• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Voyage au bout de l’envers

Voyage au bout de l’envers

Jusqu’aux antipodes !

Voilà, j’y suis ! Je vais changer d’hémisphère, passer un cap symbolique, changer de continent et, pour ce faire,-pas moyen d’y échapper-il m’a fallu accepter, bon gré mal gré, de prendre l’avion. Autant dire que ce n’est pas de gaieté de cœur que je renie mes principes pour avaler des kilomètres par milliers et participer à mon tour à la grande gabegie des transhumances aériennes.

Je maudis l’avion pour l’empreinte qu’il laisse sur notre planète, les bouleversements qu’il engendre tout autant que les désagréments et l’asservissement qu’il impose aux passagers, prisonniers de son inexorable logique. Autant dire que les heures qui s’annoncent seront douloureuses, Je suis sans aucun doute un anachronique notoire, un décalé dans cette société du mouvement et de la vitesse. Je dois porter ma peine les ailes en croix !

Je redoutais mon arrivée à l’aéroport Charles De Gaulle en plein délire sécuritaire. J’en fus pour mes frais. Pas l’ombre d’un képi à l’entrée, pas le plus petit contrôle d’identité. On entre ici comme dans un moulin et dans le contexte actuel, j’avoue même m’en être alarmé. La seule incidence fut le délai absurde et interminable qu’on nous impose pour embarquer à l’autre bout du monde.

« Quatre heures, venez quatre heures avant le décollage sinon votre billet sera vendu une seconde fois et vous resterez le bec dans l’eau ! » Obéissant et quelque peu naïf, je suivis cette recommandation pour découvrir que le transport aérien a aussi ses lenteurs particulières qui peuvent s’assimiler au bouchon routier. Me voilà englué derrière des boutiques honteuses, des zones dédouanées et des tarifs prohibitifs.

Le passage de la douane fut une formalité. L’état d’urgence ne semble pas affermir la vigilance. Aucune fouille, aucun militaire en arme. Le débonnaire est à l’ordre du jour ; un ordre si peu martial que j’en oublie de m’angoisser. Les douze heures d’avion me suffisent largement pour broyer du noir, avoir les jambes en feu malgré une piqûre et chercher vainement le sommeil dans un inconfort spartiate.

Faire la queue, attendre, faire la queue, poiroter, refaire la queue, attendre, toujours attendre. La célérité du moyen de locomotion contraste singulièrement avec tous ses préliminaires. Il y a là un paradoxe qui m’interroge tout en n’affectant guère les passagers prioritaires : les classes affaires qui ont mieux à faire que piétiner et patienter comme les autres. Cette société est décidément à deux vitesses, même quand on voyage dans le même véhicule. Ce doit être une exception de la théorie de la relativité qui a échappé au brave Albert …

Le décollage effectué, il faut bien occuper tout ce monde. L’heure est aux écrans. L’appareil s’offre le luxe de filmer son déplacement sur la piste et une partie de son envol majestueux. Puis, chacun adopte son programme individuel. Le choix est multiple, la diversité sans doute moindre. Le navet est à l’ordre du jour plus sûrement que le chef d’œuvre cinématographique. C’est une excellente façon de nous préparer au repas, qui, d’insipide à quelconque, ne laissera pas de grand souvenir non plus.

L’avion poursuit son inexorable plongée vers le Sud. Les heures s’étirent, les écrans s’éteignent un à un. Les habitués du voyage au long cours dorment. Je vais devoir veiller, moi qui ne cède jamais au sommeil dans un véhicule. Le récit présent va me divertir quelques minutes, je vous en remercie. Il me faudrait en profiter pour corriger le roman sur lequel je travaille en doublette avec une collègue d’écriture. Le bruit permanent des réacteurs tous proches, malgré les bouchons d’oreille, m’en empêche.

La nuit s’annonce, aussi longue que le fut l’attente. Décidément, voyager est un art qui n’est pas donné à tout le monde. Je suis exclu de ce plaisir, je n’ai ni le détachement ni l’insouciance nécessaires pour aborder cette épreuve en toute sérénité. Je vais tuer le temps, tourner en rond, attaché à mon siège, prisonnier de cette carlingue qui relève davantage de la boîte à sardines que du véhicule spacieux.

Encore de longues heures devant moi. Je vais maudire ce trajet. Ma première journée sera gâchée par ce sommeil qui me fuit. Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. J’écris en altitude, j’écris d’au-dessus un continent sur lequel je n’ai jamais mis les pieds. Je vole et mes mots glissent sur mon clavier. Je suis porté par la force inexorable de ce monstre mécanique ; les feulements de ses moteurs cadencent mon écriture. J’écris et j’abolis le temps et la distance. J’écris un billet qui, immanquablement, finira par des points de suspension pour aider mon avion à se maintenir en l'air...

Aériennement vôtre.

