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Commentaire de Michel Koutouzis

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Michel Koutouzis Michel Koutouzis 30 octobre 2011 19:43

II y a en effet un malentendu, mais pas nécessairement tel que décrit. Disons plutôt, en simplifiant, que de part et d’autre l’objectif attendu de l’adhésion était bien plus politique qu’économique. 

Certes, l’UE a de tout temps été un projet se voulant pragmatique, d’harmonisation et coordination économique. Mais une Europe se définissant comme telle et s’espérant projet politique pouvait-elle se faire sans la Grèce ? Ajoutons que l’entrée de la Grèce permettait de louvoyer avec la Turquie, qui déjà était « en attente ». A mon sens, le malentendu consiste à une contradiction fondamentale entre un projet économique et les velléités politiques, historiques, géopolitiques et culturelles qu’il met en avant. 

C’est cette contradiction qui est à la source de l’élargissement à l’Europe de l’est, et c’est cet élargissement qui a abouti à une double impasse : tandis que le cas grec était gérable et assimilable vu la taille du pays et de son économie, l’entrée massive de l’ensemble des pays de l’est (eux aussi ne répondant que très peu aux critères économiques), a gonflé le problème de l’harmonisation économique, mais parallèlement souligné les problèmes de gouvernance de ses outils institutionnels. S’en est suivi un paroxysme de cette contradiction, une fuite en avant d’une gestion économiste très libérale, et un discours politique intégrationniste qui occultait cette gestion. D’autant plus que la partie est de l’Europe intégrée s’adonnait à un libéralisme sauvage, et considérait l’Union comme une entité du plus petit dénominateur commun, bloquant toute velléité de gouvernance politique.  

Quand à la Grèce elle-même, elle voyait de l’Europe un facteur de stabilité politique, lui permettant d’en finir avec la spirale des coups d’Etats et de pronunciamientos qu’ils soient royaux ou militaires. Mais elle voyait aussi une sorte de continuation des politiques interventionnistes qui remontent à sa propre création. En ce sens, il ne faut pas l’oublier, le PASOK était contre l’adhésion, et une fois ce parti au pouvoir, si l’adhésion elle même n’a pas été remise en question, les termes et les procédures d’harmonisation l’ont été. 

Le paroxysme de l’emprunt n’est pas un tropisme grec. Il est la conséquence directe des reformes institutionnelles qui déconnectent les outils classiques de la gestion des Etats des Etats eux-mêmes.  Les accords de Maastricht et de Lisbonne entérinent cette politique qui transforme les Etats en clients emprunteurs, leur enlevant aussi bien le monopole régalien de la monnaie que celui de leurs banques centrales. C’est à partir de là que les fameux 3% et 80% sont fragilisés en tant qu’indicateurs et sanctionnés par le marché. La situation devient la même, aussi bien pour les ménages, les entreprises que les Etats : production, consommation, salaires et politiques de développement sont désormais remplacés ou gérés par l’emprunt à tiers. S’en suit une dégradation des politiques publiques, des services de la fonction publique, des salaires et de l’outil industriel, tous victimes de l’immédiateté du « retour sur emprunt ». C’est la que se niche le dernier malentendu : la paupérisation de l’Etat et le fléchissement de l’outil productif est montré comme une réforme inéluctable et le remplacement du salaire par l’emprunt comme la solution pour avoir une consommation robuste. Or, comment paupériser l’Etat et en même temps le « moderniser » ? Comment renforcer le contrôle fiscal en licenciant les fonctionnaires du fisc ? En Grèce, l’Etat n’avait déjà pas les moyens pour contrôler quoi que ce soit (en cela les politiques publiques sont historiquement responsables). Mais il l’est bien d’avantage avec les mesures prises ces deux dernières années, et cela c’est la responsabilité de l’UE qui exige tout et son contraire. 

Le problème n’étant plus comptable (marché) mais de justice sociale (projet politique).  Ne soyons pas hypocrites : le moteur premier de l’économie (et créateur de monnaie) est désormais l’emprunt. C’est très réducteur d’en vouloir aux emprunteurs… Tant que tout projet politique aura comme objectif suprême de pouvoir emprunter aux meilleurs des taux, qu’il  sera donc dépendant du marché et déconnecté  du bien commun, nous ne pourrons sortir de cette spirale, et chercherons  cancres et les bons élèves de l’emprunt pour cacher notre incompétence.


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