre, une queue de serpent...

Il n’y avait pas le Diable avant l’arrivée des chrétiens. Des esprits facétieux
 qui ne cessent de nous mettre dans le pétrin oui. Mais il y a pas de personne diabolique (alors qu’il y a de terrifiants bandits-pirates-rebelles-indépendantistes...)
Il n’y a pas de possession par le diable.


Un fantôme, extrêmement fréquent, c’est une personne, parfois un animal, qui erre d’avoir subi une mutilation corporelle ou surtout un abandon, un rejet, un oubli. Et ce fantôme n’ayant donc pas de havre, il emmerde n’importe qui. Il ne fait pas de facéties mais apparaît rappelle à la collectivité qu’il a subi une lourde injustice et fait très peur. Je garantis qu’il suffit d’y croire comme tout le monde pour en voir, qu’on soit seul ou en groupe.



Aucune sorte de maquillage, de piercing, de peinture corporelle, de scarification, de tatouage, de mutilation. Exception pour les Tonkinois qui se laquent les dents en noir, ce qui les protège très bien des caries (Il y a 50 ethnies ultra minoritaires dans les montagnes, genre Hmong, elles répondent elles aussi à ces critères) 

Une maison à la campagne, dans la montagne, dans la jungle, c’est sans aucune barrière ni clôture. Fallait pas compter sur eux pour inventer le fil de fer barbelé.

Une robe (hommes et femmes) comporte deux pans reliés par la partie haute. La palanche qui leur sert à tout transporter, même les gosses, c’est deux paniers reliés par une lame souple de bambou. insensés si séparés.

Les hommes, les femmes, même chapeau conique très simple.

Quand une personne a mal au ventre ou au pied, elle est soignée en considération de son corps entier et esprit des ancêtres inclus

Une personne est considérée ancêtres et responsabilités historiques incluses.

On ne coupe, ne tranche, ne hache qu’en cuisine. Pas de couteaux ni rien qui puisse blesser ou verser le sang à table entre convives.
On ne mange aucune bestiole encore vivante. On ne gobe pas les oeufs, on ne mange pas d’huîtres vivantes...

En France, les plus grandes fêtes, Noël et Nouvel-an, tendent à envoyer les gens chez eux. Au Vietnam, les plus grandes fêtes sont l’occasion d’une démonstration de socialisation à toutes les échelles de grandeur, esprits inclus. Et il y a des fêtes très publiques où ce sont les animaux qui sont les vedettes (sous forme de représentations). Dont le théâtre sur l’eau où toutes les bestioles aquatiques sont à l’honneur

Aucune fête, aucune démonstration phallique (malgré le Japon si proche). Strictement rien qui évoque un tant soit peu les organes génitaux (absence de lingam malgré l’Inde si proche).
Le sexe, pas plus que les mains, ne peut être séparé de tout le reste et la sexualité s’accomplit, comme tout, sous le regard de ses ancêtres, avec une responsabilité grand familiale. 


Le Vietnam offre le seul passage plat entre l’Inde et la Chine. Il est un passage physique, économique et culturel. Alors on y bricole volontiers avec tout ce qui le traverse et qui pourrait s’inscrire dans la tradition du respect qu’on doit aux anciens, imperfections bien comprises. On y trouve donc la plus syncrétique des religions, le caodaïsme où se trouvent rassemblés en exemples ou inspirateurs aussi bien Jésus que Lénine, Pasteur, Churchill, Shakespeare, Jeanne d’Arc ou Victor Hugo.

Lorsque Giap avait conduit ses guerres, il avait opéré sur tous les fronts imaginables, aussi bien dans la jungle que dans les villes, avec des fusils, que dans les cités occidentales avec des textes.

Le Vietnam, coupé en deux ? Une folie occidentale dans un pays qui ne considère les choses qu’ensemble, telles que la nature les a réunies.

Au Vietnam, la lutte contre l’envahisseur, chinois, français, japonais, américain, a un sens. La haine n’a pas de sens. Même la vengeance n’y est pas une valeur. A peine l’envahisseur est-il reparti, qu’on s’ennuie de lui. Ce n’est pas une blague. Un pays qui a fonctionné depuis si longtemps au ciment de sa culture spéciale, se morfond et s’étiole quand il n’est plus envahi. Des milliers de chansons élégiaques construites sur fond de guerre et de perte d’un proche, rapprochant ainsi les esprits des survivants dans une sorte de messe à la tristesse, deviennent ridicules après 50 ans de paix. Les chansons, mais aussi les musiques et les instruments, tellement adaptés à l’élégie doivent passer à la trappe après 50 ans de paix.


Tout ayant été transformé par l’occidentalisation, les Vietnamiens commencent à avoir l’esprit d’analyse. Mais ils ne sont pas entièrement analystes. Ils peuvent sans doute revenir plus facilement que d’autres à une vision plus synthétique mais ça dépend bien entendu du pays où ils ont passé le plus clair de leur enfance, s’ils ont vécu en ville ou à la campagne, avec ou sans la télé...


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