Ces légumes qui n’ont pas le vent en poupe
Autre temps, autres mœurs.
À propos d'eux, l'expression peut prêter à sourire pour qui connait bien leur réputation sulfureuse. Mais il faut bien convenir que sans trop savoir pourquoi nombre de gens leur tournent le dos, pensant ainsi échapper à ce qu'on leur attribue de manière bien excessive. Les producteurs de leur côté, revoient à la baisse les surfaces cultivées pour répondre à cette baisse drastique de la vente de ces excellents produits.
Avoir dans le nez ces aliments pourtant si sains et goûteux est fort injuste. Il faut avouer qu'ils ont été frappés de la malédiction d'Éole, leur attribuant un pouvoir qui les fait montrer du doigt et les rend coupables de participer au dérèglement climatique. La chose serait risible s'ils n'étaient pas par la même mis au banc des accusés.
Leur sort est peu enviable puisque, s'ils passent parfois à la casserole, ils doivent au préalable subir un bain de décontamination que l'on qualifie de blanchissement dans une poudre blanche mêlée d'eau : le bicarbonate de soude. Ils en ressortent à peine lavés de l’opprobre qui s'attache à leur supposé pouvoir de flatulence.
Proposer à votre table l'un de ses légumes c'est à tout coup essuyer des commentaires véhéments, des remarques piquantes et des refus tout juste polis. Le pet n'a pas bonne réputation en ce monde policé dans lequel les manifestations corporelles sont impitoyablement chassées tandis que les comportements humains s'affranchissent de bien des anciens usages de la courtoisie en compagnie.
Le salsifis à ce titre est le saint martyre de la bande. Il rebute déjà par son aspect de racine noire couverte de terre. Il exaspère par la difficulté que représente son épluchage. Il dégoûte quand il laisse des mains sales. Pourtant, lorsqu'il a achevé sa mue et se laisse mijoter comme il convient, il se métamorphose en un délicat enchantement des papilles.
Pour cela, il faut accepter de tourner sa vesse et de ne faire que peu de cas de son cas. Il redevient prestement la racine du mal et des maux de ventre. Si de surcroît vos salsifis accompagnent un mijoté de bœuf, vous serez taxé sur votre bilan carbone de manière impitoyable par les bonnes consistances de la diététique environnementale.
Il n'est alors qu'une chose à faire ; récupérer vos flatulences pour alimenter votre propre réseau de méthanisation. Ce comportement citoyen vous vaudra alors les félicitations de vos convives qui accepteront de bonne grâce de se brancher eux aussi à votre réseau. Quoique cette suggestion paraisse quelque peu culottée, elle suppose tout au contraire de se mettre à l'aise en cette belle compagnie.
Vous ne mesurez pas l'avantage d'une telle pratique qui créerait des liens indéfectibles entre amis tout en participant utilement à la réduction du déficit énergétique de notre nation. De plus, cela donnerait une tout autre image à tous ces banquets fastueux de nos dirigeants qui pour une fois devraient montrer l'exemple eux que l'on traite souvent à tort de trous du c...
Le salsifis est en mesure de redorer l'image de nos élus et de nos élites financières. Nous devrions songer bien vite à le remettre à l'honneur sur nos tables pour mettre en branle cette formidable révolution qui nous assurerait notre indépendance énergétique. D'autres pistes sont sans doute à explorer pour compléter ce premier pas.
Il n'est pas à douter que dans un proche avenir, l'usage systématique des toilettes sèches et l'exploitation domestique de nos excréments complétera avantageusement cette révolution énergétique pour faire la nique à Vladimir tout en lui envoyant un magistral pied de nez olfactif. Cessons donc de laisser fuir nos gaz...
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