• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de bluebeer

sur Du 11 septembre à la Syrie* : Pourquoi, malgré les « preuves », les gens refusent-ils de voir la « vérité » ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

bluebeer bluebeer 12 janvier 2014 15:29

Bonjour,

Bon article, bonne mise en forme.

Cependant, je ne suis pas trop d’accord avec le caractère systématique de la séquence de Kübler-Ross. S’il est un fait qu’un événement choquant pénètre difficilement dans notre réalité, car il lui faut s’y frayer un chemin et trouver une place, sans détruire le reste de nos représentations et convictions, je ne suis pas sûr que cela emprunte toujours la même trajectoire. Par exemple, les premiers moments du 11 septembre ont été ceux d’une sidération, mais pas celle d’un accidenté émergeant de son véhicule réduit à l’état de ferraille, plutôt celle de gens confrontés à un événement trop gros pour être immédiatement assimilé dans les structures mentales préexistantes. Ainsi, je me souviens que les premiers jours, nombre de réactions autour de moi étaient vaguement admiratives, du genre : pour un attentat, c’était vraiment un bel attentat, bien pensé et tout. Ensuite rapidement, le scénario s’est mis en place et l’attention s’est concentrée sur la menace terroriste, sur la nouvelle donne géopolitique, sur l’état de siège qui venait de faire irruption chez nous. Tout ça canalisé par une kyrielle d’infos bidons, mais tout à fait compatibles avec cet état de chaos où chaque information, même ridicule, est un peu crédible quand même. Mais un déni, un refoulement émotionnel, je ne m’en souviens pas. Au contraire les gens ont directement accepté la réalité de l’événement, et se sont laissés entraîner ingénument à la colère. Et c’est bien ça le problème d’ailleurs.

Je dirais même que le soucis des instigateurs de l’attentat devait être de maintenir un niveau minimum d’alerte et d’indignation dans la population, éviter l’acceptation de faits. Le terrorisme islamique est donc entré dans l’arène, avec toute sortes de péripéties. Islamisme et terrorisme, d’ailleurs, car il était parfois difficile de concilier les deux dans un même axe du mal (la Corée du nord fait tache, par exemple). Ce faisant, il leur fallait souffler sur les braises et maintenir un flot continu de bobards, ce qui au fond, n’est pas difficile. La conscientisation des citoyens aura été un risque corollaire, mais qu’ils ont probablement estimé comme mineur, et en ce sens, cela rejoint vos propos.

Car si les gens ne se dressent pas davantage contre tous ces mensonges et contes de fée médiatiques dont ils perçoivent vaguement la stupidité, c’est tout simplement qu’ils s’en foutent. Ça ne change rien à leur vie. Du moins de manière visible. Même les américains soumis au Patriot Act n’en aperçoivent que marginalement les effets. Ils ne sont pas passés pour autant au fascisme pur et dur, simplement à une série de glissements sémantiques, quelques changements d’habitude insidieux dans le quotidien, sans grande conséquence. Une tendance à être moins critiques, certainement, même s’ils n’ont pas réellement pris cette guerre à leur compte.

Non seulement il n’y a pas vraiment eu déni au sens de Kübler-Ross, mais il y a même eu beaucoup de gens pour réagir. Cependant, ces gens réagissent et se positionnent dans les deux sens. Certains épousent la cause d’un camp tandis que les autres se massent de l’autre côté. Jetez un coup d’oeil sur le fil de votre article pour vous en convaincre. Les dérives sont rapides, on glisse rapidement d’un sujet connoté à un autre connoté un peu plus loin, et chacun plante ses banderilles là où il se trouve, sans souci d’abattre le taureau. Il y a débat, mais débat de tranchée, les arguments se chronifient et les positions se radicalisent, faute de preuve irréfutable pour emporter la conviction.

En fait, la confrontation finit par se suffire à elle-même : dans un autre fil, j’ai évoqué la démarche récente de deux Congressmen américains demandant la déclassification d’un rapport sur les financements du 11 septembre, et pointant du doigt la responsabilité des Saoudiens (un des représentant connait le contenu de ce rapport pour avoir fait partie d’’une commission qui l’a analysé en détail, et voudrait le diffuser). C’est une petite révolution, puisque des représentants de l’establishment veulent eux-mêmes mettre sur la table des faits nouveaux et ouvrir des portes avec des conséquences encore incalculables sur le plan diplomatique. Ça n’a virtuellement intéressé personne sur le fil. Pourtant, ce genre de brèche est attendue depuis douze ans maintenant. Le 11 septembre est bien assimilé, mais de manière très différente par les uns et les autres, et surtout codifié. Le débat se suffit à lui même, il ne débouche sur rien de pratique.

Je ne renvoie pas les adversaires dos à dos. Je pense que les truthers cherchent la vérité, et que ceux qui ont décelé, à tort ou plus vraisemblablement à raison, une vaste manipulation dans les attentats du 11 septembre, se sont effectivement aguerris pour la suite des événements (l’Irak, l’Afghanistan, Ben Laden, la Libye, la Syrie...). Malheureusement, savoir n’est pas pouvoir. Ce qui paralyse les gens (et vous en parlez, effectivement), c’est plutôt un constat : et alors ? Qu’y puis-je ? Les citoyens sont laissés à eux-mêmes. Il n’y a plus de force anti-système constituée, il n’y a plus de plan d’action. On en arriverait à penser, commeau début de l’Ecclésiaste, que « le savoir augmente le chagrin, et que l’abondance de connaissance apporte l’abondance de souffrance ».


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès