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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Aide-là, le ciel te donnera un coup de pouce

Aide-là, le ciel te donnera un coup de pouce

 

Chienne de vie ...

 

Il advint cette fois-là, que dame Irène, une mère soucieuse du bien-être des siens, avait grands soucis avec son époux. Celui-ci justement, ce drôle de lascar, avait la fâcheuse habitude de partir pour de longs mois sur la Loire, prétextant qu’il s’en allait ainsi pour gagner sa vie et celle de sa famille. Au lieu de quoi, l’affreux gredin dépensait en vin et en taverne le fruit de son travail. Quand il revenait parfois chez lui son haleine était bien plus chargée que sa bourse. La dame ne comptait d’ailleurs plus sur lui pour remplir les obligations d’un quotidien qui se passait de mieux en mieux de cet affreux ivrogne.

Les belles années de leur union lui avaient donné quatre enfants qui avaient grand besoin de leur mère pour manger, se vêtir, grandir et apprendre tout ce qui est indispensable. Il y avait belle lurette que Irène et ses « gnards » n’attendaient plus rien du gars Gaston, fieffé « pochtron ». Il fallait faire sans lui, comme le faisaient toutes ses voisines restées à quai.

Irène, chaque jour que Dieu faisait commençait sa journée par un petit passage à l’église Notre Dame de Recouvrance, non pas qu’elle y priait pour le retour de l’absent, elle espérait même en son for intérieur qu’il finisse noyé pour enfin boire un peu d’eau, mais bien plus pour trouver l’appui du très haut pour survenir au fricot quotidien. Ses prières sans doute mais surtout son incroyable énergie lui avaient jusqu’alors permis d’assumer l'essentiel. Le superflu n’était d’ailleurs jamais au programme de cette famille monoparentale avant l’heure.

Irène s’activait du matin au soir, avec toujours dans ses jupes les mioches qui n’étaient pas assez grands pour aller à l’école ou garder le troupeau d’Oies sur la berge. Elle lavait le linge des bourgeois du bourg, remplissait les fonctions de serveuse dans un cabaret à l’enseigne de la Chèvre qui danse, trouvait encore moyen de repriser et de réaliser des ouvrages en dentelle. Elle se couchait à pas d’heure, se levait aux aurores et ce, chaque jour que Dieu faisait, sans rechigner ni prendre le temps de penser à elle. Elle avait en cela le sort de bien des femmes de mariniers.

Un jour, Irène à bout de force, fut prise d’un mal sournois qui aurait cloué au lit n’importe qui. Mais elle ne pouvait s’offrir le luxe de la maladie ni du repos. Les gamins réclamaient pitance, il lui fallait se débrouiller, vaille que vaille, pour tenir le coup. Cependant, pour une fois, devant la statue de Notre Dame de Bon Secours, elle se permit cette fois de se plaindre de son triste sort. Elle déballa même ce qu’on peut nommer son « Sac à tristesse », une longue litanie de récriminations, de griefs contre son époux, de dépits en tous genres sur les aléas de l’existence. D’avoir ainsi vidé son courroux devant cet autel, lui avait redonné un peu d’énergie.

Le lendemain, à sa grande surprise, quand elle revint dans l’église, elle découvrit sous la bonne Sainte Vierge qu’elle vénérait tant, une petite coupelle dans laquelle elle découvrit une livre tournois. Elle se dit que cette pièce avait été oubliée là par une main charitable qui voulait la glisser dans un tronc. Elle allait rattraper la méprise quand elle entendit dans un murmure : : « Non, c’est pour toi, tu as bien de la peine, ça t‘aidera ! »

Irène se signa, se retourna, chercha du regard s’il y avait âme qui vive dans l’église. Personne, il était si tôt matin qu’elle était la seule en ce lieu de culte. Elle fit ce que la voix lui avait commandé et passa une bonne journée. Le lendemain, le miracle à nouveau se produisit. Il en fut ainsi chaque jour à l’exception du jour du Seigneur, sans doute pour éviter le risque d’être surpris. Les raisons de la Sainte Vierge sont aussi impénétrables que les voies de son fils …

Depuis ce jour, l’ordinaire d’Irène et ses enfants s’améliora quelque peu. La femme put même s’offrir une journée de repos hebdomadaire, un luxe en ces temps sans protection sociale. Elle éprouvait cependant l’envie de savoir à qui elle devait ce qui pour elle, ne pouvait relever du miracle. Elle profita de cette fameuse journée sans labeur qu’elle s’était octroyée pour passer une partie de la nuit, cachée dans l’église.

 

C’est ainsi qu’Irène découvrit le pot aux roses. Dieu et Marie n’étaient pour rien dans ce don providentiel. La femme, tapie dans un confessionnal, put apercevoir une ombre s’approcher de la statue, peu avant l’heure à laquelle elle avait l’habitude d’entrer en ce lieu. Elle entendit le bruit caractéristique d’une pièce qui roule dans une soucoupe puis la forme s’évanouit par une porte latérale.

Irène, sans doute rassérénée par sa découverte, empocha l’offrande humaine, ce qui lui ôtait un poids sur la conscience tout en la plongeant dans de nouveaux abîmes de perplexité. Si la nature de ce geste était élucidée, il n’en restait pas moins bien des questions à éclaircir. La femme voulait savoir, au risque naturellement de perdre ce si précieux don presque quotidien.

La semaine suivante, elle se posta derrière la porte de manière à savoir où s’en retournait son bienfaiteur, car il ne faisait pas de doute que ce fut un homme. Elle n’eut pas à le suivre bien longtemps, l’homme rentra dans le Cabaret où elle travaillait, dans une rue adjacente à celle de l’église. Ainsi, ce mystérieux et généreux donateur était son patron. Mais pourquoi ?

