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Francis Huster aime les dissidents

 Il arrive tout de noir vêtu, l’air absent, comme concentré sur son travail pour la pièce écrite par Eric Emmanuel Schmitt « la trahison d’Einstein », qu’il joue à partir du 30 janvier au côté de Jean-Claude Dreyfus.

Il se dit insomniaque. Alors la nuit c’est l’écriture (il fait paraitre « Family killer » un thriller paradoxal) ou le théâtre. Il dit bien écrire dans le bruit, métro, bus, café, hall d’hôtel, ou en écoutant des musiques de films. « Le silence m’empêche de me concentrer ».

Insulté il y a peu par des « amis » de Dieudonné, parce que juif, il ne veut pas en parler. On sait qu’une partie de sa famille a disparu à Auschwitz. « Je suis un français juif et non un juif français » explique-t-il.

Lorsqu’il était en tournée mondiale à la Havane, il y a bien longtemps, pour présenter Molière et Marivaux, il avait proposé aux techniciens cubains de prendre un repas avec son équipe, ce qui lui avait valu d’être interrogé par les autorités étonnées par cette invitation.

Francis Huster homme libre et inclassable.

Il va nous consacrer 1h30, avant de rejoindre le « théâtre rive gauche » pour répéter, encore. Hier un filage. Chaque soir ce sera une heure de maquillage pour trouver le visage d’Einstein.

« La trahison d’Einstein »

Il a lu 17 livres sur Einstein. Et il s’estime bluffé par l’homme.

« Einstein, c’est la personnalité du siècle ». « Comme Jean-Jacques Rousseau bouleverse la littérature mondiale » et ouvre « un siècle de nouvelle compréhension de l’âme humaine », Einstein bouleverse notre époque ; et pourtant…

Quand il est jeune la bonne dans sa famille l’appelle l’ « abruti ». Il a l’habitude de répéter deux fois ses phrases. « Un peu à la Gainsbourg, à la Chaplin il n’admet pas l’autorité. Son professeur le met au fond de la classe ; les bras croisés, il se balance sur sa chaise.

Quand il obtient facilement son diplôme, l’établissement lui met des bâtons dans les roues et il est obligé d’occuper un emploi subalterne.

Il a une liaison avec une étudiante qui fait naître une « petite fille illégitime morte de la scarlatine ». Puis ils ont 2 garçons dont un autiste qui rejoindra l’asile. Sa vie privée est « explosée ».

Séducteur, Einstein l’est (ne raconte-t-on pas que Marylin Monroë avait sa photo dédicacée sans ambigüité près de son lit de mort).

Les conquêtes s’accumulent tout au long de sa vie. Et sa carrière prend une dimension énorme, une découverte prodigieuse, des articles fulgurants.

Pendant 10 ans on lui refuse le Nobel (on verra même cette situation rocambolesque d’un prix non attribué pour éviter son nom). Il est nié par ses confrères. Il finit par avoir le Nobel de physique en 1921.

Hitler au pouvoir en Allemagne, le juif Einstein part pour les U.S.A. ( il choisit Princeton), alors qu’un autre juif célèbre, Freud se réfugie en Angleterre. Il prend la nationalité américaine, se déclare pro sioniste. En fait il n’a pas de véritable nationalité : « elle est au-dessus de nous » nous dit Huster.

Son attitude est jugée ambigüe par beaucoup : communiste ? (il avait de la sympathie pour eux) ; sans religion ? (juif laïque).

Eric Emmanuel Schmitt le campe face à un véritable roc, « un américain type Nicholson, Hackman, Brando, qui a perdu son fils à la Guerre ». Après la guerre Mac Carthy, Hoover veulent se payer Einstein juif américain en l’attaquant sur sa vie privée. « Le F.B.I. est sur le dos d’Einstein ». Chaplin qui a refusé la nationalité américaine les intéresse moins.

Schmitt c’est Giraudoux, nous dit Huster. « Il n’a pas d’état d’âme ». « Le public populaire va marcher à fond ». Einstein est « une figure emblématique dans laquelle le public se met pleinement ».

Schmitt se concentre sur la question de l’arme atomique. Face à certains évènements « on a froid dans le dos ». « 57 millions de morts pendant la seconde guerre mondiale . Et la bombe atomique ». « Einstein c’est qu’elle est possible ». Il envoie une lettre à Roosevelt pour que les U.S.A. fabrique la bombe. A la fin de la guerre après la mort de Roosevelt Truman accepte. Einstein n’est pas dans le projet car les américains ont peur des communistes. Einstein peut donner le secret de fabrication aux soviétiques.

Ainsi « Einstein objecteur de conscience, pacifiste a entrainé les U.S.A. à produire une bombe dévastatrice, mais qui a sauvé le monde ».

 Huster montre sa main et explique, deux doigts repliés vers l’intérieur, qu’Einstein qui taillait ses crayons, libérait la table des copeaux en la balayant au moyen des deux doigts repliés ; donc les doigts noirs le côté sombre, les 3 autres doigts étant ceux du côté lumière, de l’appui de la démonstration.

 Le combat pour la gloire de Camus

Ainsi Einstein dissident qui ne manque pas de lucidité et d’ironie passionne le comédien, son côté inclassable, en perpétuel mouvement, de pleins pieds dans son siècle face aux grandes interrogations existentielles, dans et hors le pouvoir, libre.

L’an dernier Francis Huster avait écrit « un combat pour la gloire », une sorte de testament imaginaire d’Albert Camus, publié pour le centième anniversaire de sa naissance.

Huster a joué plus de mille fois « la Peste », qu’il a adapté. Cette pièce écrite en 1947 par un Camus qui devait lui aussi recevoir dix ans plus tard en 1957 un prix Nobel de …littérature pour l’ensemble de son œuvre. Une épidémie de peste à Oran dans les années 40, l’enfermement de la ville sur elle-même avec les figures emblématiques du docteur Rieux, du journaliste Rambert, du trafiquant Cottard et la dénonciation de la peste brune dont l’Europe vient à peine de se débarrasser grâce à l’action de la Résistance.

Dans son « Combat » (référence au journal du Camus journaliste) Huster qui se met dans « la peau d’Albert Camus » imagine un Camus posthume : « je suis revenu de la mort pour parler aux générations futures. Parce que je ne veux pas qu’on leur mente et qu’elles subissent ce que nous avons dû souffrir, comme un aboutissement logique ».

Camus veut défendre l’homme. « L’homme parle à l’homme ». « Il se méfie des hommes ». Il fait « une œuvre droite, nette ». « Avec une écriture de journaliste ». « Il y a du Pascal chez lui ». « Le pari de Dieu devient le pari de l’homme, au travers d’ « une œuvre fluide, d’aujourd’hui ».

Camus-Huster passe alors en revue la justice, la politique, la religion, l’enfance, le terrorisme, le nazisme, l’artiste, Dieu, la liberté, la révolte, le nihilisme. C’est « l’humanisme contemporain contre la barbarie ».

Pour Huster « les périodes de chute morale, d’explosion de la société (comme actuellement) montrent que les artistes, les écrivains ont plus de morale que d’autres. L’artiste donne des raisons de s’en sortir par le rire, la pensée avec l’affirmation de valeurs, en donnant matière à réflexion ». « L’artiste va vers les autres ». « On a été humilié, chacun. On ne supporte plus l’humiliation ». « Le succès actuel de livres bien écrits, appelle à l’optimisme ». « Les gens se révoltent » et il nous faut « laisser ce qui ne vaut rien et aller à l’essentiel ».

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5 réactions à cet article    


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er février 2014 22:08

    Huster se rêve toujours en Gérard Philipe ...


  • Simple citoyenne Simple citoyenne 1er février 2014 23:23

    Bonjour à vous auteur, j’ai été très déçue de savoir que lorsqu ’il dirigeait les cours Florent, Françis Huster, avait été odieux avec l’actrice Dominique Blanc.

    Extrait de l’interview de Dominique Blanc et le Lien.

    Le Journaliste

    Vous avez raté trois fois le concours du Conservatoire et une fois celui de la rue Blanche avant d’atterrir au Cours Florent, où vous tombez sur Francis Huster comme prof. Vous racontez : “Il avait une antipathie physique réelle pour moi.” Le viviez-vous comme un parcours du combattant qui ne s’arrêterait pas ?

    Dominique Blanc

    C’était terrible : en fait, on me disait qu’il fallait que je disparaisse. Francis m’a eue dans le nez dès le début. Il m’a dit : “Blanc, tu ne monteras pas sur le plateau pendant un an. Je vais te donner comme partenaire le garçon le plus nul de la classe et si tu as le talent qu’on dit, on va bien voir ce que tu en feras.” Je ne suis jamais montée sur scène de l’année. Source Paris Match

    Le 02 février 2010 | Mise à jour le 26 avril 2010
    Ghislain Loustalot

    http://www.parismatch.com/People/Cinema/Dominique-Blanc-cinema-149349


    • Simple citoyenne Simple citoyenne 1er février 2014 23:29

      En fait, je ne l’aime pas, c’est un prétentieux et l’extrait de l’interview ci-dessus, le prouve ; je dis méchant et prétentieux.


      • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 2 février 2014 00:56

        Je ne peux pas adhérer à l’éloge de cet article, il y a quelque chose qui me semble faux dans ce qui est décrit. Je ne trouve pas Huster bon comme acteur et il montre rapidement sa stupidité quand il veut donner des leçons de moralité en prenant des airs de pie offusquée. 


        • bernard29 bernard29 2 février 2014 07:53

           Je pensais que le mieux vis a vis d’Huster était l’indifférence , mais ce matin en lisant les commentaires, je suis très satisfait des réactions.

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