« Antigone » reprise Comédie Française sur scène Richelieu
Découvrir une mise en scène créée au Vieux-Colombier en 2012, lors de sa reprise en salle Richelieu la saison suivante, c’est comme déboucher un vin fameux, en sachant que sa maturité n’aura pu que lui être favorable !
- ANTIGONE
- photo © Cosimo Mirco Magliocca
Mais cette « Antigone » d’Anouilh mise en scène par Marc Paquien est davantage qu’une excellente cuvée ayant bien vieillie, c’est avant tout l’affrontement à mort de deux personnalités enchaînées aux tribulations d’une saga familiale hors normes dont Œdipe aura donné le célébrissime coup d’envoi !
Certes, lui, Créon en charge de la raison d’Etat est habité par la mission régalienne de faire respecter l’intérêt supérieur de la Nation, en gardien suprême. Pour Antigone, la seule règle de conduite est de veiller à sauvegarder la dignité de la fratrie menacée de l’intérieur autant que de l’extérieur.
Leur lutte sera frontale mais néanmoins liée, de part et d’autre, par le souci constant d’être en accord avec soi-même et les principes éthiques antagonistes, respectivement défendus :
L’objectif de Créon est de tenter de sauver Antigone contre elle-même, c’est-à-dire contre les forces obscures de l’autodestruction. L’ambition d’Antigone est de n’écouter que sa voix intérieure, bien décidée à faire respecter l’honneur d’un frère jeté en pâture aux Gémonies !
Ce pourrait être le rôle de sa vie, pour Françoise Gillard, tant la rébellion y semble lui coller à l’androgynéité qu’elle affiche avec une classe superbe !
De même que la détermination et l’énergie lui dictent une attitude sans compromission, pareillement, sa peur latente, sa vulnérabilité, sa sincérité à fleur de peau en élaborent une figure emblématique du combat au féminin ayant transgressé le point de non retour !
Face à elle, la stature de Bruno Raffaelli est comme une invite urgente au renoncement à toute subjectivité idéologique, cherchant à faire œuvre morale tout à la fois dissuasive et pédagogique, qu’avant d’appuyer, par exacerbation dépitée, sur le bouton nucléaire cataclysmique.
Ce rapport de forces évolutives conduit la dialectique affective entre ces deux êtres, que tout par ailleurs pourrait rapprocher, dans une sorte d’impasse métaphysique proche du sublime tout autant que de l’anéantissement absolu !
Vigie du simple bon sens en représentativité chorale, Clotilde de Bayser exerce la fonction de narratrice expliquant d’emblée au public qui est qui, qui fera quoi et quel sera l’enjeu fondamental de l’inéluctable destinée collective écrite d’avance !
Présentant ainsi tous les protagonistes comme enchaînés à un véritable jeu de rôles, celle-ci aura précisément beau jeu d’expliciter au fur et mesure du compte à rebours, les phases successives de la catastrophe post-oedipienne annoncée !
Cette interprétation, non dénuée d’humour par euphémisme, est en soi un véritable régal à contempler, des premiers rangs de l’orchestre, tant la comédienne balaie la scène avec la désinvolture relative qui sied à celle qui serait revenue, saine et sauve d’esprit, de toutes les tyrannies de la mythologie antique !
D’ailleurs, c'est l’ensemble de la direction d’acteurs de Marc Paquien qui repose sur ce maelstrom de nuances subtiles intriquées dans une thématique d’abus de pouvoir érigés en système avec distribution judicieuse et réalisation intégralement maîtrisée !
photo © Cosimo Mirco Magliocca
ANTIGONE - **** Theothea.com - de Jean Anouilh - mise en scène Marc Paquien - avec Véronique VELLA, Bruno RAFFAELLI, Françoise GILLARD, Clotilde DE BAYSER, Nicolas LORMEAU ou Stéphane VARUPENNE, Benjamin JUNGERS, Nâzim BOUDJENAH ou Pierre HANCISSE, Marion MALENFANT ou Claire DE LA RÜE DU CAN & Laurent COGEZ, Carine GORON, Lucas HÉRAULT - Comédie Française salle Richelieu
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