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Commentaire de Vivre est un village

sur Annie Lacroix-Riz dénonce, faits à l'appui, la non-épuration des collabos et s'attire les foudres de la censure


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Vivre est un village Vivre est un village 5 mars 2020 10:36

Dès la mi-janvier 1942, trois mois avant retour de Laval, plus d’un an avant le décret officiel sur le STO (du 16 février 1943), c’est un trio synarchique, Belin, encadré par ses tuteurs Barnaud et Lehideux, qui symbolisa la propagande officielle française en faveur du travail forcé dans le Reich : « Dans une réunion qui a eu lieu chez le commandant militaire en France et à laquelle assistaient les représentants de l’ambassade, de l’état-major et du Grand État-major, les ministres français Barnaud, Belin et Lehideux se sont déclarés prêts à soutenir de leur mieux désormais le recrutement d’ouvriers français pour l’Allemagne, tant au moyen d’une déclaration officielle du gouvernement que par n’importe quel autre moyen approprié. La déclaration du gouvernement va paraître dès que les délégués du gouvernement français, chargés de veiller aux intérêts matériels et moraux des ouvriers français en Allemagne, prendront leur fonction. » [71].

Certains des synarques syndicaux, auxiliaires précieux pour neutraliser - à défaut de (re)conquérir - la classe ouvrière et les salariés, prirent leurs distances avec Vichy beaucoup plus tôt. La synarchie put, aux débuts de la Pax Americana, user de leurs services plus tôt ou plus ouvertement que de ceux des vedettes de Syndicats, condamnés à une certaine discrétion. À leur tête figura Robert Lacoste, ancien secrétaire de la Fédération générale des fonctionnaires de la fonction publique et ministre socialiste de la PI après la Libération : c’est lui qui, en septembre 1945, dénonça à André Tixier, son collègue socialiste de l’intérieur, l’infâme Belin, stipendié par Barnaud pour faire de la propagande munichoise « et surtout […] réduire à l’impuissance, par la calomnie, la tendance confédérale patriote et anti-allemande que dirigeaient Léon Jouhaux, Louis Saillant et moi-même. » [72] C’était oublier qu’ils avaient assidûment fréquenté les mêmes cercles patronaux synarchiques, et que Lacoste avait autant que Belin « f[a]it avant-guerre une intense propagande en faveur de l’économie dirigée et de la planification industrielle » [73]. La CGPF - devenue Conseil national du patronat français (CNPF) en 1946 - fit de septembre 1944 à février 1950 de sa « tête de pont au parti socialiste » un ministre inamovible de la PI, puis « de l’industrie », puis « de l’industrie et du commerce » - exceptée la courte parenthèse du communiste Marcel Paul (novembre 1945-novembre 1946) [74]. Le politiste américain Henry Ehrmann, qui prétendait douter de l’existence de la synarchie mais dont chaque page ou presque de l’ouvrage La politique du patronat français 1936-1955 confirme la réalité, a décrit les « contacts étroits » entre Lacoste et « certains chefs du mouvement patronal » (tous synarques) [75].

Tous les synarques syndicaux qui n’avaient pas brûlé leurs vaisseaux entre l’été 1940 et la Libération reprirent du service cégétiste officiel après que la Pax Americana eut remplacé l’ère allemande. Ceux qui avaient été définitivement exclus des syndicats continuèrent à servir le grand patronat synarchique, Belin et Laurat compris. Ils contribuèrent, auprès du patronat français et des nouveaux protecteurs américains, à la scission syndicale de 1947-1948 (entre CGT et Force ouvrière). Parmi eux, Georges Albertini, auxiliaire de la banque Worms avant et pendant la guerre, protégé de Bichelonne, mérite mention. À ce lieutenant de Marcel Déat au Rassemblement national populaire, alias Claude Varennes, sorti de Fresnes en février 1948, Hippolyte Worms en personne attribua aussitôt un bureau au siège de sa banque et la fonction y afférente. Financé par la banque Worms, le CNPF et la CIA - dernière donnée mieux connue [76]que le financement allemand d’avant-guerre à Syndicats -, l’ancien socialiste et syndicaliste anima presque jusqu’à sa mort (1981) l’inusable croisade anticommuniste et antisoviétique [77].

Entretien également publié par Agoravox.


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