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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Métamorphose du livre

Métamorphose du livre

Petit à petit, c’est de plus en plus évident, l’objet livre, tel que nous le connaissons depuis le premier siècle, est appelé à changer. Comme les CD ont remplacé les disques vinyl, les DVD les cassettes VHS, et les photos numériques les photos argentiques, de nouveaux appareils de lecture vont un jour remplacer les livres. Quand, comment, et d’abord : pourquoi ?

Pourquoi remplacer les livres par des appareils de lecture ?

Les CD, les DVD, la photo numérique, les téléphones portables et en gros tous les nouveaux produits issus des nouvelles technologies apportent indiscutablement un gain aux consommateurs. Nous pouvons quantifier ces améliorations en termes de meilleure fiabilité du support et de sauvegarde du contenu, en services supplémentaires offerts aux utilisateurs, à un rapport services rendus / prix plus avantageux...

La supériorité des appareils de lecture sur le livre traditionnel viendra de trois causes :


1 - L’ergonomie du contenant.
Il s’agit d’une meilleure adaptation de l’objet livre au lecteur et à ses conditions de lecture.

Force est de constater que les livres que nous manions depuis notre prime enfance ont, malgré l’attachement affectif que nous leur portons, de sacrés inconvénients. Ils sont sensibles aux salissures, aux déchirures, à l’usure du temps, ils posent des problèmes de conservation, de stockage, de déplacement en nombre (rappelez-vous la dernière fois que vous avez déménagé votre bibliothèque), enfin, gros consommateurs de pâte à papier, ils ne contribuent pas, loin s’en faut, à la préservation des forêts.

Les nouveaux appareils de lecture, d’une part, n’auront pas ces inconvénients, et, d’autre part, apporteront de nouvelles fonctionnalités dont pourront bénéficier également les personnes malvoyantes et les handicapés moteur, lesquels ont depuis trop longtemps de sérieuses et discriminatoires difficultés d’accès à la lecture.

Rétro-éclairage réglable, grossissement des caractères, synthèse vocale, défilement automatique du texte, etc., tels seront les principaux services nouveaux, alliant confort de lecture et mobilité.

Dans l’élan de la téléphonie mobile, des GPS etc., le lecteur de demain attend un support de lecture, unique et pratique, qu’il pourra consulter de n’importe où sur la surface de la Terre, et même dans les airs.

2 - L’hypertextualité du contenu.
Les possibilités de liaisons par des hyperliens (comme sur Internet) ouvrent de multiples potentialités pour des aides contextuelles didactiques (données biographiques sur les auteurs, apports encyclopédiques, dictionnaires intégrés, etc.).

Signalons également des possibilités nouvelles d’indexations, d’annotations et de marque-pages plus aisées que sur des livres en papier.

La connexion sans fil permet en outre un accès immédiat à des bibliographies actualisées. Tout lecteur peut facilement et immédiatement avoir ainsi accès au livre ou à l’article le plus pertinent par rapport à sa recherche du moment.

“Livre blanc” à la base, le nouvel appareil de lecture fournira par téléchargement un contenu “à la carte”, personnalisé et personnalisable.

Bien entendu, tous ces services seront des options supplémentaires, rien n’empêchant d’utiliser simplement l’appareil pour lire tranquillement un bon roman ou une BD dans un fauteuil devant un feu de cheminée...

3 - La participation du lecteur.
Ergonomie et hypertextualité feront de l’objet livre un système ouvert. Guides pratiques (notamment de voyage, de cuisine, etc.), ouvrages encyclopédiques, livres scolaires, pourront être actualisés, complétés ou amendés en temps réel, avec possibilités de contributions des lecteurs sur le modèle Wiki. Échanges et travail en mode coopératif seront possibles...

Des possibilités nouvelles de diffusion indépendante favoriseront l’auto-édition et le droit de tous à publier et à être lu en s’émancipant des circuits de l’édition commerciale.

Il n’est pas choquant d’imaginer un monde où chacun pourrait publier, alors que chacun peut déjà prendre des photos, tourner des vidéos, s’épanouir dans une activité artistique, comme la peinture ou la musique, par exemple.

A l’heure d’Internet et des prospectives sur le Web 2.0, l’écriture ne peut plus être réservée à une minorité, ni la publication à une élite. De fait, ce n’est déjà plus vraiment le cas.

Comment les appareils de lecture seront-ils autre chose que des ebooks ?

Le mot ebook est un terme générique qui désigne de façon floue des réalités diverses. Du mini-portable sur lequel on peut lire un fichier PDF, à la version numérisée et accessible en ligne d’un texte long, en passant par les prototypes de la fin des années 1990, le terme ebook est curieusement déjà galvaudé.

Les nouveaux appareils de lecture doivent autant se débarrasser de ces balbutiements, que de nos réflexes liés à une longue pratique des livres reliés (comme celui de tourner la page, qui est même devenu une expression métaphorique). Il faut également s’affranchir de l’impérialisme des écrans comme nouveaux supports incontournables.

Les nouveaux appareils de lecture ne tiendront pas des PDA, et ne devront en rien ressembler aux produits qualifiés d’ebooks depuis l’an 2000.

Issus à la fois des recherches sur l’e-ink (encre - et papier, numériques) et des écrans souples, les produits finaux, dont quelques prototypes commencent à donner une idée, seront plus proches du papier que de l’écran. Un support souple, léger, maniable, enroulable... Un peu comme les chemises plastifiées dans lesquelles nous glissons une feuille, mais au contenu effaçable et réinscriptible à loisir par téléchargement sans fil. Les applications à l’étude sont en convergence avec les avancées rapides de la téléphonie mobile.

Dans un premier temps, la presse a certainement plus à gagner que l’édition à l’arrivée de nouveaux supports, qui réduiront d’un coup à néant ses frais de papier et de fabrication, et sa dépendance structurelle à des outils de production et de diffusion tout droit issus de la fin du XIXe siècle. Déjà, la presse se consulte de plus en plus sur Internet, au détriment des ventes d’exemplaires.

Ergonomie du contenant, hypertextualité du contenu et interactivité avec l’utilisateur, voilà les axes de développement du livre.

Mais quel terme employer pour désigner ces nouveaux appareils de lecture qui vont arriver un jour sur le marché ?

Quand pourrons-nous acheter un appareil de lecture ?
Pas tout de suite, même si les premiers prototypes voient actuellement le jour, et même si les premières mises sur le marché au Japon et aux États-Unis sont prévues avant le seuil de 2010.
Pour l’heure, seuls des produits de première génération (comme le Librie de Sony, par exemple) sont en vente.
Un jour, le rouleau de papyrus est apparu plus maniable que la pierre ou le bois gravés. Un jour prochain, de nouveaux appareils de lecture seront plus fonctionnels que les livres actuels.

Le parallélépipède de feuilles assemblées, appelé codex, existait en parchemin dès le premier siècle, et en papier depuis le début du XIIIe siècle. L’ancrage culturel est donc très fort et la sacralisation de l’objet livre (l’on parle de civilisations, de religions du livre) compréhensible, en tous cas inévitable.

Mais il devrait en être de la lecture comme de la cuisine. L’important ce n’est pas le plat, c’est ce qu’il y a dans l’assiette. Il devrait suffire qu’apparaisse sur le marché un dispositif de lecture qui soit réellement plus pratique que le déchiffrement des ouvrages reliés que nous connaissons et hop ! les consommateurs que nous sommes sauteront le pas.

En tant que tel, le livre n’est pas un objet sacré. Il est même le cas par excellence - avec la nourriture - où le contenu devrait toujours primer sur le contenant.

La photographie, le téléphone, le disque, le magnétoscope, etc., sont des inventions au fond tellement récentes que les réticences au changement y ont été, nous avons pu le constater, faibles. Pour le livre, le challenge est différent.

