Un pavé dans la Loire
Du déchargeoir au déversoir.
Je ne saurai me substituer à Françoise De Person, historienne émérite qui mieux que personne évoque le sujet de cet aménagement d’écrêtage des crues pensé dès 1639 afin d'épargner les grandes villes ligériennes des débordements rageurs de la dame Liger. L'idée était simple : créer des conditions artificielles pour favoriser une échappatoire à la colère des flots. (cf lien)
La Loire qu'on qualifie un peu hâtivement de sauvage, est depuis quelques siècles, bien sagement enserrée dans des digues qui la contraignent et la limitent. Le problème majeur soulevé par ces levées c'est qu'elles s'avèrent insuffisantes lors des côtes historiques que l'on désigne comme centennales.
Lors des crues calamiteuses de 1707, 1825, 1846, 1856, 1866, les digues finirent par céder en mains endroits sous la pression de masses d'eau que nulle force ne pouvait contenir. Des failles se créèrent ainsi sous la pression du sable, de l'eau, du courant, provoquant des drames humains derrières elles, noyant des rives, les rendant souvent impropres à la culture et menaçant les vies des riverains.
L'idée fut de provoquer artificiellement ces ruptures de la course folle du courant en choisissant les territoires qui seraient noyés pour épargner des zones beaucoup plus habitées. Le choix de ces espaces sacrifiés ne fut du reste pas une mince affaire. Il fallait faire accepter l'idée de servir d’exutoire artificiel à ceux dont les terrains, les fermes, les demeures se trouvaient dans la zone de dérivation.
Il fallait aussi construire un ouvrage capable de remplir cette mission sans exploser sous le choc, d'où une construction spectaculaire en pavés sur près de 500 m de long sur 6 mètres de large et 3 mètres de hauteur aux formes arrondies et de forme convexe sur toute sa longueur. Initialement nommés déchargeoirs, ils constituaient ainsi une vaste gueule qui s'ouvrirait pour laisser envahir par les eaux tout l'espace situé à proximité.
Comme bien souvent dans ce pays, entre l'idée et la réalisation beaucoup d'eau est passée sous les ponts au point même d'en emporter quelques-uns durant les fameuses crues historiques du XIX° siècle. Puis devant l'évidente nécessité, les fonds furent réunis pour construire sur la Loire treize ouvrages devenus de manière plus consensuelle des déversoirs.
Depuis, leur présence a dû être perçue par la rivière comme un avertissement dissuasif qui la contraignit à rester plus sage. Il est vrai que le barrage d’écrêtage des crues de Villerest lui coupa l'herbe sous le pied et la Loire sut se montrer raisonnable. C'est d'ailleurs fort heureux puisque le manque d'entretien de nos jolis déversoirs mettait en cause leur fonctionnalité éventuelle.
Une campagne de restauration est lancée, des travaux sont engagés, des fonds désignés à cet effet. Demeure l'interrogation de la décision. Qui prendra le risque de noyer un territoire et de soulever le mécontentement des sacrifiés pour sauver les milliers de citadins qui ont construit ou acheté une demeure en zone inondable ? La chose n'est pas simple et exigera un courage politique qui ne court pas les rues.
Quant à votre serviteur, le déversoir de Ouzouer-sur-Loire puis plus tard celui de Jargeau furent des terrains de jeu et d'aventure quand gamins, nous revivions Paris Roubaix sur ces pavés disjoints qui était notre enfer des bords de Loire. Nous avions même le sentiment d'être sur un immense vélodrome pavé qui nous enchantait et nous donnait le sentiment d'être seuls à pouvoir affronter ce monstre de pierre.
Inviter sur Ici, la nouvelle dénomination de France Bleu à venir évoquer ce sujet, je me fendis d'une faribole pour bien montrer que je ne suis qu'un amuseur.
Déversoir
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Qu'ils se nomment déversoir
Déchargeoir ou bien encore dégorgeoir
Ils entendent faire un trou dans la Loire
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Leur intention est d’inonder sans façon
Une petite parcelle de la région
Sans la moindre habitation
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Hélas le temps de les bâtir
Des terrains se virent lotir
Qui risquaient grandement d'en pâtir
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En cas de crue ils ont pour mission
De sauver les nombreuses habitations
Menacées par les inondations
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Dans nos villes, c'est condamnable
Bien des maisons en zone inondable
Risque un sort des plus pendables
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Pour détourner la colère des flots
Ils orientent le cours des eaux
Vers des territoires plus ruraux
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Encore faut-il ne pas noyer
Quelques fermes isolée
Pour préserver nos grandes cités
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Submerger de vastes champs
Pour épargner les habitants
Le propos est fort tentant
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Sa mise en œuvre plus compliquée
Il faut gérer les susceptibilités
De ceux qui sont ainsi sacrifiés
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L'eau coule encore sous les ponts
Et les déversoirs font le dos rond
Toujours placés en leur amont …
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En 1629 ils ont été imaginés
Treize ont été au fil du temps créés
Même s'ils n'ont jamais été utilisés.
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