Là vous avez fait court. Mais vous auriez fait long, ça aurait été pareil, vous recourez à une rhétorique digne de 1880.
Je vous propose de reconstruire vos doléances à partir non plus de poncifs usés à la moelle mais à partir de faits contemporains.
Les Romains avaient pratiqué une monstration fortement orientée autour de retours de victoires et conquêtes militaires. Le héros recevait une couronne de lauriers devant la cité. Etre ainsi reconnu et glorifié faisait peut-être fantasmer quelques privilégiés de naissance ou de sort mais certainement personne de la plèbe, la voie lui étant interdite de principe.
Puis, en France, il y a eu une longe période pendant laquelle je ne remarque plus de telles monstrations.
Ce n’est que quelque part dans autour de François 1er, qu’aurait démarré une nouvelle forme de monstration de la part des Princes et là, c’était moins basé sur des victoires militaires, davantage sur des capacités à produire de beaux tissus (Cf l’incroyable démonstration du camp du drap d’or de la part de deux rois)
Là encore, j’imagine que les gueux ne caressaient aucun espoir de parader un jour à tel niveau.
Louis XIV pareil, énorme passion pour la solarisation de soi et surtout sur base de performances artistiques. Là encore, le gueux ne pouvait rêver mieux que de servir de valet lors de ces solarisations particulièrement réservées entre aristocrates (le roi paradant rarement devant la gueusaille)
Jusque là il y avait donc bel et bien une vedettarisation ou solarisation d’individus mais d’une part cette solarisation n’était pas accessible à tous, même sur le papier, et d’autre part elle se passait entre privilégiés, Disons qu’il y avait donc peu de provocations ou d’ostentations devant le peuple.
Déjà sous Louis XVI, sans doute parce que l’esprit des Lumières avait touché le peuple et que les gueux commençaient à se sentir quelque droit d’opinion et surtout de reproche, le peuple se mit à critiquer ouvertement Marie Antoinette parce qu’elle dépensait trop (Jamais auparavant on n’avait vu de tels reproches émaner de la gueusaille). Au point que quand Jeanne de Valois avait monté un coup hyper tordu contre le marquis de Rohan qui l’a conduit à mouiller, sans le savoir, Marie-Antoinette dans la sale affaire du collier, malgré l’enquête qui s’en est suivie et qui avait blanchi la reine, le peuple a persisté à la traiter de folle dépensière et....il y a eu la Révolution.
A partir de là, à mon sens, le peuple s’est mis en tête qu’il était de plein droit de se saisir de la question de la monstration, de la parade.
Napoléon en a tout compris, qui, de minuscule Corse, s’est mis à concevoir de ressusciter les parades à la romaine sur base de victoires militaires. Là aussi devant toute la cité et pour faire bonne mesure, le voilà à faire édifier des arcs de triomphe (En dehors du monde romain et napoléonien, il n’y en a pas)
Il dit donc clairement « N’importe qui peut se trouver à ma place à défiler sous l’arc de triomphe » et il fait de gueux des princes.
Il est viré, trois rois « des français » puis le second Napoléon prennent la suite quelques années et arrive la troisième république « tous égaux » (sauf les femmes et les colonisés) et Jules Ferry
Jules nous dit « Chacun peut accéder à la solarisation par la scolarisation républicaine »
Voilà tous les élèves à se précipiter vers les pupitres pour y écouter respectueusement le maître, pour apprendre au moins à lire et écrire et pendant que leurs parents font des courbettes à n’en plus finir devant le docteur venu soigner la petite dernière ainsi que devant le patron de l’usine (qui est aussi le patron de la mairie, du dispensaire, de l’école...)
C’est à ce moment là que surgit le microphone qui offre enfin l’ubiquité rêvée. Il est d’abord réservé aux chefs mais apparaît assez vite voué à être saisi par tous
Jusque là, les sceptres avaient la caractéristique d’être uniques et ne pouvaient donc être tenus que par une seule personne à la fois, le roi.
Le microphone (et sa suite vidéo) ressort alors comme le premier sceptre, le même sceptre qui avait par exemple permis à De Gaulle et l’abbé Pierre de lancer leur appel, pouvant être fabriqué en grande quantité (avec un pouvoir augmentant avec cette quantité) et que sauf à être timide, chacun pouvait saisir et bénéficier, lui aussi d’ubiquité.
Alors que toutes les professions ont progressivement tenu compte de ce nouveau sceptre populaire et en ont intégré le principe dans leur activité et prospective, les professeurs n’en ont rien fait.
Certes, jusque là, comme ils avaient devant eux une classe de 30 élèves pas immense et que les élèves se taisaient, ils tribunaient, ils étaient le soleil de 30 gosses et ils n’éprouvaient aucune nécessité d’embrasser la micromanie.
Disons donc que les professeurs ont certes eu une sorte de désir de se produire en soleil mais seulement devant des gosses et seulement par groupe de 30 à la fois
Cela ajouté au fait que les profs ont rarement conçu de faire autre chose au long de leur vie professionnelle, ils étaient comme résignés à ce petit niveau de solarisation-parade.
Et au fur et à mesure que toutes les autres professions se jetaient sur la micromanie, en se concevant des envergures de plus en plus mondiales, les profs sont ressortis comme étant les professionnels les plus modestes, les plus figés dans la vision de 1880, les plus statiques.
Il y a encore 5 ans ; les médecins s’offusquaient quand un malade leur demandait un avis par téléphone. Désormais ils en sont à dire qu’ils peuvent très bien télésoigner.
Il y a 5 ans, mon fils a eu une leucémie et pendant ses moments de rémission, étant à la maison, des profs de son école habituelle ont consenti à venir l’enseigner dans sa chambre toute emproprée. Mais quand il leur a été proposé de poser une webcam dans leur classe pour que mon fils puisse suivre les cours à distance, ils ont tous refusé.
Ils conçoivent un modeste rayonnement devant 30 gosses mais n’osent pas se monter à l’oeuvre devant des millions d’adultes.
Du coup, ils se retrouvent situés dans une sorte de corps d’arrière garde au moment où de plus en plus de gosses se gavent de savoirs qui leur parviennent par le microphonisme ambiant.
Et en même temps que nos rois n’ont plus aucun sceptre bien à eux, toute la gueusaille se conçoit star, au moins d’un jour, au moins le temps d’un entartage, d’un lancer de chaussure ou d’un enfarinage
Alors, pendant que les parents sont, aussi bien à la maison que dans leur entreprise, complètement acquis au micro ; donc à la solarisation pour tous, à se bousculer tous devant la moindre caméra et dieu sait qu’il y en a, pour y grimacer ou y dire prout, alors que les élèves en classe ne songent qu’à leur micromanie, les profs archi 1880, apparaissent comme des dinosaures.
A la rigueur, les profs qui enseignent la micromanie, l’informatique, l’infographie, l’entertainment, ceux là sont considérés comme étant à la hauteur des enjeux solaristes.
Mais les autres profs, ceux qui restent sages et discrets à l’instar d’Odon Vallet, ils sont enterrés vivants
A noter ici que le monde des psys en tous genres, tant qu’ils en sont, comme les profs de 1880, à n’opérer qu’en manière de Freud Lacan, ressortent, eux aussi, effrayants de ringardise aux yeux des jeunes.
D’autant que quelques malins et opportunistes de ces corporations ont réussi à devenir des stars de ce solarisme universel où même des chiens et des poissons rouges passent sur le Web : Haroun Tazieff, Hubert Reeves, bien sûr, mais ensuite Cousteau et Hulot, et maintenant Halmos, Hefez et de fil en aiguille, les plus malins des enseignants, dans toutes les matières sauf les plus dures, se retrouvent à soleiller sur les écrans devant des masses énormes.
Comme plus ca va plus des gamins gagnent fort bien leur vie, même honnêtement, sans aucun diplôme mais en ayant saisi le fil du micro, il apparaît de plus en plus inutile et d’exercer un métier manuel et d’apprendre les sciences dures. Apprendre à chatter, à parler parler parler en raillant les autres à la Debouze, voilà qui est important de nos jours. Y parvenir un jour et être éjecté de la scène le lendemain par d’autres encore plus pendus de la langue, voilà ce qui déprime les Loana et autre FX
Les profs à la Pagnol qui ne se sont pas siliconés les lèvres ou gougouttes, qui n’ont même pas un piercing dans les trois narines, ce qui est un minimum, qui n’ont pas pensé à faire de leur corps ou de leur tchatche une performance, sont archi dépassés et toute la structure scolaire avec, ses psys compris.
Dans les familles, comme les parents ne sont tenus à aucune feuille de route, ils improvisent et s’adaptent tant bien que mal, ça casse, ça plie, ça déchire, ça secoue dans tous les sens. Mais ça bouge. Les politiciens aussi adaptent leurs manières et procédures à la nouvelle donne où ils doivent se partager le sceptre avec n’importe qui et donc se montrer impassibles ou blasés quand ils sont enfarinés. Tandis que l’école ressort, de tous les systèmes, comme étant le plus figé.
Pour l’instant nous parvenons encore à produire des maisons et des avions. Mais j’ai un mal fou à concevoir que nous puissions encore en produire dans 30 ans si ce canopisme en rien élitiste, en rien réservé à une classe, continue
(canopisme : propension à se hisser sur la néo canopée pour y être vu de l’Oeil médiatique)
Voilà les deux trois choses que je voulais vous montrer de vous et de nous
20/06 18:54 - orlando57
@gordon71 Petite rectification : les agrégés doivent 15 h de cours. Mais puisque nous sommes (...)
07/02 07:10 - rosemar
03/02 18:16 - gordon71
vous avez bien compris que mon propos exagéré répondait à la plainte de rosemar cela signifie (...)
03/02 17:06 - bluerage
oui, merci bien, d’ailleurs je vous corrige : la palme revenant sans discuter (notez (...)
03/02 17:05 - velosolex
Rosemar On va arriver à s’entendre. Je suis bien conscient que le métier de prof est (...)
03/02 14:22 - rosemar
A velosolex je vous signale que je n’ai ,pour ma part,utilisé aucun propos injurieux et (...)
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