Mais les mentalités évoluent. Une récente enquête Ipsos/Livres Hebdo conclut que les lecteurs du XXIe siècle sont avant tout des consommateurs pour lesquels le livre est devenu un produit comme un autre (Source « Les nouveaux lecteurs », Livres Hebdo, N°620, pp. 6 à 9). Dans notre contexte de développement accéléré des nouvelles technologies de l’information et de la communication, désacraliser le livre permet de réinvestir du temps de loisir et d’apprentissage dans la lecture.
Depuis juillet 2002, le blog La Feuille informe sur l’actualité de l’édition électronique. Depuis juin 2005, le blog Nouvolivractu exerce une veille sur l’ebook, l’e-ink, les nouveaux appareils et systèmes de lecture qui vont un jour remplacer les livres.

L’e-ink, pour le versant technologique, et la Wiki attitude, pour le versant humain, sont porteurs de l’avenir du livre.
Chenille hier, aujourd’hui le livre est dans sa chrysalide. Demain, chaque appareil de lecture ne sera plus un livre, mais une bibliothèque vivante. Chaque utilisateur ne sera plus un simple lecteur, mais un explorateur du savoir.


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3 réactions à cet article    


  • Sebastien MEDARD (---.---.132.28) 22 novembre 2005 18:41

    Hello,

    Quelques considération cinématographiques :))

    Dans une scène du film « Minority Report » on peut voir dans les transports en commun, des voyageurs munis de journaux virtuels à un feuillet. Qqchose de ce genre qui rappellerait le journal me semble être assez proche de ce que l’auteur appelle l’e-ink. Le soucis n’est pas tant le type d’information auquel on va avoir accès avec ce type de technologie, ni de savoir d’où elle provient, mais plutôt comment il va être possible de reproduire les usages du livre traditionnel sur le livre électronique (annotations à main levée, corner une page, etc.) tout en développant de nouvelles façon « d’agir » la lecture. Evidemment, on peut par exemple, concernant le contenu, imaginer modifier l’information en fonction du contexte dans lequel se situe le lecteur (au boulot, à la maison, devant son écran de télévision, devant une oeuvre d’art dans un musée, entrain de marcher dans une ville qu’il ne connait pas, etc.).

    A noter par ailleurs que dans le film, le support de l’information est blanc et qu’il réfléchi, et non émet, la lumière ce qui a son importance du point de vue du confort de lecture (en environnement éclairé évidemment). La qualité du support a son importance. Il a été montré que la lecture est par exemple, plus facile, rapide, efficace, sur papier que sur écran. Je ne sais pas si les données ont été actualisées, mais les écrans de nouvelle génération, avec une meilleure définition, une fréquence de rafraichissement plus importante, ou nulle (écran plats), améliorant le rendu, ne seront probablement pas aussi confortables du point de vue de la lecture qu’une bonne feuille de papier. De ce point de vue donc, l’auteur quand il parle d’un support plus proche du papier que de l’écran est dans le vrais, mais sait-il pourquoi ?

    Par ailleurs. Pour l’auteur, le livre n’est pas un objet sacré. Certes, mais même dans le « Jour d’après » on veut bien brûler tous les livres pour se réchauffer, sauf LE livre, LE premier livre, la bible de Gutenberg. Le livre reste un objet sacré. Et quand bien même nous le désacraliserions, il n’en reste pas moins que le contact, presque charnel, l’odeur, etc. avec le livre a son importance et ne pas le prendre en compte serait une erreur si on souhaite démocratiser l’utilisation des e-books. De même, la façon que l’on a d’utiliser un livre, le feuilleter notamment, aller rapidemment au sommaire ou à la table des matières, lire la quatrième de couverture, juger de la densité du livre par le nombre de page, son volume, son poids, la taille des caractères, sont autant d’activités précieuses pour le lecteur. Le format du livre, l’épaisseur du papier, sa texture, sa reliure, son autant d’informations qui informent le lecteur, par exemple, sur la qualité de l’édition. Il ne faudrait pas oublier que le livre est aussi un objet d’art. Bref, pourquoi se débarasser de nos « vieux » réflexes. S’il y a bien qquchose qu’il est difficile de se débarrasser, c’est bien de nos réflexes.

    Concernant l’hypertextualité du e-book, et le fait que le lecteur puisse être aussi potentiellement un auteur, qu’il peut partager ses points de vue avec autrui, etc. on peut évidemment imaginer des milliers d’activités possibles que nous refuseraient les livres traditionnels. Mais cela n’est pas très nouveau, le Web et ses applications nous l’a largement montré.

    Ce billet aurait peut-être mérité de son auteur une information plus précise, plus recherchée sur un domaine qu’il n’a fait que survoler de loin.

    Sébastien.


    • André Paillaugue (---.---.118.9) 27 novembre 2005 23:06

      Je salue d’abord la pertinence et le sens de la réflexion nuancée de Sébastien.

      Par ailleurs, si pour les constats vous avez sans doute raison dans l’ensemble, Monsieur Soccavo, je pense,

      1) Que j’aime bien acheter mon journal pour le lire chez moi ou n’importe où ailleurs. Ou encore que j’aime bien entrer dans un café pour feuilleter le quotidien du jour mis à la disposition des clients. Cela fait partie de ce que vous appelez le besoin de s’affranchir de l’écran.

      2) Pour ce qui est de l’édition, bravo sans nul doute pour les possibilités nouvelles qu’offrent web et les nouvelles technologies d’accéder plus démocratiquement à des activités d’écriture et de création littéraire. Mais je doute que quelque chose soit sérieusement remplaçable dans un proche avenir sans perte grave de démocratie : le pouvoir de validation (ambigü certes)des éditeurs d’ouvrages imprimés à compte d’éditeur, mais aussi le discernement desdits éditeurs, leur culture, leur contribution à la culture en synergie avec écrivains, universitaires et critiques, leur rôle majeur dans l’éboration de réseaux de sens dont la portée et les enjeux dépassent largement ceux des simples objets d’échanges commerciaux et les préoccupations des simples « consammateurs ».

      André Paillaugue


      • consommateur (---.---.95.121) 30 décembre 2005 13:36

        Le consommateur : le jour où il se mettra à réfléchir sa consommation, le paradigme sur lequel s’appuie les marketeurs ne sera plus opérationnel. D’ici là, la religion du commerce a encore de beaux jours. « Je consomme donc je suis ». Et ses prêtres conserveront leur pouvoir de formater les esprits aussi longtemps que ceux-ci ne seront pas en mesure de rompre avec le monde des évidences.

        Le e-book je trouve cela très bien. Je serai utilisateur. Ce qui ne m’empêche pas de prendre du recul par rapport aux changements civilisationnels impliqués par le déploiement tous azimuts de la communication électronique : quelles conséquences sur la démocratie, par delà les apparences trompeuses de la facilité d’expression offerte par les applications Internet. La question n’est pas qui s’en sert, mais qui s’en sert comment pour faire quoi ?

        Personnellement, je ne puis donc considérer le consommateur comme une notion allant de soi qui serait une sorte d’aboutissement pour un être humain en quête de sens depuis des milliers d’années et qui serait enfin devenu raisonnable... et donc instrumentalisable. Et je ne fais ici allusion à aucun complot quel qu’il soit. Uniquement à une forme de collusion d’intérêts aboutissant à la mise en place d’une société passée sous le contrôle électronique des plus « éclairés », des plus habiles et des plus déterminés politiquement à exploiter les outils à leur disposition pour organiser la société à leur convenance.

        De tout temps il y a eu des gens correspondant à la description ci-dessus. Sauf qu’ils ne disposaient pas d’outils aussi puissants pour formater et agencer les masses.

        Alors si d’un point de vue technique je prends beaucoup d’intérêt à vous lire, vu le sujet que vous traitez il est utile d’ajouter à sa grille de lecture un filtre « philosophie politique de l’histoire ». Et il m’arrive de glisser ici et là quelques observations qui jalonnent ma réflexion.

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