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Frichti

 

À table …

 

« Passez donc nous voir, nous ferons un petit frichti ! ».

 

« Mais qu'est-ce donc que cette chose ? Qu'entendez-vous faire avec nous ? La morale y trouvera-t-elle son compte ? »

 

Prenez garde désormais à n'user que d'un vocabulaire aseptisé, si possible tiré de ces anglicismes que tout le monde comprend. Préférez donc un brunch ou bien un lunch, vous aurez bien plus de succès. On vous trouvera résolument moderne et vous pourrez même attirer du monde à la simple évocation de ces deux termes, attrape-nigauds.

Oubliez, je vous en supplie d'inviter un quidam à un casse-croûte, il en ferait une crise d'urticaire, vous regarderait avec des yeux de merlan frit sans savoir du reste ce qu'est cet étrange poisson et plus encore ce que signifie cette ancestrale expression. User ainsi de la langue de chez nous décoiffe bien des individus, dont certains se vantent parfois d'être français de souche mais plus jamais de langue.

Revenons justement à la bonne bouche et à notre frichti qui laisse sur leur faim vos convives. À ce propos, évitez aussi de les nommer de la sorte, la formulation pourrait leur rester sur l'estomac. Il pourrait vous en faire tout un plat ou s'il accepte votre invite, ne pas se sentir dans leur assiette à la simple pensée que vous puissiez les désigner de la sorte.

Si vous leur proposez un petit en-cas, vous risqueriez une fois encore de n'être pas compris. Le terme peut désormais prêter à confusion dans le cas le plus courant. Les termes vernaculaires filent un mauvais coton tout comme du reste notre bonne gastronomie. Ne vous aventurez pas à préparer un bœuf mode ou un pot au feu, vous auriez des exclamations horrifiées et des griefs de nature diététique.

Par contre, plongez allègrement dans les plats exotiques, vous contenterez votre monde à la condition de ne pas prétendre à un gueuleton ou un mangement, un graillou ou bien une pitance. La langue et la bouche ne font plus bon ménage, du reste vous n'avez qu'à voir la profusion de restaurants exotiques et le peu de fréquentation de nos gargotes et autres cantines, estaminets ou petits bouchons.

Il faut se faire une raison, avaler ses mots et ne pas chercher à comprendre la relation entre la monté de la xénophobie et la gourmandise des cuisines lointaines allant de pair avec le dégoût de notre patrimoine culinaire. Servez des abats et l'on vous fusille du regard, osez les escargots et vos invités sortent de leurs gongs à défaut de leur coquille, prenez-les par-dessus la jambe en leur présentant des cuisses de grenouilles et ils feront des bonds sur leur chaise.

Ne vous pensez pas à l'abri des remarques ou des réactions hostiles en vous contentant de légumes. Le salsifis les fera bouillir, le rutabaga les horrifiera, les topinambours provoqueront un tonnerre de protestation, le cardon vous vaudra la lippe… Quant à l'épinard, il a laissé tellement de mauvais souvenirs en collectivité qu'il est hors de question de le proposer.

Alors votre frichti tournera à l'aigre voir au vinaigre à moins que vous ne vous contentiez d'un apéro dînatoire où il vous sera permis de servir toutes les saloperies de la grande distribution et pourquoi pas – soyez fou – accompagnées de l’infâme rosé pamplemousse.

Vous n'aurez plus qu'à faire comme nombre de vos contemporains - ceux-là même qui rêvent d'expulser les étrangers – vous commanderez des plats à la convenance de vos invités en les faisant livrer par des presque esclaves : livreurs cyclistes sans papier, taillables et corvéables à merci à toute heure du jour comme de la nuit.

Tableaux

Pieter Brueghel le Jeune

Nicolas TOURNIER

James TISSOT

Diego VELASQUEZ

 


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18 réactions à cet article    


  • Seth 29 février 14:23

    T’as oublié Le Déjeuner sur l’Herbe de Manet, du coup ça manque de femmes à poil. smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 15:48

      @Seth

      j’évite la censure


    • sylviadandrieux 29 février 17:05

      Frichti origine allemande. sinon se procurer un bon livre de cuisine française (idée pour la prochaine fête des mères).


      • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 18:13

        @sylviadandrieux

        Je cuisine tous les jours et je suis un homme
        Ne le répétez pas
        sans recette qui plus est


      • Jason Jason 29 février 18:39

        @C’est Nabum

        Bienvenue au club !


      • sylviadandrieux 29 février 18:40

        @C’est Nabum

        Que ne dois-je pas répéter ?
        Que vous êtes un surhomme qui fait la cuisine ? 


      • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 21:11

        @Jason

        Enchanté


      • Jason Jason 29 février 17:44

        Frichti = Fruhstück, petit déjeuner. Le français est une langue vivante, elle donne et elle prend. Les mots qu’on trouve, qu’on utilise sans le savoir sont des indicateurs de codes sociaux, autant de clins d’oeil à ceux qui pigent de quoi il retourne. On est alors entre soi. « Asinus asinum fricat ».


        • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 18:13

          @Jason

          Je suis un âne bâté qui fricote avec quelques bourriques


        • Jason Jason 29 février 18:35

          @C’est Nabum

          Prenez soin de votre fricot. Faites-vous l’âne pour avoir du son ?


        • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 18:39

          @Jason

          Le son me fait défaut
          Je suis sourd à tous les reproches


        • Jason Jason 29 février 18:41

          @C’est Nabum

          J’aimerais pouvoir dire : « Qui n’entend qu’un âne n’entend qu’un son ». Mais ça serait un autre son de cloches.


        • juluch juluch 29 février 17:45

          Le mot viens d’un dialecte Alsacien.....

          Le rosé pamplemousse.....je sais que vous l’adorez !!!  smiley

          Je vais faire tout à l’heure des côtelettes de sanglier au pomme de terre !!!!

          Bonne bouffe à tous !!!!


          • C'est Nabum C’est Nabum 29 février 18:14

            @juluch

            Pour moi ce sera des calamars frits


          • révolté révolté 1er mars 10:29

            J’invite très souvent mes potes à un graillou improvisé, un petit mangement ou un bon gueuleton ( plutôt utilisé  pour les gros repas) .

            Ils ne refusent jamais quelques cagouilles du jardin après la charcutaille maison, l’andouillette grillée et le boudin en taillant le bout’ d’gras avant de passer aux choses sérieuses.

            Peut ensuite arriver sur la table bœuf mode,daube ou civet de gibier, tout est toujours reconnu à sa juste valeur et bien sur accompagné de jus de treille digne de ce nom.

            Ligérien de naissance exilé en bord de méditerranée depuis fort longtemps, constatant qu’ici l’hiver touche à sa fin, mon annuelle brasucade de printemps pointe doucement le bout de son museau pour le plus grand plaisir des habituels convives dans l’attente de cette dernière, plus que 3 semaines avant de se casser le ventre.

            Rabelaisement votre...

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