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Bac 2023 (filière générale) Explication d’un texte de Claude Lévi-Strauss extrait de La Pensée sauvage

Bac 2023, filière générale, texte de Claude Lévi-Strauss extrait de La Pensée sauvage

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Pour lire le texte, cliquer sur le lien :http://lechatsurmonepaule.over-blog.fr/2023/06/bac-2023-filiere-generale-explication-d-un-texte-de-levi-strauss-extrait-de-la-pensee-sauvage.html

Proposition d'explication : 

Claude Lévi-Strauss montre dans ce texte la différence entre le bricoleur et l'ingénieur. La thèse de l'auteur est que le bricoleur, contrairement à l'ingénieur n'est pas définissable par un projet.

L'auteur donne pour étayer sa thèse les arguments suivants : a) Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées ; b) Le bricoleur, contrairement à l'ingénieur ne subordonne pas ces tâches à l'obtention de matières premières et d'outils conçus et procurés à la mesure de son projet ; c) l'ensemble des moyens du bricoleur se définit seulement par son instrumentalité.

L'auteur ne donne pas d'exemples. Nous essayerons d'en trouver.

"Le bricoleur est apte à exécuter un grand nombre de tâches diversifiées" : le bricoleur est capable d'exécuter toutes sortes de tâches. Il s'y connaît un peu dans plusieurs domaines : électricité, menuiserie, plomberie, maçonnerie, etc. Il n'est spécialisé dans aucune tâche particulière, contrairement à l'ingénieur qui n'est pas "polyvalent" dans son métier d'ingénieur, comme le bricoleur, mais qui s'est spécialisé dans un domaine précis telle que l'agronomie, la chimie, le génie médical, les sciences de la terre, le bâtiment, la mécanique, l'automobile, etc. 

Le bricoleur refuse le principe de la "division du travail", il ressemble à ce sophiste de l'antiquité grecque, le modèle de tous les bricoleurs, qui se glorifiait de se suffire à lui-même en construisant sa propre maison, en fabriquant ses propre chaussures, en tissant ses propres vêtements.

En dehors de son domaine, l'ingénieur peut avoir des connaissances ou une vague idée de ce que font les autres ingénieurs, mais il lui est impossible, comme les "ingénieurs" et les savants de la Renaissance (Léonard de Vinci, Pic de la Mirandole) de maîtriser tous les savoirs et les techniques de son époque.

La multiplication des connaissances est si grande et l'extension des domaines d'application est si vaste, les problèmes sont si complexes aujourd'hui qu'un homme isolé ne peut les maitriser à lui tout seul. 

Un ingénieur agronome, par exemple, n'aura qu'une vague idée de ce dont s'occupe un ingénieur en mécanique. Les ingénieurs témoignent de ce que l'on appelle la "division du travail" qui est intimement lié à la division et à la multiplication des savoirs et des savoir-faire et à la spécialisation dans la société moderne. 

Contingence de l'outil et/ou des matériaux : un bricoleur ne subordonne pas les tâches qu'il veut effectuer à l'obtention de matières premières et d'outils, conçus et procurés à la mesure de son projet.

Nécessité des outils et des matériaux : un ingénieur subordonne nécessairement les tâches qu'il veut effectuer à l'obtention de matières premières et d'outils, conçues et procurés à la mesure de son projet.

L'ingénieur cherche d'abord à se procurer des matières premières et les outils et à rassembler les ouvriers dont il a besoin pour réaliser son projet, par exemple, s'il veut construire un viaduc, il choisira la maçonnerie, le béton, le métal comme le fer, l'acier ou l'aluminium et les ouvriers qui savent manier ces matériaux et utiliser les engins de chantier nécessaires à la construction de son viaduc.

Il ne construira pas, bien entendu, le viaduc à lui tout seul, mais il emploiera de nombreux ouvriers qualifiés, spécialisés dans une tâche particulière et employant des outils, mais surtout des machines ultra perfectionnées, il choisira soigneusement les matériaux en fonction d'un projet spécifique.

L'ingénieur va ensuite subordonner les matériaux, les outils, les machines et les ouvriers qui les utilisent à un "projet" : le viaduc tel qu'il figure sur un "plan".

Aristote distinguait quatre sortes de causes qui restent assez pertinentes aujourd'hui pour décrire le travail de l'ingénieur. La cause matérielle, la matière dont est constituée l'objet : un viaduc par exemple sera en béton, en pierre, en fer, en aluminium, en acier.... La cause efficiente : le travail des ouvriers pour construire le viaduc. La cause formelle : l'essence d'un viaduc, l'idée que l'ingénieur se fait d'un viaduc solide, bien construit, le dessin de ce viaduc sur un plan, le recours aux calculs mathématiques sur la résistance des matériaux et enfin la cause finale : ce en vue de quoi le viaduc est construit, la destination du viaduc : permettre à des automobiles, des camions et éventuellement des piétons de traverser en toute sécurité une rivière, une vallée, etc.

Le pont n'est pas l'ouvrage d'un seul homme, mais d'un ou plusieurs bureaux d'étude, dirigés par un ingénieur en chef et de dizaines ou de centaines d'ouvriers qualifiés, spécialisés dans une tâche précise.

Le métier d'ingénieur au sens moderne du terme s'apparente à celui de chercheur. Les chercheurs ne travaillent pas seuls, mais en collaboration avec d'autres chercheurs, d'autres scientifiques. La science n'est pas l'œuvre d'un seul homme, artiste, artisan ou bricoleur, mais d'une équipe.

Le bricoleur a bien un projet, comme l'ingénieur, mais à la différence de l'ingénieur il ne travaille pas en équipe et ne subordonne pas chacune de ses tâches à l'obtention de matières premières et d'outils, conçus et procurés à la mesure de son projet. 

Claude Lévy Strauss qualifie son "univers instrumental", c'est-à-dire les outils et les matériaux qu'il emploie de "clos", c'est-à-dire de fini, de limité. Le bricoleur utilisera les outils et les matériaux qu'il a à sa disposition dans son atelier. S'il lui manque tel ou tel outil ou tel ou tel matériaux, il les remplacera par un autre, son ingéniosité suppléera au manque.

Lévi-Strauss fait peut-être allusion à la distinction entre l'univers clos et l'univers infini qui caractérise, selon Alexandre Koyré le passage de la cosmologie antique (Ptolémée) à la science moderne (Galilée).

La règle du bricoleur est de s'arranger avec les "moyens du bord", avec un ensemble fini d'outils et de matériau hétéroclites, c'est-à-dire fait d'un mélange d'éléments disparates, d'outils et de matériau qui ne vont pas ensemble, qui ne concourent pas a priori à construire une œuvre cohérente.

Les outils et les matériau du bricoleur n'ont pas été choisis en vue d'un "projet" déterminé, mais rassemblés au hasard, de façon contingente et non nécessaire, de ses trouvailles. Claude Lévi-Strauss explique qu'ils sont le "résultat contingent" des occasions qui se sont présentées de renouveler ou d'enrichir le stock ou de l'entretenir avec les résidus de constructions ou de destructions antérieures.

Le bricoleur fait donc avec les matériaux et les outils qu'il a sous main, que le hasard a rassemblé pour lui en vertu du principe du "ça peut toujours servir".

L'ingénieur au contraire n'a pas d'atelier, il ne collectionne pas ses outils et ses matériaux "au hasard", il les commande à l'extérieur et les met au service d'un projet bien défini, d'un plan préalable à l'exécution de l'œuvre.

Pour reprendre le vocabulaire d'Aristote, la "cause formelle" précède nécessairement chez lui la "cause matérielle", au lieu que chez le bricoleur, c'est la cause matérielle qui précède de façon contingente la cause formelle puisque ce sont les outils et les matériaux qu'il a sous la main en vertu du principe du "ça peut toujours servir" qui vont déterminer son projet.

Le bricoleur ne dispose pas d'autant d'ensemble instrumentaux que de genres de projet (du moins en théorie), mais d'un seul ou éventuellement de plusieurs projets qui dépendent des ensembles instrumentaux dont il dispose.

Le projet un bricoleur se définit, explique Claude Lévi-Strauss par son "instrumentalité", à savoir que c'est l'instrument qui détermine le projet au lieu que chez l'ingénieur, c'est au contraire le projet qui détermine l'instrument.

Les éléments matériaux ou outils, utilisés par le bricoleur sont "à demi particularisés" : le bricoleur n'a pas besoin de l'équipement, du savoir et du savoir faire d'un plombier, d'un électricien, d'un couvreur, d'un carreleur professionnel, mais il utilise les matériaux et les outils dont il dispose dans un but précis et déterminé.

Chaque élément représente un ensemble de relations à la fois concrètes et virtuelles, concrètes parce qu'ils peuvent réellement servir en tant qu'outils ou en tant que matériaux, virtuels parce qu'ils ne servent pour l'instant à rien, mais qu'ils pourraient éventuellement servir un jour à quelque chose.

Ce sont des "opérateurs" précise Claude Lévi-Strauss qui emploie ici un concept issu des mathématiques. Les matériaux et les outils dont se sert le bricoleur sont des "opérateurs". Un opérateur est un signe mathématique qui établit une relation entre deux nombres : "plus", "moins", "divisé par", "multiplié par" sont des opérateurs.

Les matériaux et les outils du bricoleur lui permettent d'effectuer des opérations, c'est à dire qu'ils peuvent être utilisés concrètement, mais ce sont des opérateurs virtuels et non réels, car "ils sont utilisables en vue d'opérations quelconques au sein d'un type" et non en vue d'opérations nécessaires au sein d'un projet.

En essayant de comprendre et de caractériser l'état d'esprit du bricoleur par rapport à celui de l'ingénieur, Claude Lévi-Strauss n'entend pas établir une hiérarchie entre les deux activités, mais il veut redonner du sens et de la valeur à l'activité du bricoleur.

Si l'on replace son analyse dans le contexte plus général de la Pensée sauvage, il veut rendre justice à d'autres manières de penser et d'agir que celles de la science et de la technique occidentale.

Claude Lévi-Strauss cherche à décrire dans La Pensée sauvage les mécanismes de la pensée en tant qu'attribut universel de l'esprit humain. Pour lui, la pensée sauvage est présente en tout homme tant qu'elle n'a pas été cultivée et domestiquée à "des fins de rendement". Lévi-Strauss met en opposition l'utilité immédiate de la science et des connaissances dont a besoin la communauté pour se reproduire, avec une forme de pensée adaptée aux besoins sociaux ou de productivité des sociétés modernes. La pensée sauvage est "bricoleuse", la pensée moderne est "ingénieuse". Aucun mode de pensée et d'action n'est "supérieure" à l'autre. 

Comme le dit Honoré de Balzac dans Le Cabinet des antiques, cité en épigraphe de la Pensée sauvage : "Il n'y a rien au monde que les Sauvages, les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes." 

 


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18 réactions à cet article    


  • cevennevive cevennevive 15 juin 2023 11:55

    Bonjour Robin,

    « Il n’y a rien au monde que les Sauvages, les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes. » 

    Mon père...

    Il avait démonté entièrement sa première voiture (juste après 1945) « pour voir comment c’était fait » disait-il, et bien des matériaux ou pièces de cette malheureuse voiture se sont avérées utiles à ses bricolages et à notre vieil intérieur.

    J’ai même eu, enfant, une trottinette entièrement fabriquée avec ces pièces.

    Robin, vous qui êtes enseignant, que pensez-vous de l’écriture inclusive (je ne voudrais pas vous mettre en colère...)

    N’est-elle pas un « bricolage » effectué par des fous ?

    Claude Lévy Strauss et ses semblables ne se retournent-ils pas dans leur tombeau ?


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 15 juin 2023 12:15

      Je suis heureux d’apprendre que vous ayez connu un exemple personnel de « bricolage heureux » avec votre père. Je me suis demandé à un moment si la notion de « bricolage » de Lévi-Strauss était bien pertinente. Je ne sais pas s’il existe d’authentiques bricoleurs tels que Lévi-Strauss les décrit. Je les soupçonne d’aller de temps se ravitailler chez Leroy-Merlin comme nous tous ! Mais il ne chipotons pas sur les détails. Ce qu’il faut retenir de ce texte, ce n’est pas la lettre, mais l’esprit du bricolage qui suppose inventivité et créativité. En réhabilitant des matériaux de récupération, le bricoleur utilise la « société de consommation » au lieu de la subir, il répare, il réhabilite au lieu de consommer passivement. Les artistes, les artisans, les sauvages sont des bricoleurs. Les bricoleurs sont un utile contrepoints aux ingénieurs et à l’hégémonie de la pensée calculante. Tant qu’il y aura des bricoleurs, la société continuera à marcher sur ses deux jambes. L’écriture inclusive ne relève pas du bricolage au sens où Lévi-Strauss l’entend, mais du dérisoire et de la stupidité. On ferait mieux d’apprendre au enfants l’accord du participe passé que des idéologies à la c...


      • mmbbb 16 juin 2023 09:07

        @Robin Guilloux beaucoup « bricole » non pas dans un but de loisir mais avant tout pour des raisons économiques .

        Outre que les prestations d artisans sont onéreuses , la finition est souvent bâclée .

        Du travail à « l arrache » , qui dénote du laisser aller actuel .

        Quant à moi je « bricole » aussi par nécessité . mais j ai la satisfaction du travail bien fini et aussi d avoir un intérieur sortant des sentiers battus et de ne pas avoir des meubles « IKEA » et de sortir du sempiternel mur peint blanc ou couvert de toile de verre .

        «   L’écriture inclusive ne relève pas du bricolage au sens où Lévi-Strauss l’entend, mais du dérisoire et de la stupidité. » 

        heureux de vous lire , si on peut établir un pont entre les deux mondes celui du bricolage et celui du monde intellectuel, c est d avoir une certaine exigence du bel ouvrage .


      • mmbbb 16 juin 2023 09:11

        @mmbbb « bricolent » 


      • pemile pemile 16 juin 2023 22:47

        @Robin Guilloux « Je ne sais pas s’il existe d’authentiques bricoleurs tels que Lévi-Strauss les décrit. »

        Pour Nicolas Slimak, Néandertal serait un authentique bricoleur et Sapiens un ingénieur.


      • Durand Durand 15 juin 2023 13:58

        Instinctivement, j’associe « pensée sauvage » à ”pensée libre”...

        A terme, la pensée sauvage est plus performante que la pensée calculante car la maximisation incontrôlée de l’entropie provoque des excès suivis de chutes brutales dans lesquels se gaspille toute l’énergie nécessaire à les produire. Seule la pensée sauvage est résiliante.

        La bonne décroissance serait de réserver la pensée performante au service du bien commun. La performance s’arrête où commence l’aliénation. Voir l’exemple de nos téléphones, devenus nos miradors...

        ..


        • eau-mission eau-mission 18 juin 2023 09:45

          Bonjour @Durand

          Il faudrait préciser en quoi vous voyez le travail normatif qui va avec la conception rationalisée (scientifique) de produits s’accompagne d’une maximisation de l’entropie. Peut-être l’impression que la maîtrise des matériaux donne un pouvoir créatif infini à celui qui la possède ?

          Mes chevaux se trouvaient très bien dans l’abri que je leur avais construit avec les matériaux trouvés de ci de là (essentiellement le bois issu d’un nettoyage « rationnel » (stupide) des rives du ruisseau voisin). Ils y trouvaient sans doute plus de repères que dans un box normalisé.

          Mais les chevaux ne sont pas des maniaques du rangement, comme vos abeilles ...


        • Brutus Grincheux 15 juin 2023 15:31

          Il aurait été intéressant d’élargir le propos, ne serait-ce qu’en conclusion, au fait que bricoleur et ingénieur sont des individus vivant dans une société donnée, et que la société dans laquelle nous vivons n’aime pas les bricoleurs, mot devenu péjoratif, synonyme d’« arcandier » (pour ceux qui ont fréquenté des Nivernais).

          Les capacités du bricoleur sont des freins à son potentiel de consommateur de services et de produits finis, ce qui va dans le sens inverse de celui d’une économie de marché fondée sur le capitalisme. Ce que LT veut montrer, c’est que l’individu membre d’une société « sauvage » a une pesée (titre du livre) mais aussi des techniques structurées les unes et les autres autour de l’impératif dune ’autonomie liée à l’autarcie.

          Les analyses de LT vont plus loin qu’une simple étude anthropologique. Elles montrent par effet de miroir qu’en vivant dans une société productiviste fondée sur les gains réalisés par les circuits commerciaux dans lesquels la rationalisation abaisse le coût de production, l’individu perd son autonomie.


          • Robin Guilloux Robin Guilloux 15 juin 2023 18:29

            @Grincheux

            Oui, je suis d’accord. Il fallait d’abord expliquer le texte de CLS. J’ai ajouté, en tenant compte des observations une réflexion (brève) sur le caractère polémique du texte. On sent que CLS aime les bricoleurs, qu’il les préfère aux ingénieurs, pour toutes les raisons que fous invoquez.

            « En essayant de comprendre et de caractériser l’état d’esprit du bricoleur par rapport à celui de l’ingénieur, Claude Lévi-Strauss n’entend pas établir une hiérarchie entre les deux activités, mais il veut redonner du sens et de la valeur à l’activité du bricoleur.

            Si l’on replace son analyse dans le contexte plus général de la Pensée sauvage, il veut rendre justice à d’autres manières de penser et d’agir que celles de la science et de la technique occidentale.

            Claude Lévi-Strauss cherche à décrire dans La Pensée sauvage les mécanismes de la pensée en tant qu’attribut universel de l’esprit humain. Pour lui, la pensée sauvage est présente en tout homme tant qu’elle n’a pas été cultivée et domestiquée à »des fins de rendement« . Lévi-Strauss met en opposition l’utilité immédiate de la science et des connaissances dont a besoin la communauté pour se reproduire, avec une forme de pensée adaptée aux besoins sociaux ou de productivité des sociétés modernes. La pensée sauvage est »bricoleuse« , la pensée moderne est »ingénieuse« . Aucun mode de pensée et d’action n’est »supérieure« à l’autre.

            Le texte de Lévi-Strauss nous suggère également de ne pas privilégier la »pensée calculante« et de repenser le travail pour le rendre plus intéressant et plus créatif.

            On peut s’interroger sur la pertinence la notion de « bricolage ». Existe-t-il encore, dans nos sociétés modernes, d’authentiques bricoleurs tels que Lévi-Strauss les décrit. Les bricoleurs vont se ravitailler en outils et en matériaux dans les magasins de bricolage. Ce qu’il faut retenir de ce texte, ce n’est pas la lettre, mais l’esprit du bricolage qui suppose inventivité et créativité.

            En réhabilitant des matériaux de récupération, le bricoleur utilise la »société capitaliste de consommation«  au lieu de la subir, il récupère, répare, réhabilite au lieu de consommer passivement. Les artistes, les artisans, les sauvages, les couturières, les cordonniers, les cuisiniers, les boulangers, les paysans authentiques, les compagnons d’Emmaüs de l’abbé Pierre sont des bricoleurs.

            N’est-il pas préférable de faire réparer ses chaussures chez un cordonnier que de les jeter sous prétexte que les semelles se décollent ? Les bricoleurs sont un utile contrepoids à l’hégémonie de la pensée calculante des ingénieurs. Tant qu’il y aura des bricoleurs, la société continuera à marcher sur ses deux jambes.

            Comme le dit Honoré de Balzac dans Le Cabinet des antiques, cité en épigraphe de la Pensée sauvage :  »Il n’y a rien au monde que les Sauvages, les paysans et les gens de province pour étudier à fond leurs affaires dans tous les sens ; aussi quand ils arrivent de la Pensée au Fait, trouvez-vous les choses complètes." 


          • amiaplacidus amiaplacidus 15 juin 2023 16:50

            À propos de l’épreuve de philo, il me revient à l’esprit une réaction de mon fils lorsqu’il a entendu, pour la première fois, parler de dissertation :

            « Si j’ai bien compris, la dissertation, c’est l’inverse d’un résumé ».

            Il me semble qu’il avait bien synthétisé la chose : dire en dix mille mots ce qui peut être dit en une seule phrase et, pour les caricaturistes doués, en un dessin.

            .

            Il est maintenant ingénieur, mais pas du tout bricoleur. Alors que je suis ingénieur ET bricoleur.