Roissy2.jpg


Moyenne des avis sur cet article :  3.5/5   (6 votes)




Réagissez à l'article

12 réactions à cet article    


  • juluch juluch 25 août 2016 11:26

    Pas de contrôles aux entrées ??? Bizarre quant meme....  smiley


    Si je m’abuse vous etes actuellement en vol....bon voyage et rapportez nous des souvenirs par l’écriture !!
     smiley

    • C'est Nabum C’est Nabum 25 août 2016 19:48

      @juluch

      Je vais bientôt rentrer


    • marmor 25 août 2016 16:21

      Quand on a peur de l’avion, on reste à la maison....


      • C'est Nabum C’est Nabum 25 août 2016 19:49

        @marmor

        Je vais retenir la leçon


      • chantecler chantecler 26 août 2016 07:02

        @C’est Nabum
        Salut ,
        Bien , ton reportage !
        Je suis pareil que toi : n’étant pas de la génération avions ,( quand j’étais môme , nous sortions scruter le ciel quand nous en entendions passer un ) donc manque d’habitude , j’ai les chocottes en avion , surtout à l’atterrissage ...
        Pour la sécurité cela ne m’étonne pas ! ( j’espère tout de même que les soutes sont vérifiées car une bombe est plus économique qu’un attentat suicide , encore que souvent leurs auteurs tentent de fuir , ce qui prouve qu’ils ne sont pas tous kamikazes ).
        Je pense par ailleurs que les terroristes « fondamentalistes » ou autres d’ailleurs , ne sont que quelques dizaines dans notre pays , sans doute moins , et choisissent toujours des actions susceptibles d’être très spectaculaires et très médiatisées .
        Et ça marche !
        Ensuite radios TV , etc, ne lâchent pas le morceau de l’émotion , pas plus que le moindre désastre sur terre (tremblement de terre ) , quand les tunnels sportifs sont évacués ( R. Garros, tour de France , J.O , etc , etc ...) ou encore certaine fêtes nationales ou locales ...
        A se demander si nos vaillants commentateurs ne sont pas payés pour justement nous parler de tout sauf de ce qui est important sur lequel nous pourrions agir ....
        Mais faut pas risquer non plus d’obturer le « temps de cerveau disponible » , « l’esprit coca cola » recherché par les publicitaires ...
        $$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$
        Plus rien n’est gratuit , j’ajouterais que le gratuit est traqué- probablement jugé gaspillage- , et de plus il ne faut surtout ne pas susciter d’intérêt ni de curiosité citoyenne ou intellectuelle .
        Juste caresser , réveiller , les instincts : émotions, peur , colère dirigée ...
        Et nous habituer aux mensonges .
        Certains prosélytes sont vraiment à leur aise dans ce contexte : « plus c’est gros plus ça devrait passer » .
        Le seul problème est d’anesthésier toute Kulture, toute mémoire .
        C’est pour ça d’ailleurs que l’école est l’une de leurs cibles favorites .
        Mieux vaut le « ça » familial , puis celui du parti militant .
        Il m’arrive de la critiquer cette école évidemment , mais pas fondamentalement : je pense toujours qu’ elle est un des rares facteurs d’émancipation , de lutte contre l’ignorance , et je suis donc en rage contre ceux qui la paralysent , la confisquent et enlèvent aux enseignants leurs idéaux , leurs espoirs et les moyens de transmettre des connaissances, souvent par mégalomanie , par démagogie mais pas seulement .
        Et bien , à part ça nous avons avec la canicule , un avant goût de l’enfer ...
        Le feu du soleil ....
        Par contre les nuits sont plus fraîches , belles , très étoilées , avec le voile lacté très apparent .
        Il est plus facile de se protéger du froid que des rayonnements et des températures solaires qui dépassent 37 °.


      • C'est Nabum C’est Nabum 26 août 2016 11:05

        @chantecler

        Faisons le choix de la culture contre l’ignorance
        Du savoir contre l’intolérance
        De la Laïcité contre les religions


      • ENZOLIGARK 26 août 2016 05:22

        * * * .Beautiful Day * * * [ Music / VIDEO - en VO - by U2 ] . ... ( ... vous risquez de croiser bon nombre de passagers exiles fiscal a bord ... peut - etre meme Bono  ! ) . ... АФФ ИСС ... 


        • C'est Nabum C’est Nabum 26 août 2016 05:59

          @ENZOLIGARK

          Je suis favorable à la confiscation des biens des exilés et fraudeurs fiscaux
          Je vous établirai une liste afin de commencer à sévir


        • ENZOLIGARK 26 août 2016 06:14

          @C’est Nabum ... , Aloha * ; ... [ perso , j ’ai qu ’ une tente defraichie offerte par un habitant de l ’ ile de Beaute  ! ] . ... Mais entierement d ’ accord avec vous ... ; d ’ ailleurs en Corse * , la superbe villa de Cahuzac a Pianottoli dans le sud - ouest n ’ a pas saute  !!! . ... АФФ ИСС ...


        • C'est Nabum C’est Nabum 26 août 2016 11:03

          @ENZOLIGARK

          Je veux bien allumer la mèche


        • fred.foyn 26 août 2016 08:16

          12 heures c’est long...comme pour moi pour venir de S.F..CA, mais avec des contrôles drastiques au départ comme à l’arrivée à Nice (changement à Londres).

          Bonne route
          A plus avec de nouvelles aventures...

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité