Enfin une critique fondée et argumentée. Je salue votre lecture sincère et honnête, bien que nous soyons en désaccord.
Je suis, comme vous, amoureux de la paix, sans quoi je ne vois pas comment je pourrais être chrétien : Le Christ n’a-t-il pas dit à Pierre de rengainer son glaive quand, au Mont des Oliviers, il trancha l’oreille du soldat qui avait porté la main sur son maître ? Et pour illustrer sa volonté, il remit l’oreille en place, en disant à Pierre : « Celui qui prend le glaive périra par le glaive ».
Ce qui nous oppose, c’est la vision de l’Eglise de l’Ancien Régime : Illuminé sans doute par Marx et Freud, ces vulgaires bateleurs, vous lui prêtez des intentions mauvaises qu’elle n’avait pas : Vous ignorez ou feignez d’ignorer que l’Eglise s’est élevée patiemment sur un terreau de barbarie, travaillant sans relâche pour civiliser l’homme européen, issu d’un empire romain savant mais cruellement cynique, entouré de barbares sanguinaires pour qui la vie d’autrui n’avait aucune valeur sacrée.
Ce travail, certes, en vint parfois à exalter quelque prince, Charlemagne, par exemple qui, sincèrement épris de vérité, se révolte contre la barbarie qui étouffe la parole et broie les innocents : Comme Pierre coupe l’oreille du soldat, il fait alors la guerre aux barbares. Certes, alors, il tue, mais il tue de cruels oppresseurs pour libérer les opprimés : Est-ce un crime impardonnable devant Dieu de tuer un sacrificateur d’enfants, par exemple ?
Mais jamais l’Eglise n’a demandé de spolier le juste et l’innocent, même s’il lui est arrivé en certaines circonstances d’être dans la plus totale incapacité de s’y opposer : Le martyr livré aux lions dans l’arène peut-il, au même instant, arrêter le glaive du légionnaire qui, aux abords de l’arène, s’apprête à tuer un homme coupable de ne pas s’être incliné au passage d’un patricien ?
Hormis cette incapacité matérielle, l’Eglise s’est toujours faite l’avocat des justes et des innocents. Il y aura toujours, bien sûr, des évêques Cauchon et des Tartuffe pour feindre une foi qu’ils méprisent au fond d’eux-mêmes, mais l’exception n’est que la confirmation de la règle de fraternité qui est l’indéniable fil conducteur de l’Eglise.
Nos Charlemagne modernes, hélas, ne sont plus guidés par l’Eglise. Au contraire, ils prétendent à présent lui dicter une morale contraire à sa tradition. Et ils font la guerre, non pour redresser les tyrans, mais pour asservir les ressources des peuples.
Et c’est un autre triomphe de ces barbares gavés de technologie, que d’avoir appris aux enfants même de l’Eglise, grâce aux bateleurs susdits, à mépriser leur propre mère, se soumettant ainsi de leur pleine volonté à d’impitoyables oppresseurs : Ayant passé l’Eglise en mépris, nous retournons à la barbarie. C’est inéluctable : On ne peut à la fois mépriser la Vérité et se mettre à son service.