            • Brutus Grincheux 15 juin 2023 17:37

              @amiaplacidus

              il ne faut pas confondre glose et dissertation, surtout en philo, matière dans laquelle elle n’a pas les caractéristiques qu’en français
              en philo, la dissertation n’est pas seulement un commentaire, c’est un raisonnement (thès, antithèse, synthèse) dont le but est de démontrer ou justifier un jugement, une opinion, sur un sujet proposé, ou même une découverte si on décide de disserter tout seul


            • Brutus Grincheux 15 juin 2023 17:33

              «  dire en dix mille mots ce qui peut être dit en une seule phrase »

              il existe même des choses qui vont sans dire...

              mais qui, souvent, vont mieux en le disant


              • Florian Mazé Florian Mazé 17 juin 2023 17:45

                Excellent travail, cher collègue ! smiley Evidemment, ce n’est tout à fait ce que je lis en ce moment en corrigeant les copies... smiley


                • Robin Guilloux Robin Guilloux 18 juin 2023 06:04

                  @Florian Mazé

                  Parfois, je me réveille en me disant : « M... J’ai pas corrigé mes copies et je dois les rendre demain ! » et puis je me rendors en me disant : « Espèce d’idiot, tu as encore oublié que tu étais à la retraite ! »... smiley


                • eau-mission eau-mission 18 juin 2023 09:34

                  @Robin Guilloux

                  Voila qui demanderait dissertation.

                  De mon côté, je n’ai enseigné que pendant 11 années scolaires ; pour la correction des copies, une étude préalable du « barême » m’évitait les cas de conscience qu’on peut éprouver quand deux élèves estiment ne pas avoir été traités avec équité. Par contre, même pour des enseignements aux contenus a priori simplissimes, je trouve qu’il faut toujours revoir la contextualisation qu’on en fait ; et c’est assez normal si on pense qu’elle dépend du groupe d’élèves auquel elle s’adresse. Si bien que depuis plus de 15 ans que je n’ai plus le rôle de professeur, j’ai « fait » beaucoup de rentrées scolaires quand l’été décline, signe de retour au huis-clos des face à face.

                  A part ça, il me semble que CLS pourrait renouveler ses observations s’il revenait contempler les développeurs informatiques. Je me souviens d’un « jeune » reconnaissant que les vieux informaticiens, formés comme je l’ai été à la rigueur des mathématiques, étaient souvent très forts en algorithmiques, mais pas très débrouillards. Il faut dire que nous étions aussi formés par nécessité à l’économie de moyens, et que jauger la qualité d’un logiciel à son volume et à l’usage immodéré de termes abscons ne nous serait pas venu à l’esprit.


                • pemile pemile 18 juin 2023 10:08

                  @eau-mission "A part ça, il me semble que CLS pourrait renouveler ses observations s’il revenait contempler les développeurs informatiques. Je me souviens d’un « jeune » reconnaissant que les vieux informaticiens, formés comme je l’ai été à la rigueur des mathématiques, étaient souvent très forts en algorithmiques, mais pas très débrouillards. Il faut dire que nous étions aussi formés par nécessité à l’économie de moyens, et que jauger la qualité d’un logiciel à son volume et à l’usage immodéré de termes abscons ne nous serait pas venu à l’esprit.« 

                  Non, CLS constaterait que dans les vieux de la vieille de l’informatique, certains ont su s’adapter aux évolutions de l’outil, et d’autres, comme toi, en ont été incapables. Et aigris, sont nostalgiques d’une époque où »un jeune" les avait trouvé bon !


                • eau-mission eau-mission 18 juin 2023 10:17

                  @pemile

                  Celui qui ira ton post comprendra-t-il comment les « jeunes » abordent le débat ?


                • pemile pemile 18 juin 2023 12:13

                  @eau-mission « Celui qui ira ton post comprendra-t-il comment les « jeunes » abordent le débat ? »

                  De notre échange de vieux ? Non !

                  T’es si nostalgique de l’époque où tu arrivais encore à impressionner UN jeune ? smiley

                  Pour revenir au sujet, c’est le bricoleur ou l’ingénieur qui est en peine lorsque l’outil ou le contexte change ?

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