L’original ou la copie ?
Plagier est une pratique courante dans le monde des arts, et les fraudeurs sont à l’affût.
Il est ici nécessaire de rappeler l’origine du mot « plagiat », littéralement, vol d’enfant. C’est bien de cela qu’il s’agit, car l’artiste est un créateur, et ses œuvres sont « ses enfants ».
C’est naturellement très tentant de repérer une œuvre qui a « bien marché », et de l’utiliser avec quelques modifications, espérant des retombées financières non négligeables.
Dans le domaine de la chanson, la Sacem veille, mais ne voit pas tout. Les plagieurs les plus malins ne se font pas prendre, j’en veux pour preuve une chanson chantée par Sylvie Vartan (La Maritza) écrite par Pierre Delanoé, et mise en musique par Jean Renard. Le rusé Jean Renard se serait manifestement inspiré d’une chanson célèbre sans que quasi personne ne s’en rende compte. Il s’agit d’une chanson mondialement connue : Les feuilles mortes - c’est une chanson... qui nous ressemble... Si vous l’écoutez attentivement et si entre chaque partie principale de la mélodie, vous ajoutez systématiquement les quelques notes sans paroles que chante Vartan entre chaque couplet, vous aurez La Maritza. Pas plus compliqué que ça de faire un tube. La seule différence est qu’un tube, comme chacun sait, est creux, contrairement à la magnifique chanson interprétée avec bonheur par Yves Montand.
Encore plus subtil, notre Tino Rossi national se serait inspiré généreusement de notre hymne national pour créer son Petit Papa Noël. Pour s’en convaincre, il suffit de modifier un peu le tempo de la chanson de Tino, de changer le rythme de la Marseillaise, et on peut diffuser en même temps les deux thèmes sans y trouver de différence, les harmonies des deux chants étant parfaitement similaires.
J’avais d’ailleurs en son temps suggéré ce plagiat à une radio périphérique notoire, dans le cadre d’une émission qui traquait les contrefaçons dans la chanson, et le résultat a été si évident que l’émission a été diffusée deux jours de suite.
Plus près de nous, une affaire de plagiat supposé agite le petit monde littéraire.
Il s’agit du livre de Marie Darieussecq (Tom est mort) qui vient de paraître, et de celui de Camille Laurens (Philippe) paru en 1995. Les deux traitent du même sujet. Dans le livre de Camille Laurens (membre du prix Femina), l’histoire est autobiographique : il s’agit de la mort de son fils, et pour elle, le travail de deuil a été permis par l’écriture. Marie Darieussecq évoque « l’universalité de la douleur d’autofiction ». Elle déclare : « Je suis un écrivain de fiction et j’ai voulu, dans un récit décalé, décrire les étapes de la douleur. J’ai cherché à être ce "je" à la première personne. » Camille Laurens estime donc que le roman de Marie Darrieussecq s’inspire de sa propre histoire, et Marie Darrieussecq se sent calomniée par ces propos et défend son droit à écrire sur un tel sujet.
Le grand gagnant de tout ça sera vraisemblablement l’éditeur (POL), le battage médiatique suscité par cette nouvelle polémique ne pourra qu’encourager les consommateurs à acheter le livre. Pour l’anectode, Paul Otchakovsky-Laurens (l’éditeur) a écrit dans le journal Le monde (24 avril 2006) un article dans lequel il met en garde le Sénat « des exceptions au droit d’auteur qui, parfois justes dans leur inspiration, ont été détournées et étendues par les députés au-delà du raisonnable. Les amendements adoptés par la Commission des affaires culturelles du Sénat aggravent encore ce dispositif liberticide ».
Alors plagiat ou pas, la justice tranchera, mais de cette affaire la littérature en sortira-t-elle vainqueur ?
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