En savoir plus, c’était désormais prendre le risque de couper court à cette manne providentielle. Elle avait vraiment besoin de ce revenu supplémentaire qui d’un seul coup avait rendu son existence et celle de ses enfants moins pénibles. Interroger le généreux mécène c’était à coup sûr le décourager de continuer.

Irène regarda différemment ce patron qui jamais n’avait eu un geste déplacé à son encontre. La chose était suffisamment rare en cette époque pour la signaler. Il aurait pu tout aussi bien la payer davantage, mais c’était sans nulle doute, un geste qui l’aurait contraint à augmenter les danseuses et les dames qui rendaient d’étranges services à l’étage. Irène était la moins importante dans ce cabaret, celle qui se contentait de nettoyer la place quand la fête était terminée.

Le manège se poursuivit ainsi, longtemps, sans que rien ne se modifia dans ce curieux rituel. Seul le regard d’Irène vis à vis de l’homme qui l’employait avait changé. Elle se prit d’affection pour lui, de reconnaissance tout autant. Plus le temps passait plus elle lui trouvait du charme, même si loin d’elle était l’idée de lui montrer l’amour qui naissait en elle. Elle était mariée, fut-ce avec une canaille et rien ne lui donnerait le droit de rompre cette union consacrée.

Le ciel cette fois lui vint véritablement en aide. Il prit la forme d’une terrible tempête, quelque part sur la Loire d’en bas, en Anjou. Il y eut des vagues, du tonnerre, des éclairs et un drame qui emporta celui dont elle continuait de porter le nom. Quand elle apprit la nouvelle, malgré elle, elle vint remercier la Bonne Dame de l’avoir soulagée de ce fardeau terrible. Elle agissait à l’envers de ses commères qui venaient intercéder pour le retour de leurs époux. Mais le sien était si terrible !

Une voix qu’elle connaissait au fond d’elle, qu’elle avait déjà entendue en ce lieu au début de l’histoire, l’interrogea : « Ma fille, d’où te vient cette pensée impie ? Qu’est-ce qui t’autorise à te réjouir de la mort de ton mari ? » Se signant plus par simagrée cette fois que par superstition, Irène répondit sans honte : « C’est parce que j’aime un homme en secret et que jamais je n’aurais osé le lui avouer sans le secours présent de la providence ! »

L’homme sortit de sa cachette, tendit les bras vers Irène qui vint s’y blottir. Tous deux se consumaient d’un même amour depuis si longtemps. Ils pouvaient enfin se dire ce que rien jusque- là ne les y autorisait. Ils gardèrent cependant le temps nécessaire du deuil ce secret merveilleux, puis le temps venu, ils se marièrent et vécurent heureux loin des affres de la misère. L’homme était veuf et sans enfant, il fut un excellent père pour les gamins d’Irène.

Ainsi parfois, le ciel est capable de venir en aide, à ceux qui sont dans le besoin. Irène en avait bien assez soupé de sa chienne de vie, elle méritait bien de vivre un peu mieux et surtout de se sentir enfin aimée comme elle le méritait. La chèvre pouvait danser, il y avait de la joie désormais dans ce petit cabaret qui paradoxalement vivait des travers d’autres hommes semblables à feu monsieur le premier mari. Ainsi va la vie, dans sa complexité sans pareille !

 


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16 réactions à cet article    


  • Brutus S. Lampion 19 février 10:18

    Donc, les Rita Mitsouko avaient tort en disant :

    « Les histoires d’a
    Les histoires d’a
    Les histoires d’amour finissent mal
    Les histoires d’amour finissent mal
    En général
    Les histoires d’amour finissent mal
    En général »

    ou alors ils avaient raison en disant que les « happy ends » sont l’exception en la matière.


    • C'est Nabum C’est Nabum 19 février 12:06

      @S. Lampion

      Oui mon général


    • Doume65 19 février 12:29

      « Aide-là »

      Et pas ailleurs !

       smiley


      • C'est Nabum C’est Nabum 19 février 13:07

        @Doume65

        L’ailleurs n’existe pas


      • Doume65 19 février 16:34

        @C’est Nabum
        ES-tu sûr d’avoir compris mon ch’tiot post ?


      • Brutus S. Lampion 19 février 18:01

        @Doume65

        ah la, là, l’a, las


      • ETTORE ETTORE 19 février 15:12

        La leçon est bonne, merci C’est Nabum

        ". La chèvre pouvait danser, il y avait de la joie désormais dans ce petit cabaret qui paradoxalement vivait des travers d’autres hommes semblables à feu monsieur le premier mari ".

        Si seulement le monde, pouvait jouir de mémoire, envers les vécus de son passé, afin d’avoir la compassion, pour son futur....

        Mais non ! Le reset efface tout ! Mal-heureusement !


        • C'est Nabum C’est Nabum 19 février 17:44

          @ETTORE

          Je suis parfois trop naïf


        • zygzornifle zygzornifle 19 février 16:31

          Si on attend sur le ciel c’est pas gagné, on peut aussi s’en remettre au père noël ou a la petite souris glissant la pièce et récupérant la dent sous l’oreiller ....


          • C'est Nabum C’est Nabum 19 février 17:45

            @zygzornifle

            Le ciel est plus facile à convaincre que le pouvoir


          • zygzornifle zygzornifle 20 février 09:27

            @C’est Nabum

             Un pouvoir s’écrase mais ne se convainc pas ....


          • C'est Nabum C’est Nabum 20 février 09:48

            @zygzornifle

            Il se vainc 


          • sylviadandrieux 19 février 18:12

            Il faudrait plus de tempêtes



            • juluch juluch 19 février 21:05

              Une histoire qui finit bien !!

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