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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Pedro et le Commandeur » de Felix Lope de Vega à la Comédie (...)

« Pedro et le Commandeur » de Felix Lope de Vega à la Comédie Française

En faisant entrer au répertoire Lope de Vega, Marcel Bozonnet signe de fait sa sortie d’administrateur de La Comédie Française de manière magistrale, que son successeur Muriel Mayette sait honorer avec panache, dans la continuité.

En effet en confiant à Omar Porras, fondateur d’origine colombienne du Teatro Malandro à Genève, la création de « Pedro et le commandeur » par la troupe du Français, la Maison de Molière conforte ainsi la part onirique et éthique de son ambition que cette tragi-comédie continue de lui façonner à la suite des « Fables de la Fontaine » (Robert Wilson) et du « Grand Théâtre du Monde » de Calderon (Christian Schiarretti).

En intégrant le rôle prépondérant du masque dans sa conception ludique de la direction d’acteurs, Omar Porras, porté par son lyrisme latino-américain, projette la réalisation d’une parabole morale en un conte de fées tant à l’intention d’adultes subjugués que d’enfants forcément émerveillés.

Pour tenter de conceptualiser sa perception fantasmagorique de la mise en scène, celui-ci confie dans un entretien avec Frédérique Plain : « Le masque est l’écorce de l’âme du personnage et révèle la fenêtre de l’âme de l’acteur »

D’ailleurs à l’issue des répétitions, Laurent Natrella incarnant Pedro, le paysan justicier, pourra confirmer : « Paradoxalement le masque ne cache pas, il révèle...il exige de tout déconstruire : La personne et l’acteur que nous sommes... Il oblige presque à créer un nouvel être sur lequel viendra s’accrocher le personnage... ».

En laissant ainsi venir l’imaginaire du masque vers le comédien contraint d’abandonner les résistances du quant-à-soi pour laisser apparaître une empathie et des dispositions insoupçonnées avec un univers fabuleux, Christian Blanc au carrefour de plusieurs rôles commentera cette approche artistique très novatrice pour la Salle Richelieu :

« Omar m’a fait prendre conscience de ce qu’est réellement l’énergie collective quand elle est alliée à la rigueur gestuelle. Il est finalement très proche de Goya où le grossissement du trait nous révèle avec jubilation l’âme humaine ».

Scènes pastorales façon Nicolas Poussin, portraits de cour manière Velasquez, les tableaux de référence vont se succéder tels un feu d’artifices lilliputiens jusqu’aux infiniment grands dans des décors fantasques imaginés par Freddy Porras et des costumes bariolés de Maria Galvez qu’un tourbillon enivré de candeur réjouissante semble emporter bien au-delà du miroir.

Dans cette parabole, volet ultime d’une trilogie, où le droit de cuissage va être stigmatisé au profit de « l’ordre juste » : « On y voit l’ascension morale d’un homme, un paysan amoureux et courageux et la déchéance d’un noble, un homme incapable de résister à la tentation et donc puni par Dieu... » résume la traductrice Florence Delay.

C’est ainsi que va se développer une aspiration morale où selon Marco Sabbatini, le conseiller dramaturgique : « Le monde rural et ses habitants vertueux incarnent le rêve d’un retour à l’ordre naturel qui s’oppose à la corruption engendrée par la société urbaine. »

Et donc en épilogue, par retour de balancier, une force théocratique s’imposera à tous liguant objectivement la légitimité des paysans au pouvoir royal contre la perversion de la noblesse :
« Après le désordre amoureux, le retour à l’ordre s’impose... Le roi, autrement dit Dieu impose sa sagesse... » conclura Florence Delay considérant que du siècle d’or espagnol enchanté par Porras, la magie peut certes s’inventer grâce aux clés métaphoriques de l’universitaire José Bergamin : « Lope de Vega est la vigne, Calderon de la Barca, le vin », mais aussi se compléter en vantant la philosophie de l’un tout en glorifiant la poésie de l’autre : « Calderon conceptualise, là où Lope imagine ».

Derrière leurs demi-masques, les douze comédiens élus par leurs personnages pour cette aventure syncrétique doivent être célébrés à parts égales, tant il est ardu de les reconnaître durant la représentation sans la connaissance préalable de la distribution, jusqu’à ce qu’aux rappels ils nous révèlent enfin dans une étrange fascination, l’alter ego de leurs visages découverts :

Catherine Salviat, Christian Blanc, Coraly Zahonero, Laurent Stocker, Nicolas Lormeau, Laurent Natrella, Christian Gonon, Elsa Lepoivre, Shahrokh Moshkin Ghalam, Veronica Endo, Oriane Varak et Prune Beuchat pour des saluts en plein éclats de lumière...

Photo © Jean-Paul Lozouet

La 1000ème Chronique de Theothea.com sur EN COULISSE :

PEDRO ET LE COMMANDEUR **** Theothea.com - de Felix Lope de Vega - mise en scène : Omar Porras - Comédie Française -


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1 réactions à cet article    


  • Theothea.com Theothea.com 29 décembre 2006 16:09

    Ce commentaire de Demian West est une véritable pierre précieuse pour débuter l’année 2007 avec tous nos voeux d’excellence !...

    « Pedro et le Commandeur » à l’affiche jusqu’en juin 2007.

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