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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Calendrier Pirelli : la beauté selon Peter Beard

Calendrier Pirelli : la beauté selon Peter Beard

Le nouveau calendrier Pirelli pour l’année 2009 est signé par Peter Beard. Il a été présenté jeudi 20 novembre à Berlin dans l’ancienne gare de chemin de fer qui menait à Vienne et Prague au 19ème siècle. Lieu symbole pour Peter Beard, amoureux inlassable des voyages et de l’éternelle Afrique.

Pour ce 36ème calendrier, Peter Beard a choisi, en toile de fond, la douceur sauvage du désert du Kalahari, situé au Botswana, et lâche dans la nature sept spécimens que les éléphants, les gazelles et autres lions n’ont pas dû souvent avoir l’occasion de côtoyer : Maria Carla Boscono, Isabeli Fontana, Lara Stone, Charlotte Kemp, Emmanuela De Paula, Rianne Ten Haken, Daria Werbowy. Sept mannequins, parmi les plus en vogue, se fondent dans une faune en péril. Il regarde dans son viseur ce qu’il nomme « la beauté extrême ».
 
« The Cal », le calendrier publicitaire Pirelli à la gloire de la beauté des femmes et de la photographie est devenu depuis sa première édition en 1964 un objet de culte. Sa rareté fait beaucoup de convoitises car il n’est pas vendu dans le commerce mais distribué comme cadeau d’entreprise par la marque Pirelli aux clients importants ou à des célébrités. Toutefois, les plus intéressés et les plus patients pourront attendre qu’un calendrier finisse sous le coup de marteau d’une vente aux enchères… un jour ou l’autre… 
 
Mais ce calendrier est un bon prétexte pour vous parler de Peter Beard.
 
Connaissez-vous Peter Beard ?
 
Peter Beard ne se définit pas vraiment lui-même comme un photographe. Nous non plus. Ce serait réducteur. C’est un artiste, un aventurier, un mondain, tout droit sorti d’une époque qui ne vit que dans nos imaginaires. Ce pourrait être un personnage d’Oscar Wilde ou de F. Scott Fitzgerald.
 
Il est né en 1938 et a vécu sa jeunesse sur la cote Est des Etats-Unis, descendant d’une illustre famille, son arrière grand père était un célèbre capitaine d’industrie au 19ème siècle. Peter Beard étudie l’Histoire de l’Art à Yale, mais veut aussi « voir du pays » et apprendre la vie sur le terrain : armé d’un appareil photo, il part pour l’Afrique. La lecture de la « Ferme africaine » durant la traversée l’émerveille. Il voudra marcher sur les traces de la Baronne Karen Blixen, l’auteur de l’ouvrage dont est d’ailleurs tiré le film « Out of Africa ». Il la rencontre à plusieurs reprises et réalise quelques photographies d’elle. 
 
Il vit entre l’Amérique et l’Afrique, sa destinée. « Beau gosse » à l’allure décontractée, Peter Beard cultive le goût de la désinvolture et de la nonchalance avec une petite pointe humoristique de sérieux : l’art et la manière du juste comme il faut. A NewYork, il fréquente les soirées les plus prisées : de la Factory en passant par le Club 54. Il rencontre Andy Warhol, Mick Jagger et les Rolling Stones à l’apogée de leur carrière, Truman Capote, mais aussi Francis Bacon, Dali, Ava Gardner, Minnie Cushing, avec toutes les anecdotes qui pétillent dans une vie menée tambour battant.
 
Au Kenya, il acquiert en 1960 un terrain de 18 hectares et y installe une ferme nommée Hog Ranch qui se trouve à côté de celle de Karen Blixen, près de Nairobi. Il puise son inspiration dans les réserves qui l’entourent.
 
Son art serait difficile à classer. Peter Beard n’aime pas les catégories. La photographie est, pour lui, un moyen et non une fin. Et puis, les photographies de Peter Beard ne sont pas de simples photographies, se sont de véritables compositions qui mélangent images, écrits, peintures, citations dans d’immenses collages vivants, des témoignages vibrants sur l’environnement et le sort de la planète.
 
Il tient également un journal qu’il remplit au gré des émotions qui n’appartiennent qu’à l’instant. Tout est susceptible de finir dedans, comme dans ses collages ou ses photographies. Il récupère ce qui tombe pour lui sous le sens : galets, morceaux de bois, peaux de serpent, sable, plumes, papillons, os, algues, feuilles, insectes... du sang… du sang de pachyderme ou du sang d’Ava Gardner… qui après s’être coupée la main en cassant son verre de vin, voit Peter Beard sortir son agenda pour en récupérer quelques gouttes… sur une double page, s’il vous plaît ! Il intègre tout ce qu’une journée peut éclairer. Des bouts d’affiches, des bouts de magazines ou de journaux, des bouts, des bouts comme un début qui n’en finit plus…
 
Tout est noté, consigné, annoté, dessiné, l’éphémère au fil de la plume. Qu’en sort-il ? A chacun de le lire pour le dire ? Un sens général peut-il émerger d’une œuvre composée de plusieurs centaines de milliers de sens, autant de grains de sable qui dansent sous le souffle des pages feuilletées. Un désert n’est jamais figé. Peter Beard collerait des morceaux de temps s’il le pouvait… Oui, peut-être faut-il y voir une métaphore du temps qui passe…
 
Ses agendas, ses collages peuvent surprendre à la première lecture. Ils désarçonnent même, se rapprochent de l’écriture automatique et semblent régurgiter un flux de conscience brut, primaire qui parle de lui-même avec ses pulsions érotiques et morbides.
 
Tantôt féroce, tantôt facétieuse, l’œuvre est directe. Elle exhale un mystère : elle nous aspire, et donne le tournis. Elle coupe le souffle. Il ne faut pas à tout prix chercher à déchiffrer Beard. La signification vient d’elle-même comme la bouffée d’oxygène après être resté en apnée. Les collages semblent avoir été réalisés de manière aléatoire. Le désordre n’est qu’un ordre caché.
 
Une sorte de folie semble imprégner ses oeuvres. On cherche la sortie. On veut fuir. Mais comme dans tout désert, plus on croit s’approcher de la porte de sortie, plus celle-ci s’éloigne. Alors de mirage en mirage on se pose sur une image puis sur une autre et finalement on revient à la première. Peter Beard constitue un précieux héritage et arrive à rendre l’Afrique telle qu’elle est d’une simple composition. C’est une bouffée de réel : entre deux battements de cœur, entre l’effusion, la chaleur des journées et le calme, la douceur des soirées.
 
Une tension démesurée, baroque anime Peter Beard et ensorcelle son oeuvre qui attire la curiosité, effraie et repousse à la fois. La beauté : les femmes couleur d’ébène à la poitrine haute. La beauté, c’est le début de la destruction, avec toute son intensité. L’agonie : les bêtes déchiquetées abattues. Tout se côtoie.

 
Francis Bacon dont il était proche disait : « C’est une question très serrée et difficile de savoir pourquoi une peinture touche directement le système nerveux ». Vous ne pouvez pas mettre une toile, un collage de Peter Beard dans une salle avec d’autres peintures. Ses œuvres chassent les autres. Est-ce leur côté sauvage qui se joue de notre système nerveux et nous capte, nous captive ?
 
La mort, il la connait, il l’a frôlée, à plusieurs reprises, notamment en 1996 lors d’un pique-nique avec des amis à la frontière du Kenya et de la Tanzanie. Un troupeau d’éléphant est arrivé tranquillement. Mais la matriarche, devenue rapidement agressive, les a pris en chasse. Il faut courir vite, très vite dans ces moments là. Il s’en est tiré avec la cuisse gauche déchirée et les côtes et le bassin écrasés. Sept plaques en titane et vingt-huit vis plus tard l’homme était prêt pour aller inaugurer sa nouvelle exposition au Centre national de la photographie à Paris. Les éléments de l’affiche de l’exposition ont d’ailleurs été collés avec des tubes de morphine… souvenirs… souvenirs…
 
L’homme va de l’avant. Tout le temps. Telle une devise. Après un incendie de sa maison de Montauk, il perd vingt ans de travail, de nombreux originaux, et des œuvres précieuses de Warhol, de Bacon. Mais, tant qu’il y a de la vie, une lueur d’espoir brille et lui donne envie d’aller voir plus loin sans regarder en arrière.
 
L’Afrique qu’il peint et qu’il photographie n’est pas idyllique. Il dépeint en visionnaire la catastrophe imminente à venir : pas uniquement celle qui guette l’Afrique, mais aussi celle qui se dresse face à l’Homme, car tout est intimement lié.

 
Gorilles, buffles, gorilles, crocodiles, lions et bien sûr, éléphants sont menacés. Ces majestueux éléphants, Peter Beard les photographie et témoigne de leur extinction progressive. Il y a certes les chasses à l’ivoire, mais chose moins connue, il y a aussi l’avancée territoriale de l’homme qui tue indirectement : les espaces vitaux des bêtes diminuent, et les bêtes mécaniquement s’entretuent. Dans des réserves réduites à leur portion congrue, le meilleur moyen de sauver l’espèce, selon lui, et contre toute vision angélique environnementaliste, était de réduire leur population pour éviter leur autodestruction et les effets dévastateurs de la surpopulation.
 
Peter Beard prend en photo des cimetières d’éléphants, ces pachydermes affalés sur leur flan, décharnés, qui vus du ciel semblent sourire de leurs défenses toujours intactes. Peter Beard voit du ciel l’abîme qui sourit à l’homme.
 
Et si notre espèce vivait le même malaise ?
 
Quand nous le comprendrons, ce sera déjà trop tard. La prise de conscience se fera avec les larmes aux yeux des condamnés. Les larmes de ceux qui ne vivent qu’avec un temps de sursis et qui le savent. Les yeux voilés, en proie à un autre monde.
 
Les catastrophes contaminent tout : les esprits, les corps, l’avenir. L’homme est responsable. Responsable dans toute sa démesure. « Plus jamais ça » dira-t-on avec une colère mêlée d’amertume. C’est toujours ce que l’on dit. On a trop de choses à dire, à crier, à hurler. Alors on veut résumer. On ne sait plus quoi dire. « Plus jamais ça » semble être à notre mesure, notre réconfort. Mais c’est à la mesure de notre siècle qui a connu les barbaries les plus innommables. C’est l’apothéose de la vulgarité. On ne résume pas une catastrophe. Encore moins quand on se sait responsable, quand on l’avait pressentie et que l’on n’a rien fait pour l’empêcher.
 
Pourrons-nous dire que nous ne savions pas ? Peter Beard publiait en1965 son premier ouvrage, il était intitulé : « The End of the Game ».



Pour en savoir plus vous pouvez consulter le remarquable ouvrage sur Peter Beard chez Taschen vous pouvez aussi consulter son site peterbeard.com

 
 
 Crédits photos : Pirelli/Peter Beard ; Peter Beard ; Taschen/Peter Beard

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Moyenne des avis sur cet article :  4.08/5   (26 votes)




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12 réactions à cet article    


  • Sandro Ferretti SANDRO 25 novembre 2008 12:00

    Interessant.
    Ceci dit, de jolies filles dans des gares, avec la faucheuse pas loin, cela existe depuis longtemps, c’est réussi, intemporel, étrange et glacé : c’est Paul Delvaux.
    Il y a quelques semaines, j’ai failli faire un article sur lui, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle gare d’Anvers, en Belgique, où certaines oeuvres étaient exposées,mais j’y ai renoncé, faute de technicité à faire des liens copié/ collé dans le logiciel rédacteur.
    Je fais quand méme un essai ici, pour ceux qui ne connaissent pas Delvaux, son obsession des gares, des squelettes, des filles nues et des clairs de lune.

