• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Ma ville fait la roue

Ma ville fait la roue

La quadrature de la vanité.

Ce fut insidieux, lent et, il faut l’avouer, complexe. Tout le monde n’avait ni les moyens ni la place de s’offrir cet indispensable écrin pour un marché de Noël réussi. Il en a fallu des doses de persuasion tout autant que de prouesses techniques pour installer, au cœur de la ville, l’expression désormais la plus aboutie de l'allégresse de la Nativité.

Il est vrai que les sapins ont cessé de pointer leurs cimes en plein ciel. Il faut aller toujours plus haut, toujours plus loin dans le tape-à-l'œil et le grandiose. Le pauvre végétal ne fait plus la maille et demeure fort encombrant le reste de l’année. Il a beau ne pas perdre ses aiguilles, la technologie lui a fait perdre ses plumes. Il se contente désormais d’être le beau sapin de la chanson, roi des forêts et ignoré dans la ville. Même dans les demeures, son homologue synthétique l’a supplanté. Il y a de quoi avoir les boules.

La crèche, quant à elle, fait polémique. L’âne ne semble pas être œcuménique alors que pourtant il me semble transcender toutes les religions du monde. Quelques intolérants au lait de vache exigent le retrait du bœuf, démontrant en la circonstance leur parfaite inculture zoologique. Pour le reste, l’enfant Jésus n’est plus le bienvenu : il ne serait pas né, nous dit-on, sous une bonne étoile. Certains jouent les vierges effarouchées devant ce symbole qui devra désormais rester sur la paille, loin des centres urbains.

La patinoire a fait son temps. Les modes glissent et il convient de toujours aller plus en avant dans le spectaculaire. La glace laisse désormais de marbre les jeunes gens des grandes métropoles ; elle se rabat sur les petites communes qui, à leur tour, profitent de l'attraction. C’était pourtant bien commode pour rouler des patins et vendre des marrons chauds. Mais la pauvre patinoire manque de hauteur ; elle a perdu de son aura.

Les vitrines de Noël ont, elles aussi, été détrônées. Il est vrai que les magasins qui jadis faisaient des merveilles, attiraient une foule éblouie devant un décor tout aussi féerique que magnifique, ont dû fermer boutique. Les grandes surfaces ont accaparé le marché du jouet ; les petits commerces n’ont plus leur place dans les centres urbains, à moins qu’ils ne viennent s’y réfugier que quelques jours par an sous des chalets de bois …

Alors, devant ces évidences, pour réussir un joli décor de Noël, il convient de lever les yeux au ciel, d’en avoir plein les mirettes et de mettre une roue dans le passage du père Noël. Il faut d’ailleurs qu’elle soit grande, illuminée de toutes parts, grandiose et massive. C’est devenu l’incontournable de la Nativité. Elle symbolise sans doute le cycle des saisons, la voûte céleste, l’étoile du berger, la vanité de ceux qui s’y montrent … Elle représente plus sûrement la vacuité de nos existences qui ont besoin de prendre l’air en plein froid pour se penser maîtres d’un monde qu’on est en train de détruire.

La grande roue trône sur les marchés de Noël qui se respectent. Colosse aux pieds d’argiles, elle n’a pas la tête dans les étoiles ; elle est le ciel lumineux, le paradis du consumérisme, l'archange de la stupidité. On y fait la queue, on s’y presse bien mieux qu’à confesse tandis que les santons s’ennuient dans la cathédrale désertée. On s’y prend en photographie, on l’immortalise de tous côtés car elle est devenue, à elle seule, le paradigme de la fête, l’expression la plus aboutie du nouveau calendrier de l’Avent.

C’est depuis que le tour de France finit sa ronde sur les champs Élysées au pied de la roue de monsieur Marcel Campion que le mal a germé dans toutes les têtes de nos responsables municipaux. La Grande Roue ne doit plus se contenter de la fête foraine, de la foire du mail : c’est sur la place des martyrs qu’elle a toute sa place. Elle est si belle, si parfaitement éclairée, si visible ! Elle démontre à l’évidence la puissance locale, celle qui écrase les communes alentour. Loin du cœur de la ville, n’espérez plus réussir la moindre fête, c’est autour de la grande roue que gravitent tous les m’as-tu vu de la cité. Ils font les paons toute l’année ; quoi de plus normal qu’ils la finissent en majesté, en roue libre !

Rondement vôtre.

images.jpg

 


Moyenne des avis sur cet article :  2.33/5   (3 votes)




Réagissez à l'article

7 réactions à cet article    


  • juluch juluch 16 décembre 2016 11:53

    On a aussi une roue sur Marseille, elle y est depuis des années, je ne suis jamais monté.  smiley


    Chaque années les villes essayent de renouveler les décos de Noels, régulièrement on le marché au Santon sur la Canebiere....plutôt cher d’ailleurs.

    Sinon chez moi j’ai le meme sapin qui fait office de « vrai »....+ la crèche maison faites par mes soins.

    a bientot Nabum !

    • C'est Nabum C’est Nabum 16 décembre 2016 13:25

      @juluch

      Les villes n’ont d’autres ambitions que de copier ce qui marche ailleurs

      C’est ainsi que nous sommes gouvernés par des gens sans aucune imagination


    • nofutur 17 décembre 2016 09:20

      Salut Nabum,

      Malgré nous il faut s’y faire. Adieu l’imaginaire et vive le commerce (qui périclite malgré tout) ha oui le commerce le fric à tout va le pognon le flouze... la merde quoi !

      Pour s’en convaincre il suffit de passer par la torture des publicités à la télé (il y en a une qui me fait particulièrement hurler : Joyeux technoel...)

      A force plus de rêves ni de magie dans le froid en préparant Noël.

      Ces grand sortis de grandes écoles convaincus qu’ils sont dans le vrai en excluant le superflu avec pour seul et unique objectif faire du fric !

      Ils ont oubliés simplement qu’il faut donner envie d’avoir envie !

      Mais cela ils ne l’ont pas appris.

      Dommage pour eux et dommage aussi pour nous...


      • Abou Antoun Abou Antoun 17 décembre 2016 09:42

        @nofutur
        Oui et en plus dans les centres—villes il faut s’infuser le kitch habituel dans les haut-parleurs :
        Petit Papa Noël
        Mon beau sapin
        Il est né le divin enfant
        Les anges dans nos campagnes
        etc, etc...
         


      • C'est Nabum C’est Nabum 17 décembre 2016 10:27

        @nofutur

        Fermons les yeux sur ces immondes manifestations de la féérie de Noël

        Ils font du fric, il n’y a que ça qui les préoccupe


      • Aristide Aristide 17 décembre 2016 11:35

        Il faudrait consulter tellement vous trouvez à redire à tout ce qui ne correspond pas à vos goûts. Vous n’aimez pas les grandes roues, vous avez tout à fait le droit, mais de grace épargnez nous vos perpétuelles jérémiades sur tout ou rien quand cela ne vous convient et que vous essayez sans grand succès d’y trouver la trace de la médiocrité de nos dirigeants.


        Passez votre chemin et allez naviguer sur votre Loire, n’oubliez pas votre bouée ...




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité