« Que définissez-vous par « propos radicaux » ?
Quels éléments de l’interview vous ont fait me mettre une étiquette de
« propos radicaux » ? »
Ce n’était en aucun cas un argument, je ne faisais que
partager une impression qui s’est dissipée à la lumière de votre second message.
En ce qui me concerne renoncer à la monnaie est un propos radical. Évidemment,
la radicalité est toujours affaire de subjectivité.
1.
« La pénibilité n’est qu’une limite psychologique. Certaines
personnes aiment les défis, d’autres rebutent face au moindre effort. »
Je trouve terriblement insultant de réduire la pénibilité du
Travail à « une limite psychologique »
(Pierre Gattaz lui-même n’aurait pas osé la sortir celle-là !)
Comme je le dis dans l’article « pour une majorité de personne, pour la majorité du temps, le
travail est un labeur qui demande des efforts et une motivation et qui est une
source d’ennui et/ou de souffrance. L’un des rôles majeurs de la dette/monnaie
est notamment de rendre la société redevable du labeur des travailleurs. »
et, contrairement à ce que vous avanciez, « Quels sont les travaux
« mal appréciés » ? En général, les travaux dont on ne voit pas
le but, l’utilité », selon
moi, les travaux « mal appréciés » sont des travaux pénibles.
Et, comme je le dis
également, l’idée « d’aimer/apprécier » son travail est un phantasme
capitaliste/individualiste.
Mon opinion est
que, globalement, le travail n’est pas agréable et que, à ce titre, il mérite
une contrepartie sociale.
2.
« Que devient ce
travail pénible si une part d’automatisation vient aider l’humain » C’est
vrai qu’ils sont vachement idiots dans les communautés autosuffisantes et « sans
monnaie » du Larzac, on devrait leur dire qu’ils devraient se construire
des robots pour les servir et éviter les travaux pénibles.
Pardonnez mon ironie, mais je trouve terriblement irréaliste
de résoudre le problème de la pénibilité par une « automatisation
théorique ». Par ailleurs, aucune « automatisation » n’existe
pour les travaux que j’ai cités plus haut. Travaux dont je vous certifie la relative
pénibilité et qui mériteraient une reconnaissance sociale formelle.
3.
« Les
« coûts » n’existent plus dans un système post-monétaire. » Effectivement,
mais cela n’efface pas le travail, la pénibilité qu’il induit, la gestion des
compétences et des ressources, les obligations morales dues à ceux qui
travaillent « plus »…
4. « Mais la monnaie est un outil qui
exacerbe la violence et le pouvoir ! Et cette exacerbation est liée à la rareté relative de cet outil.
(sinon, personne ne se bat pour obtenir des feuilles d’arbre) »
La « rareté relative » de cet outil est liée à la « valeur »
de la « réserve de valeur » (http://fr.wikipedia.org/wiki/Valeur_%28%C3%A9conomie%29).
Or, pour prétendre être une réserve de valeur (qui permettra à la monnaie d’incarner
une reconnaissance sociale qui serait le fruit du surcroit de son labeur), la
monnaie doit être rare aux yeux de la très grande majorité des acteurs
économiques. La monnaie incarne une violence et un pouvoir socio-économique, je ne le nie pas,
mais elle n’exacerbe pas cette violence et ce pouvoir : elle se contente de les
incarner. Si nous souhaitons réduire cette violence, nous devons veiller à une
répartition plus équitable de la monnaie et ne pas la déifier (comme le fait
notre société mercantile).
5. « 1 personne donne un ordre à une autre
personne dans un système post-monétaire. Si cet « ordre » n’a pas de
fonction d’organisation (diriger des travaux pour qu’ils soient efficaces et
bien réalisés, sorte de coordination), la personne recevant cet ordre pourra
répondre « Sans blague ? Et il fait beau chez toi ? ».
Quid de la notion de pouvoir ? »
C’est ce que j’appelle « réduire »
la notion de pouvoir à la monnaie. Pour forcer quelqu’un à travailler on peut
le menacer d’une arme, faire divers chantages, jouer de séduction ou de
charisme, agir sur son sentiment culpabilité, user de ses compétences ou son
expertise pour le confiner à des taches ingrates…
Bref, il est absurde d’envisager
réduire le pouvoir et l’influence sociale à l’argent.
6. « Sans le coût de la formation, sans le coût du copyright et des
brevets, les spécialisations et la division du travail posent moins de
problème, c’est tout. »
Ce n’est pas parce que le
système économique actuel a inventé des coûts relativement absurdes que la
spécialisation et la division du travail posent « moins » problème à « l’après
monnaie ».
7. « Pour que quelqu’un réussisse économiquement, il faut que
plein d’autres perdent.
C’est mathématique. »
Je crois que c’est faux, la diminution de notre mortalité infantile, l’augmentation
de notre espérance et notre niveau de vie depuis plus de 100ans prouvent le
contraire. Notre système économique est injuste, défaillant et instable,
certes, mais ce n’est pas un problème de monnaie.
8. « La monnaie fait
partie intégrante de « l’organisation de la vie de la cité ».
Non ?
Qui plus est, c’est un point de vue ultra libéral : la monnaie doit être
totalement libre. Non ? »
Oui, la monnaie « fait
partie intégrante de « l’organisation de la vie de la cité » ».
Comme je le dis, la
monnaie doit être assujettit à l’intérêt général, au bien commun, à la
souveraineté populaire.
Or quand je dis que « je suis un peu rigoriste sur la
question : la monnaie ne doit JAMAIS être l’objet d’une quelconque
politique (quelle que soit ses fins) et se cantonner au dogme Aristotélicien. »
je ne fais retranscrire mon opinion individuelle (nécessairement
subjective) de ce qui est, de mon point de vue, d’un « intérêt général ».
9. « Car pour donner à l’un, il faut
prendre à l’autre. Que faire lorsque les deux méritent d’avoir ? »
La rareté (des
ressources, biens, services, compétences…) fait parti de ce monde : il
faudra gérer cette rareté avec ou sans monnaie. Le problème que vous posez n’est
donc pas un problème lié à la monnaie mais à la rareté des biens.