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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Le meurtre, moteur de la production humaine

Le meurtre, moteur de la production humaine

Aujourd’hui, il n’est plus question de rentabilité... de retour sur investissement, car le besoin légitime d’un retour sur investissement finit là où commence la recherche effrénée du profit maximal et cette recherche-là, c’est la recherche du seuil de rupture des modes de production et de fonctionnement musculaires et psychiques de l’espèce humaine salariée. Le fameux point mort, c’est ça !

Le moteur de cette production inhumaine, c’est le meurtre ! C’est la recherche perpétuelle du concurrent à trucider, pour occuper seul la place et imposer sa loi. Et si d’aventure on ne peut pas le tuer ce concurrent, eh bien, on s’entend avec lui sur le dos de tous les autres ou bien, on le neutralise, on l’absorbe, on l’avale et puis, dans le même temps, on expulse tous les éléments non assimilables ; éléments devenus du jour au lendemain des matières fécales dont il faut au plus vite se débarrasser avant de déféquer en douce, à l’abri des regards indiscrets. Et là, triomphants et enfin seuls, ils maintiennent les mêmes cadences infernales pour, cette fois-ci, non pas tuer la concurrence mais engranger des bénéfices colossaux.

L’entreprise, c’est une machine de guerre incestueuse, scatologique et anthropophage : on bouffe du salarié, du concurrent et du fournisseur et même... du client quand ce client est timoré, dubitatif ou insolvable. Comme vous voyez, ils ne supportent personne ! Ils ne supportent que trois choses : le besoin qu’il faut créer, le monopole pour le satisfaire et le profit pour ne pas perdre son temps et son argent. Une fois la concurrence éliminée et puis, une fois la source tarie, on jette tout le monde : les clients, les salariés improductifs et usés... et les fournisseurs récalcitrants : ces fournisseurs fortes têtes qui ne veulent pas se plier aux conditions de leurs donneurs d’ordres.

Dans ce système, tout le monde est le client et le fournisseur de tout le monde et seuls les donneurs d’ordres sont aux commandes : plus intolérants, plus misanthropes qu‘eux, vous ne trouverez pas.

Le commerce, c’est la haine ? On fait des affaires la haine au ventre... et le couteau entre les dents car le moteur de cette production-là, c’est bien le meurtre. Le monde de l’entreprise c’est un monde totalement orienté vers une logique de guerre, et, dans la guerre, on ne laisse aucune chance à l’adversaire. On ne partage pas, non plus, le butin ou les territoires conquis avec les troupes qui vous ont permis de gagner cette guerre. Une fois les objectifs atteints, on démobilise tout le monde. Aux soldats, on leur donne une médaille en chocolat pour toute consolation, pour toute indemnité et pour toute récompense.

Ils sont prêts à tuer père et mère pour survivre même si ce système les condamne tous ! Oui, tous ! Car ce système de production ne roule pour personne d’autre... sinon pour lui-même, tout en sachant comme nous le savons maintenant qu’il faudra qu’ils se sacrifient tous les uns après les autres quand le moment sera venu pour eux de se retirer parce qu’un plus performant qu’eux les aura balayés, eux et leurs salariés, leurs fournisseurs et leurs clients ! Leurs successeurs pourront toujours se réjouir et ceux à qui ils distribuent des miettes, avec eux, insoucieux qu’ils sont, les pauvres bougres, du sort qui les attend !

Le moteur de ce système, c’est bien le meurtre : celui du meurtrier et de ses victimes et puis encore... le meurtre de ce même assassin qui se donne la mort... en tuant. Bientôt, il n’aura plus de nom ce système ! On ne sait déjà plus comment le nommer ! Il n’a déjà plus de visage ! Lorsque le sacrifice de tous contre tous sera partagé par tous, en kamikazes d’une défaite universelle, ce système sera sans morale et sans honneur, car sous le couvert de l’anonymat, tout lui sera permis ! Absolument tout !

Alors, aujourd’hui, qu’est-ce qui nous reste à célébrer ? Je vous le demande ! Sûrement pas la vie ! Pourquoi faire ? Pourquoi croyez-vous que les femmes n’enfantent plus là où ce système triomphe sans conteste ? Il vient de là, le déficit démographique ! Cherchez pas !

Quelque part au fond de nous-mêmes, nous savons tous que nous sommes tous... déjà morts.

Extrait du titre "Confessions d’un ventriloque" Chapitre 3
Copyright © 2006. Jean Hardy alias Serge ULESKI. Tous droits réservés.

Mes inédits : http://litterature-inedits.over-blog.com


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9 réactions à cet article    


  • Thomas Roussot Thomas Roussot 15 mai 2007 16:00

    « Le pouvoir est par nature, criminel. » Marquis de Sade


    • miaou miaou 15 mai 2007 16:04

      Intrinsèquement à la condition humaine, il y avait , selon René Girard, dans les temps plus ou moins anciens, le besoin de procéder à intervalle plus ou moins régulier au sacrifice d’un bouc émissaire.

      En effet, une des principales caractéristiques de l’humain, héritée des grands singes, est le mimétisme, ce qui permet entre autres l’apprentissage (imitation d’une personne possédant le savoir). Mais le problème du mimétisme est qu’il encourage l’imitation d’un modèle (médiation interne : le modèle est relativement proche et accessible) jusqu’à point d’en désirer les objets qu’il possède (au sens large, dont : partenaires sexuels, territoires, babioles insignifiantes ...) ; une crise mimétique peut s’engager (on en oubliera l’objet du conflit, ce qui importe est de contrer l’ancien modèle, devenu l’adversaire) , qui se nourira d’elle même, par imitation récurrente des protagonistes du conflit par d’autres membres du groupes . La société est alors en voie d’implosion, sauf si le mécanisme s’enraye.

      Le seul moyen d’y parvenir est d’attribuer la responsabilité de la crise en cours à une personne choisie à peu près au hasard, mais relativement marginale (soit par le haut : roi ; soit par le bas : « sorcières », Juifs...) ; encore une fois, le mimétisme à l’oeuvre permet une certain consensus autour de cette responsabilité. A ce moment, on procède au meurtre (ou à l’expulsion dans les cas bénins) de ce bouc émissaire. La paix peut revenir. Le religieux est justement né pour gérer ce mécanisme (sacrificie=>sacré), indispensable pour assurer la pérennité des sociétés primitives. Par les rites (notamment sacrificiels:sacrifices humains, puis animaux, voire symboliques), on perpétue le souvenir tronqué et ambivalent des évènements (jusqu’à la divinisation/démonisation du bouc émissaire qui certes était peut-être mauvais, dont le sacrifice a fait revenir la paix)

      Le christianisme a rompu avec ce système traditionnel en proclamant avec force l’innocence du sacrifié, qui est l’essence même du christianisme (même si le christianisme historique ne l’a pas toujours compris). Mais cela est potentiellement dangereux, car cette révélation empêche la canalisation de la violence. La solution palliative proposée par le christianisme est l’imitation du Christ. Il s’agit d’une médiation externe (le modèle est hors de portée), qui n’a pas les caractéristiques dangereuses de la médiation interne. (au passage, remarquons que le christianisme historique, en opposition avec les enseignements initiaus, n’a pas forcément eu la sagesse de se démarquer des mécanismes sacrificiels anciens : Inquisition....)

      Dans notre société post-chrétienne, on sait toujours que le bouc émissaire est innocent (il n’a plus de sacrifice, mais plus de réconciliation non plus), mais on a renoncé à la médiation externe. La médiation interne a repris le dessus : la société de consommation affute inconsidérément le désir mimétique (publicité...) , on veut avoir l’objet que possède le voisin, le « modèle » devient de plus en plus proche (Star-Ac...) : les vieux mécanismes pourvoyeurs de violence peuvent se mettrent en branle, mais sans frein possible. La société est en voie d’implosion (émeute...). de plus, la mondialisation veut que cela ne concerne plus seulement un groupe isolé comme dans le passé, mais toute l’humanité (imitation/jalousie du modèle occidental => terrorisme ; problème du nucléaire...) : l’apocalypse est peut-être en marche.


      • Luciole Luciole 15 mai 2007 18:23

        J’ai reconnu le hérisson !! Bon, on sera au moins deux à se comprendre sur ce forum, cher miaou. Cela dit, je crois qu’il faut peut-être faire un peu de vulgarisation et donner des exemples concrets. Exemple : deux collègues dans une grande boîte qui sont fortement en rivalité l’un avec l’autre mais se défoulent sur un troisième plus faible lorsque la tension monte trop fort. Ou bien la « politique » du patron qui rappelle régulièrement qui est le concurrent ennemi à démolir ou à quel point l’administration nous empèche de bosser comme on veut. C’est ce que fait Big Brother dans 1984 tous les jours à la télé pour canaliser la violence des gens... A part cela, j’ai bien peur que dès que l’on évoque le christiannisme, personne n’écoute plus. Je suis preneuse de solution pour remédier à ce problème.


      • miaou miaou 16 mai 2007 00:39

        Salut Luciole ;

        en effet, mon discours, synthèse certes imparfaite de l’oeuvre de René Girard, est resté purement théorique. Tu as donné de bons exemples de la vie moderne (et d’un futur pas si éloigné) qui permettent de mieux comprendre le mécanisme.

        Quant au christianisme, je pense qu’il y a tout de même une évolution des mentalités ; sans être forcément croyant, on peut maintenant reconnaître que le christianisme a joué un rôle important et spécifique dans l’histoire de l’humanité (ainsi, dans un autre registre que Girard, mais peut-être complémentaire : Marcel Gauchet, le christianisme vu comme religion de la sortie des religions). Pour ma part, tout en étant agnostique (mais pro-chrétien), je crains que la déchristianisation de notre socle culturel aura à terme des conséquences extrêmement néfastes sur nos sociétés, dont les catastrophes du siècles dernier (fascismes, communismes...) ne sont que les prémisses. Les remplaçants éventuels (athéisme, libéralisme économique, Islam(isme), scientisme, « New Age », écologisme, pragmatisme, et même Droits de l’Homme...) n’ont pas fait la preuve et leur inocuité et de leur capacité à fonder une morale (ou une éthique) communément acceptable. Quant aux solutions...


      • Luciole Luciole 16 mai 2007 09:24

        Bonjour miaou, Je suis heureuse de voir quelqun partager mon inquiétude sur la déchristianisation de la population. Il est parfaitement logique, si l’on comprend bien René Girard, qu’il existe de profonds mouvements qui tentent d’éradiquer le christiannisme par angoisse de perdre l’unanimité groupale dont il dévoile les mécanismes victimaires. Mais l’on constate également que beaucoup de gens rappellent avec force les aspirations chrétiennes dès que le monde leur paraît trop impitoyable. Comme il s’agit parfois des mêmes personnes (qui veulent les avantages du christiannisme mais sans renoncer au mécanisme unificateur du bouc émissaire), elles tentent de trouver des sauf-conduits qui prennent les noms des idéologies que vous avez citées. D’une façon ou d’une autre, cette tentation existe en chaque personne. Parler du christiannisme, c’est rappeler douloureusement aux gens qu’ils ne pourront avoir l’amour du prochain sans renoncer à l’unanimité du groupe et c’est horrblement désagréable. C’est pourquoi nous prechons toujours dans le désert.


      • Iren-Nao 6 juin 2007 02:52

        @ Miaou

        Merci pour vos excellents commentaires.

        Iren-Nao


      • nenoeud 17 mai 2007 11:25

        Nous savions déjà que la mort est l’objectif ultime de la vie, maintenant nous en connaissons les moyens, nous voilà donc rassuré. Pour le reste c’est beaucoup de bruit pour rien si j’en crois cet article, car finalement cette belle cohérence s’appuie sur la croyance que tout ceci aurait un sens. Es-ce le cas ? En attendant, comme le signale les autres commentaires, prions ensemble mes frères.


        • Francis, agnotologue JL 2 juillet 2007 12:00

          « Sarkozy m’a tuer ! » (D. De Villepin).

          Bon texte. La référence au mimétisme, merci miaou, me suggère de proposer ici la lecture de « La société de loisirs », de Thorstein Veblen qui expose une magistrale analyse du mimétisme et de ses conséquences, à la manière quasi entomologique d’un Erwin Goffman. Veblen soutient que le désir de compétition, corollaire du mimétisme, est après l’instinct de conservation, le plus déterminant chez les êtres humains.

          Ce mimétisme et cette compétition sont à l’origine du meilleur mais surtout du pire, à savoir les ravages, depuis les plus hauts sommets de la hiérarchie politico-financière qui mène le monde, jusqu’aux niveaux les plus basiques : Le désir de ressembler à celui ou celle identifié (à tort ou à raison) comme le champion pousse les riches aux délires les plus fous, les plus écologiquement destructeurs. Le culte de la performance, la compétition professionnelle généralisée, la course à l’emploi caractérisent les moins « gâtés ». Des générations entières sont dans l’obligation de prouver leur excellence pour avoir seulement le droit de ne pas être chômeur.

          Philippe Engelhart l’auteur de « La troisième guerre mondiale est commencée », a désigné par « ordre mimétique » le nouvel ordre mondial en train de s’imposer. La compétition mimétique pourrait expliquer le désintérêt croissant des élites pour la chose publique, l’état et la république : dégradation du milieu naturel, tensions alimentaires, subversion maffieuse des états, déliquescence de nos institutions, perte des valeurs, des repères, des savoirs.


          • Francis, agnotologue JL 2 juillet 2007 12:21

            Correction, je voulais citer « La classe de loisirs » (« theory of the leisure class ») ouvrage de Veblen épuisé qu’on ne peut trouver que dans les bibliothèque. (taper Veblen dans votre moteur de recherche ...).

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