    http://modernart.ifrance.com/

    et

    http://www.ricci-art.net/fr/Paul-Delvaux.htm


    • morice morice 25 novembre 2008 12:02

       Agoravox s’adresse aux camionneurs aussi ?? "responsable éditorial d’Agoravox" ?? ouah... le calendier Pirelli, ça c’est de l’info... "artiste, un aventurier, un mondain".. voilà la voix citoyenne, la vraie !!!

      "Les catastrophes contaminent tout"
      ce calendrier contamine l’Afrique à lui tout seul, je trouve.


      • Yohan Yohan 25 novembre 2008 12:12

        @ Morice
        T’as pas fini d’agresser tout le monde. Si t’es pas content, va écrire ailleurs. De toute façon tu nous saoules smiley


      • A. Nonyme Trash Titi 25 novembre 2008 13:16

        Le journalisme citoyen, c’est aussi la diversité Morice !

        Libre à vous de penser que seuls vos articles méritent d’être lus, je pense exactement le contraire ! Quant à votre pseudo scoop que vous revendiquez sur un autre fil, laissez moi rire ! Ce n’est pas en restant scotché derrière son écran que l’on sort des révélations, ou alors c’est que vous l’avez piqué à quelqu’un !

        Quand à votre agressivité, c’est vrai : ça commence vraiment à saouler !



      • Castor 27 novembre 2008 20:49

        Meeeeerde !

        je l’ai ratée, celle-là !
        Des interventions comme ça, faut pas les replier, enfin !

        Bravo Morice, je plusse à fond !

         smiley


      • sisyphe sisyphe 29 novembre 2008 09:56

        Rarement lu une intervention aussi con que celle là, Morice !
        Tu te surpasses, là !


      • Dr. Larsen Mr. Larsen (Paris) 25 novembre 2008 12:31

        Les photos (et les filles) du calendrier Pirelli sont magnifiques.


        • morice morice 25 novembre 2008 13:31

           Quant à votre pseudo scoop que vous revendiquez sur un autre fil, laissez moi rire ! Ce n’est pas en restant scotché derrière son écran que l’on sort des révélations, ou alors c’est que vous l’avez piqué à quelqu’un ! 

          ah ça, c’est vous qui le dites.... c’est plutôt le contraire : on a piqué des images à d’autres....


          • morice morice 25 novembre 2008 13:32

             par Yohan (IP:xxx.x23.84.150) le 25 novembre 2008 à 12H12 

             
            @ Morice 
            T’as pas fini d’agresser tout le monde. Si t’es pas content, va écrire ailleurs. De toute façon tu nous saoules

            on écrit soul quand on fait des articles de musique.

            • Philippe D Philippe D 25 novembre 2008 14:45

              Peter Beard est un ’’Image maker’’ qui use (et souvent abuse) de trucs esthétiques, d’une grammaire visuelle personnelle qu’il a utilisé sans cesse et qui avait finit par tourner en rond.
              Pour Pirelli il semble revenu a une vision un peu plus ’’dépouillée’’.

              Merci pour cet article que je pensais loin de Morice et de ses polémiques.
              Raté, il est là aussi.


              • kaykhanittha kaykhanittha 26 novembre 2008 11:45

                Ce calendrier est vraiment spectaculaire, combien de personnes le reçoivent dans le monde ?
                http://www.digg-france.com/CULTURE/VOIR-PHOTOS-DU-CALENDRIER-PIRELLI-2009-DU-PHOTOGRAPHE-PETER-BEARD




                • sisyphe sisyphe 29 novembre 2008 09:48

                  Merci beaucoup pour cet article, qui met en exergue le magnifique travail de Peter Beard.

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