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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Servitude au pouvoir : je dis non !

Servitude au pouvoir : je dis non !

Le Discours de la servitude volontaire est un court réquisitoire écrit par La Boétie, qui pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population et essaye d’analyser les raisons de la soumission de celle-ci (rapport « domination-servitude »).
Si vous me faîtes confiance je vous propose l’exercice suivant : celui de lire tout d’abord ces extraits sélectionnés sans vous dévoiler toute l’origine ce texte, ce afin de susciter vos commentaires sur sa résonance actuelle avec le moins de préjugés possibles.
« Il n’est pas bon d’avoir plusieurs maîtres ; n’en ayons qu’un seul ; Qu’un seul soit le maître, qu’un seul soit le roi. » Voilà ce que déclara Ulysse en public, selon Homère. […] Mais à la réflexion, c’est un malheur extrême que d’être assujetti à un maître dont on ne peut jamais être assuré de la bonté, et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra. Quant à obéir à plusieurs maîtres, c’est être autant de fois extrêmement malheureux.
 
Je ne veux pas débattre ici la question tant de fois agitée, à savoir « si d’autres sortes de républiques sont meilleures que la monarchie ». Si j’avais à la débattre, avant de chercher quel rang la monarchie doit occuper parmi les divers modes de gouverner la chose publique, je demanderais si l’on doit même lui en accorder aucun, car il est difficile de croire qu’il y ait rien de public dans ce gouvernement où tout est à un seul. […] Pour le moment, je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. […]
 
Telle est pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne peuvent pas être toujours les plus forts. Si donc une nation, contrainte par la force des armes, est soumise au pouvoir d’un seul […], il ne faut pas s’étonner qu’elle serve, mais bien le déplorer. Ou plutôt, ne s’en étonner ni ne s’en plaindre, mais supporter le malheur avec patience, et se réserver pour un avenir meilleur. […]
 
Comment appellerons-nous ce malheur ? Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés[…] ? De les voir souffrir les rapines, les paillardises, les cruautés, non d’une armée, non d’un camp barbare contre lesquels chacun devrait défendre son sang et sa vie, mais d’un seul ! Non d’un Hercule ou d’un Samson, mais d’un hommelet souvent le plus lâche, le plus efféminé de la nation, qui n’a jamais flairé la poudre des batailles ni guère foulé le sable des tournois, qui n’est pas seulement inapte à commander aux hommes, mais encore à satisfaire la moindre femmelette ! Nommerons-nous cela lâcheté ? […] Si deux, si trois, si quatre cèdent à un seul, c’est étrange, mais toutefois possible ; on pourrait peut-être dire avec raison : c’est faute de coeur. Mais si cent, si mille souffrent l’oppression d’un seul, dira-ton encore qu’ils n’osent pas s’en prendre à lui, ou qu’ils ne le veulent pas, et que ce n’est pas couardise, mais plutôt mépris ou dédain ? Enfin, si l’on voit non pas cent, non pas mille hommes, mais cent pays, mille villes, un million d’hommes ne pas assaillir celui qui les traite tous comme autant de serfs et d’esclaves, comment qualifierons-nous cela ? Est-ce lâcheté ? […]
 
Or ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner. Pas besoin que le pays se mette en peine de faire rien pour soi, pourvu qu’il ne fasse rien contre soi. Ce sont donc les peuples eux-mêmes qui se laissent, ou plutôt qui se font malmener, puisqu’ils en seraient quittes en cessant de servir. C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d’être soumis ou d’être libre, repousse la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche […]. Pour acquérir le bien qu’il souhaite, l’homme hardi ne redoute aucun danger, l’homme avisé n’est rebuté par aucune peine. Seuls les lâches et les engourdis ne savent ni endurer le mal, ni recouvrer le bien qu’ils se bornent à convoiter. L’énergie d’y prétendre leur est ravie par leur propre lâcheté ; il ne leur reste que le désir naturel de le posséder. […] La liberté, les hommes la dédaignent uniquement, semble t-il, parce que s’ils la désiraient, ils l’auraient ; comme s’ils refusaient de faire cette précieuse acquisition parce qu’elle est trop aisée.
 
Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies […].
 
Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? […] Vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. […] Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir. Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre. […]
 
Il ne peut entrer dans l’esprit de personne que la nature ait mis quiconque en servitude, puisqu’elle nous a tous mis en compagnie. À vrai dire, il est bien inutile de se demander si la liberté est naturelle, puisqu’on ne peut tenir aucun être en servitude sans lui faire tort : il n’y a rien au monde de plus contraire à la nature, toute raisonnable, que l’injustice. La liberté est donc naturelle ; c’est pourquoi, à mon avis, nous ne sommes pas seulement nés avec elle, mais aussi avec la passion de la défendre. […] Nous flattons le cheval dès sa naissance pour l’habituer à servir. Nos caresses ne l’empêchent pas de mordre son frein, de ruer sous l’éperon lorsqu’on veut le dompter. Il veut témoigner par là, ce me semble, qu’il ne sert pas de son gré, mais bien sous notre contrainte. […] Ainsi donc, […] puisque les bêtes, même faites au service de l’homme, ne peuvent s’y soumettre qu’après avoir protesté d’un désir contraire, quelle malchance a pu dénaturer l’homme […] au point de lui faire perdre la souvenance de son premier état et le désir de le reprendre ?
 
Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race. Ceux qui ont acquis le pouvoir par le droit de la guerre s’y comportent — on le sait et le dit fort justement comme en pays conquis. Ceux qui naissent rois, en général, ne sont guère meilleurs. […] Ils regardent les peuples qui leur sont soumis comme leurs serfs héréditaires. Selon leur penchant dominant—avares ou prodigues —, ils usent du royaume comme de leur héritage. Quant à celui qui tient son pouvoir du peuple, il semble qu’il devrait être plus supportable […]. Il considère presque toujours la puissance que le peuple lui a léguée comme devant être transmise à ses enfants. […] Il est étrange de voir combien ils surpassent en toutes sortes de vices, et même en cruautés, tous les autres tyrans. Ils ne trouvent pas meilleur moyen pour assurer leur nouvelle tyrannie que de renforcer la servitude et d’écarter si bien les idées de liberté de l’esprit de leurs sujets que, pour récent qu’en soit le souvenir, il s’efface bientôt de leur mémoire. Pour dire vrai, je vois bien entre ces tyrans quelques différences, mais de choix, je n’en vois pas : car s’ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de règne est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d’esclaves qui leur appartient par nature. […]
 
Car pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux choses l’une : ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés. […] Ils perdent souvent leur liberté en étant trompés, mais sont moins souvent séduits par autrui qu’ils ne se trompent eux-mêmes. […] Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude. Il est vrai qu’au commencement on sert contraint et vaincu par la force ; mais les successeurs servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance. Toutefois il n’est pas d’héritier, même prodigue ou nonchalant, qui ne porte un jour les yeux sur les registres de son père pour voir s’il jouit de tous les droits de sa succession et si l’on n’a rien entrepris contre lui ou contre son prédécesseur. Mais l’habitude, qui exerce en toutes choses un si grand pouvoir sur nous, a surtout celui de nous apprendre à servir et […] celui de nous apprendre à avaler le venin de la servitude sans le trouver amer.[…] On ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais-eu. Le chagrin ne vient qu’après le plaisir et toujours, à la connaissance du malheur, se joint le souvenir de quelque joie passée. La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne. […] Le zèle et la passion de ceux qui sont restés, malgré les circonstances, les dévots de la liberté, restent communément sans effet, quel que soit leur nombre, parce qu’ils ne peuvent s’entendre. Les tyrans leur enlèvent toute liberté de faire, de parler et presque de penser, et ils demeurent isolés dans leurs rêves. […]
 
Mais pour revenir à mon sujet, que j’avais presque perdu de vue, la première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’ils naissent serfs et qu’ils sont élevés comme tels. […] Les gens soumis n’ont ni ardeur ni pugnacité au combat. […]. Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envi, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. […] Les tyrans le savent bien. Aussi font-ils tout leur possible pour mieux les avachir. […] les mauvais rois prennent à leur service des étrangers mercenaires parce qu’ils n’osent plus donner les armes à leurs sujets, qu’ils ont maltraités. […] Tous les tyrans n’ont pas déclaré aussi expressément vouloir efféminer leurs sujets ; mais de fait, […]la plupart d’entre eux l’ont fait en cachette. Tel est le penchant naturel du peuple ignorant qui, d’ordinaire, est plus nombreux dans les villes : il est soupçonneux envers celui qui l’aime et confiant envers celui qui le trompe. […] Le théâtre, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté ravie, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements étaient ceux qu’employaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples abrutis, trouvant beaux tous ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir qui les éblouissait, s’habituaient à servir aussi niaisement mais plus mal que les petits enfants n’apprennent à lire avec des images brillantes. […] Ainsi, le plus éveillé d’entre eux n’aurait pas quitté son écuelle de soupe pour recouvrer la liberté de la République de Platon. […]
 
J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Celui qui penserait que les hallebardes, les gardes et le guet garantissent les tyrans, se tromperait fort. Ils s’en servent, je crois, par forme et pour épouvantail, plus qu’ils ne s’y fient. Les archers barrent l’entrée des palais aux malhabiles qui n’ont aucun moyen de nuire, non aux audacieux bien armés. On voit aisément que, parmi les empereurs romains, moins nombreux sont ceux qui échappèrent au danger grâce au secours de leurs archers qu’il n’y en eut de tués par ces archers mêmes. Ce ne sont pas les bandes de gens à cheval, les compagnies de fantassins, ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran, mais toujours (on aura peine à le croire d’abord, quoique ce soit l’exacte vérité) quatre ou cinq hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays. Il en a toujours été ainsi : cinq ou six ont eu l’oreille du tyran et s’en sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ils ont été appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés et les bénéficiaires de ses rapines. […] Ces six en ont sous eux six cents, qu’ils corrompent autant qu’ils ont corrompu le tyran. Ces six cents en tiennent sous leur dépendance six mille, qu’ils élèvent en dignité. Ils leur font donner le gouvernement des provinces ou le maniement des deniers afin de les tenir par leur avidité ou par leur cruauté, afin qu’ils les exercent à point nommé et fassent d’ailleurs tant de mal qu’ils ne puissent se maintenir que sous leur ombre, qu’ils ne puissent s’exempter des lois et des peines que grâce à leur protection. Grande est la série de ceux qui les suivent. Et qui voudra en dévider le fil verra que, non pas six mille, mais cent mille et des millions tiennent au tyran par cette chaîne ininterrompue qui les soude et les attache à lui[…].
 
C’est ainsi que le tyran asservit les sujets les uns par les autres. Il est gardé par ceux dont il devrait se garder, s’ils valaient quelque chose. […]Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu’apitoyé de leur sottise. Car à vrai dire, s’approcher du tyran, est-ce autre chose que s’éloigner de sa liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux mains sa servitude ? […] Il ne faut pas seulement qu’ils fassent ce qu’il ordonne, mais aussi qu’ils pensent ce qu’il veut et souvent même, pour le satisfaire, qu’ils préviennent ses propres désirs. Ce n’est pas le tout de lui obéir, il faut encore lui complaire ; […] Ces favoris devraient moins se souvenir de ceux qui ont gagné beaucoup auprès des tyrans que de ceux qui, s’étant gorgés quelque temps, y ont perdu peu après les biens et la vie. Ils devraient moins songer au grand nombre de ceux qui y ont acquis des richesses qu’au petit nombre de ceux qui les ont conservées. […]
 
Voilà pourquoi la plupart des anciens tyrans ont presque tous été tués par leurs favoris : connaissant la nature de la tyrannie, ceux-ci n’étaient guère rassurés sur la volonté du tyran et se défiaient de sa puissance. […] Certainement le tyran n’aime jamais, et n’est jamais aimé. L’amitié est un nom sacré, une chose sainte. Elle n’existe qu’entre gens de bien. Elle naît d’une mutuelle estime et s’entretient moins par les bienfaits que par l’honnêteté. […] Il ne peut y avoir d’amitié là où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l’injustice. Entre méchants, lorsqu’ils s’assemblent, c’est un complot et non une société. Ils ne s’aiment pas mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. […] Voilà pourquoi il y a bien, comme on le dit, une espèce de bonne foi parmi les voleurs lors du partage du butin, parce qu’alors ils y sont tous pairs et compagnons. S’ils ne s’aiment pas, du moins se craignent-ils. Ils ne veulent pas amoindrir leur force en se désunissant. […] N’est-il pas déplorable que, malgré tant d’exemples éclatants, sachant le danger si présent, personne ne veuille tirer leçon des misères d’autrui et que tant de gens s’approchent encore si volontiers des tyrans ? Qu’il ne s’en trouve pas un pour avoir la prudence et le courage de leur dire, comme le renard de la fable au lion qui faisait le malade : « J’irais volontiers te rendre visite dans ta tanière ; mais je vois assez de traces de bêtes qui y entrent ; quant à celles qui en sortent, je n’en vois aucune. » […]
 
Ce n’est pas le tyran que le peuple accuse du mal qu’il souffre, mais bien ceux qui le gouvernent. Ceux-là, les peuples, les nations, tous à l’envi jusqu’aux paysans, jusqu’aux laboureurs, connaissent leurs noms, décomptent leurs vices ; ils amassent sur eux mille outrages, mille insultes, mille jurons. […] et si l’on fait parfois semblant de leur rendre hommage, dans le même temps on les maudit du fond du coeur et on les tient plus en horreur que des bêtes sauvages. […]
Apprenons donc ; apprenons à bien faire. Levons les yeux vers le ciel pour notre honneur ou pour l’amour de la vertu[…]. »
 
Ce texte est un ouvrage rédigé en 1549 par Étienne de La Boétie à l’âge de 18 ans. Sa première publication date de 1576.
 
Etonnant non ?
 
Je ne sais pas vous, mais moi j’y ai vu pas mal d’images très actuelles : en vrac le règne de notre président (on peut aussi inverser les mots, essayez c’est drôle !), ses ministres sans charisme et aux ordres, ses conseillers qui oeuvrent dans l’ombre, l’EPAD et le fils prodigue (milieu du paragraphe 9), Villepin et sa petite phrase sur « la France qui veut qu’on la prenne » (fin du paragraphe 9), la société de l’ « avoir » et non de l’ « être », le glissement de référentiel pour nous faire renoncer aux « acquis sociaux », le délaissement de l’éducation nationale et des services publics, la société de divertissement débilisante à outrance avec la complicité des médias principaux, la proximité de ces médias avec le pouvoir, la régulation des armes (par opposition à d’autres pays)… J’aime beaucoup l’avant dernier paragraphe et la solidarité des associations de malfaiteurs et de voleurs : très actuel pour le coup non ?
Ce que je trouve intéressant est qu’en attendant d’arriver (un jour ?) à une société adulte, responsable et libre, La Boétie propose plusieurs portes de sortie : individuelle tout d’abord, en restant chacun d’entre nous des esprits libres et critiques, et collective ensuite, à travers l’espoir que suscite le renversement des tyrans par l’intérieur ! Regardez comment les médias depuis 2-3 jours retournent leur veste et font feu à volonté (enfin presque) !
 
 
 

Documents joints à cet article

Servitude au pouvoir : je dis non !

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14 réactions à cet article    


  • liberta 9 juillet 2010 11:19


    deux extraits du « discours de la Servitude Volontaire » :

    « SOYEZ DONC RESOLUS A NE PLUS SERVIR ET VOUS SEREZ LIBRES »

    LES TYRANS NE SONT GRANDS QUE PARCE QUE NOUS SOMMES A GENOUX« 

    Ces extraits ont été écrits vers les années 1550

    Que doit on en penser ? que le peuple n’a rien compris ? Non les populations savent qu’elles sont asservies mais différents systèmes d’asservissement suivant les siècles ont été imposés au peuple

    Il y eut les monarchies, l’Eglise qui a maintenu les populations dans l’ignorance, la connaissance étant le début de rebellion intellectuelle, et la Révolution en 1789, paradoxalement aidée par la franc maçonnerie qui avait un compte à règler avec l’Eglise

    Comment plus de deux sècles plus tard on en arrive à laisser vivre des élus comme des courtisans de cour royale

    C’est quand même bien de notre faute

    Nous sentons bien que nous sommes à un tournant de notre Société et c’est à nous par une Révolution Citoyenne de reprendre en main notre avenir et celui de nos enfants

    Nous aurons des comptes à leur rendre mais l’affaire est devenue difficile car nous avons en face de nous une Pieuvre qui s’appelle de NOM et qui , derrière ce nom se cachent les groupes financiers qui dirigent le monde

    Pendant vos vacances, je vous recommande de relire »LE DISCOURS DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE " de La Boétie

    Il vous en restera à l’esprit le goût de reprendre en main votre avenir















    • foufouille foufouille 9 juillet 2010 11:49

      « C’est quand même bien de notre faute »
      pas du tout
      la societe est concu pour formater les citoyens
      des l’ecole maternelle
      et meme des la naissance par reproduction sociale


    • Xtf17 xtf17 9 juillet 2010 17:29

      @Foufouille : Votre réaction est hélas un magnifique exemple de ce que ce texte essaye d’éclairer : paragraphe 10 :

      "Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état de leur naissance. […] On ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais-eu."

      Bien sûr que si c’est de notre faute si nous acceptons ce de quoi nous héritons sans la questionner !


    • foufouille foufouille 10 juillet 2010 10:55

      @ auteur
      le cochon se rend il compte qu’il va a l’abatoir ?


    • Xtf17 xtf17 10 juillet 2010 11:23

      Votre réflexion est intéressante : dans votre exemple une finalité définie par un être potent (l’homme) préexiste (mener le cochon à l’abattoir), dont le cochon n’a en effet pas conscience, et il se laisse guider. Mais la limite de cette proposition tient à deux choses :
      - le cochon n’a pas les capacités cognitives d’un homme pour anticiper le piège (bien qu’il puisse le sentir tout de même puis y résister). Métaphore signifiant que tous les hommes ne sont pas alertes de la même façon face à un danger inconscient. La TV ça aide à endormir, certains l’ont bien compris...
      - mais surtout une manipulation d’un être (mener à l’abattoir) n’est pas un héritage, contrairement à l’état de la société dans laquelle nous naissons et avec laquelle il faut bien faire.

      Ce que je veux dire c’est qu’un héritage peut se refuser, et qu’un avenir doit construire.
      Quant aux manipulations, à nous de rester alertes pour les éviter autant que faire se peut.


    • jako jako 9 juillet 2010 11:25

      Très bien présenté votre article, au dela il y a de plus en plus de citations d’auteurs anciens précédents la Révolution ( celui-ci 130 and avant) qui collent parfaitement à l’actualité, et aussi ceux précédent la commune dont en particulier Victor Hugo qui n’a pas écrit que les Misérables. (Commune activement vécue par le peintre Gustave Courbet)
      Merci de ce bel article


      • clostra 9 juillet 2010 12:51

        On peut également y ajouter des connaissances scientifiques, biologie, neurophysiologie, - NB j’ai toujours beaucoup de mal à lire sur le sujet du pouvoir sous sa forme littéraire sans me référer à ces connaissances et reformuler ces textes - car enfin, nos « dirigeants » et notamment la publicité s’y réfèrent et l’utilisent en toute connaissance de cause.

        Nous ne sommes faits que de conditionnements - compatibles avec le maintien de la vie si possible - dont certains doivent disparaître pour passer à l’étape suivante. Or ils ne disparaissent jamais complètement (en observant ce qui se passe au niveau des neurones), ils sont simplement recouverts par un déconditionnement, lui-même étant un conditionnement...

        Il y a des dominants et des dominés, comme dans toute société « organisée » et le maintien de la dominance opère selon différentes modalités. Et ceci se traduit par des différences hormonales et bien sûr de comportement.

        Et puis il y a la conscience, les prises de conscience... Par exemple, sur une route on parle d’« un gendarme couché » (dos d’âne volontaire destiné à ralentir « malgré soi »). Et des méthodes qui si on les analyse nous font faire des « circonvolutions » supplémentaires : les radars par exemple, il va - pour certains qui le méritent ou pour d’autres qui auraient tous les droits pour le contester (2 fois 2 points pour une vitesse 10% au dessus de 50km côté où il n’y a aucune maisons ça fait plus cher le point pour surveiller son compteur au lieu de faire attention aux très hypothétiques piétons) - tiroir caisse —>caisse enregistreuse (circonvolution) —>attention au compteur (la prochaine fois f’rez attention !) : un petit coup de laser dans le bras serait plus direct d’un point de vue neurophysiologique...

        Et apprendre à réfléchir


        • Xtf17 xtf17 9 juillet 2010 17:32

          J’aurais adoré ajouter ce genre d’analyse, mais il me fallait faire un choix.
          J’ai préféré rester sur le texte brut.
          Je suis donc particulièrement content de voir votre commentaire qui mériterait un ample développement voire un article complet.


        • pastori 9 juillet 2010 13:43

          il va falloir que je trouve un vaccin contre le virus de l’adoration de ses propres bourreaux.
          Ça peut faire des ravages chez ceux qui en souffrent et ils sont nombreux, bien qu’en forte baisse ! 33% parait-il .

          en tout cas j’ai mobilisé en urgence tout mon personnel pour trouver un vaccin pour sauver des centaines de députés et sénateurs UMP qui vont tous obligatoirement perdre leur emploi.
          comme ils sont incapables de ,faire un autre métier, c’est un drame.

          je pense avoir trouvé l’antidote, sous la forme d’une d’ une révolte de ces ex-godillots qui finirons par comprendre que continuer à soutenir et cacher la tumeur, c’est garantir leur propre suicide.

          en montagne, suivre aveuglement un guide qui les mène directement à l’abime tout en le cachant, et y aller quand même, cela prouve un grave dysfonctionnement des neurones.

          mais comme ils n’ont jamais lu La Boétie, ils pêchent par grande ignorance.


          • clostra 9 juillet 2010 16:31

            « Le pouvoir donnera des vertiges tant qu’il ne sera pas partagé par tous » disait Louise Michel, cette communarde exemplaire qui tout comme d’autres illustres emprisonnés enseignait la lecture, l’écriture à ses co détenus.

            Mieux encore, relisant les temps forts de la Commune, on y découvre, 100 ans avant, le programme du Conseil National de la Résistance, preuve que le peuple sait faire bien des choses par soi-même, réfléchir, appliquer, proposer, tel le génie de la Bastille.

            On l’a dit, il faut sans doute le redire : si la France résiste mieux à la crise, c’est parce qu’elle n’a pas pris le même chemin que l’Angleterre par exemple ou les USA, alors même que c’est cet avenir incertain que nous promettait un certain président. Alors, qu’un de son camp déplore le « renfermement de la France sur elle-même », allons lui dire qu’elle serre les rangs autour de son génie !


            • Albar Albar 9 juillet 2010 22:14

              C’est bien l’acoquinement et l’accointance avec l’argent, en dehors des hauts principes de grandeur de l’Homme qui sont la cause de la déchéance des actuels responsables politiques ; la cupidité étant mère de toutes les folies de grandeur, dont le sieur Sarkozy en est le meilleur exemple, bien évidement a ne pas suivre. 

              La résistance serait le seul moyen de le desservir dans son zèle autocratique.


              • chlegoff 10 juillet 2010 00:58

                Concernant ce genre de sujet aussi vaste j’aime toujours rappeler cette citation de Freud : La civilisation est quelque chose d’imposée à une majorité récalcitrante par une minorité qui a compris comment s’approprier le pouvoir par les moyens de puissance et de coercition.

                Vous écrivez « La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être », difficile de définir le sens du mot « libre ». Par contre pour combattre la tyrannie, quels crimes les esclaves affranchis sont-ils prêt à commettre ? en ce qui concerne l’oligarchie les deux précédentes guerres mondiales prouvent que pour cette classe sociale, seule la fin justifie les moyens. Lucie Aubrac avait l’habitude d’affirmer que résister c’est informer. Nous n’en sommes qu’aux balbutiement de cette résistance. L’étape suivante sera de définir un contrat social équilibré. Inspiré par celui du Conseil National de la Résistance ? Enfin si la confrontation tourne à l’avantage des esclaves affranchis le peuple d’en bas découvrira le libre choix ou le libre arbitre. Alors les esclaves deviendront, petit à petit, des citoyens.

                Ce qui est extraordinaire dans ce texte de La Boetie, qui n’avait que 18 ans quand il l’avait écrit, c’est que ses contemporains étaient incapables d’imaginer que leurs maîtres puissent être des petits humains comme eux. Votre conclusion nous rappel que l’histoire se répète toujours. Cela ne serait-il pas dû à la nature humaine, justement ?


                • fhefhe fhefhe 10 juillet 2010 05:47

                  Nous somme peu à penser trop , et trop à penser peu . (Françoise Sagan)

                  2 Religions « exploitent » la majorité des Humains :
                  — La religion Cathodique ,
                  — La Religion Monnaietéiste .

                  La première permet de contrôler les masses tandis que la seconde les asservit .

                  Pour recouvrer un peu de liberté d’esprit , il suffit de ne pas se prosterner devant son poste de télèvision .
                  Quant à sa Propre Liberté , il suffit de ne pas acheter Futile afin d’économiser ses frustations .


                  • foufouille foufouille 10 juillet 2010 10:58

                    la plupart des gens croit qu’ils sont egaux et capable de tout
                    comme leurs connaissances sont limites, ils limitent le monde a ce qu’ils connaissent
                    pour comprendre qu"ils sont des moutons, ils devraient d’abord comprendre que certains se sentent superieurs aux autres

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