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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > L’usage du monde, de Nicolas Bouvier

L’usage du monde, de Nicolas Bouvier

 

Nicolas Bouvier et Thierry Vernet quittent Genève en 1953 pour atteindre la frontière de l’Afghanistan et de l’Inde en 1954*. Durant dix-huit mois, ils rencontrent des fortunes diverses, avancent dans une voiture qui ne tient plus que grâce aux chaos de la route, une voiture qu’ils doivent pousser régulièrement ; ils se trouvent bloqués par la neige, par les sables ou les crues, ils sont aidés par les nomades, les camionneurs. Pour gagner leur pitance et dormir sous un toit, Vernet peint, vend ses toiles et expose, lorsqu’il le peut ; Bouvier, lui, écrit des reportages pour les journaux locaux, donne des conférences ou des cours, lorsque c’est possible.

Dans L’Usage du monde, nous les suivons ensemble de Belgrade à Kaboul, pour une aventure incroyable. Rien de sensationnel - juste une ou deux frayeurs durant ce long périple - rien que de l’humain et des rencontres, parfois ratées, parfois réussies. Une aventure faite de départs et d’envie d’aller un peu plus loin. Le lecteur frileux a beau jeu de prétexter qu’un tel itinéraire n’est plus envisageable aujourd’hui et de se dire, pour masquer son immobilité : « Ah, si j’avais eu vingt ans en 1950, les beaux voyages que j’aurais faits... » L’époque n’a pourtant rien à voir à cela, les destinations choisies encore moins. Tout est affaire d’état d’esprit, de volonté ou d’inconscience face au pas à franchir, la porte à ouvrir : « Nous avions deux ans devant nous et de l’argent pour quatre mois. Le programme était vague mais dans de pareilles affaires, l’essentiel est de partir. » Tout est dit là.

L’écriture de Nicolas Bouvier est élégante, même lorsqu’elle décrit les pires situations, les traquenards les plus sordides. Durant l’hiver interminable passé à Tabriz, en Iran, elle devient sans doute un peu plus rude, mais c’est pour mieux renaître une fois le froid abandonné. Chez d’autres, on sentirait les heures de travail, les soirées passées sur les versions successives. Chez Bouvier, on imagine que les mots coulaient comme ça, qu’il n’avait plus qu’à trouver du papier et un crayon, ce qui était d’ailleurs souvent le plus difficile. Le livre se termine à la frontière indienne, sous-continent que Bouvier traversera ensuite, une expérience dont il parle dans le volume de la collection Quarto. Il séjournera alors à Ceylan, où il écrira Le Poisson scorpion, un autre beau voyage, presque immobile cette fois.

* du moins Bouvier, Vernet ayant viré de bord pour rejoindre sa fiancée à Ceylan.


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6 réactions à cet article    


  • Emmanuel (---.---.87.194) 19 septembre 2006 13:32

    Ce que ne dit pas l’article c’est que c’est le plus beau récit de voyage jamais écrit avec cette légèreté et ce détachement de ceux qui ont fait don de leur personne pour être les médiateurs du monde et qu’il a inspiré des générations de voyageurs réels ou en songe.


    • Marsupilami (---.---.182.182) 19 septembre 2006 15:20

      Merci, merci infiniment pour ce rappel à la mémoire de ce frère en humanité absolu qu’est Nicolas Bouvier. Continuons de cheminer...


      • ohlala (---.---.124.230) 19 septembre 2006 16:25

        Nicolas Bouvier fait partie de ces personnes ayant peu ou prou marqué d’ une empreinte mon petit Patrimoine personnel (je ne dis pas culturel, c’est au delà), ces êtres que je trimballe, ou leur mémoire, toujours avec moi où que j’aille. Quand par moments j’en suis réduit à me questionner « Avec qui ? » Nicolas Bouvier est de ceux-là. Où qu’il soit.

        @ marsupilami, je me rends compte au moment de poster que vous dites la même chose, mais en plus fort et plus court. Excusez-moi.


        • WarumNicht (---.---.88.162) 19 septembre 2006 17:07

          Bonjour,

          Je l’ai feuilleté, pris, laissé, repris, re-laissé : 1305 pages... c’est quand même beaucoup. Un jour surement, après avoir fini « choses vues », et Ulysse, et Proust.


          • Turquois (---.---.127.50) 19 septembre 2006 20:37

            WarumNicht, le volume de Quarto est en effet copieux puisqu’il vise à l’exhaustivité (qu’il n’atteint pas d’après ce que j’ai peu lire ici ou là). En revanche, L’usage du monde ne fait que 400 pages et Le poisson scorpion moins de 200 pages. Aucune raison d’hésiter !  :)


            • WarumNicht (---.---.88.162) 20 septembre 2006 09:58

              (Parenthèse)

              Juste pour dire grand bien de la collection Payot/Voyageurs, j’ai un souvenir zigomatique des 3 ou 4 tomes des livres de Nigel Barley (éthnologue...), tordants.

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