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Joli goulot

En cette période troublée un salutaire moment de dérision !

 

L’irrésistible envie de vous conter le récit de la passion entre l’être et l’objet s’est emparée de mon clavier. Ne pouffez pas, elle n’a rien d’une galéjade. Cependant, n’en faites pas tout un fromage, on vous rirait au nez.

 

 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme

Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?

 

Loin de moi l’idée de railler ces fameux vers de Lamartine, mais il me sied de vous dévoiler un pan de mon histoire.

Je n’ai pas toujours été l’homme fringuant que tant de gueux envient. C’est bien au-delà de la raison que mon âme s’attacha à cet objet en verre que par affection, j’avais nommé « Pochtrone ». Au long d’une décennie, notre fusion fut passionnelle, chaque jour Pochtrone se lovait dans ma poche agrandie. Pas la moindre incartade ni l’approche d’une tromperie. Tout juste quelques petites querelles lorsque par mégarde le contenant dispersait un peu de son contenu.

J’ai la fierté d’affirmer ne jamais lui avoir manqué de respect, l’avoir protégée des envieux, des scélérats et autres graveleux. Elle fut ma compagne, ma maîtresse, mon bâton de berger et mon rayon de soleil. Si son culottage masquait son breuvage, c’était pour mieux préserver ses précieux arômes. Comme un bon GPS, ma boussole interne d’alors me pilotait vers le vin lorsqu’il était bien rouge, presque saignant. Mais je rassure, pas une seule fois, je n’ai posé le goulot entre mes lèvres. Toujours un verre ou peut-être un gobelet pour déguster le nectar que jalousait Pochtrone.

Cependant, je garde dans un repli de ma mémoire, le douloureux souvenir de cette mésaventure qui me glaça le sang.

C’était un beau soir d’été ; lune indiscrète sur soleil déclinant. Je venais de saucissonner avec mon amie Juliette. Dans son caddie, elle avait amené deux crus vendangés dans un hôtel sélect, m’avait-elle affirmé. Échauffé par les vapeurs qui s’échappaient de ma timbale, j’avais entrepris de réveiller la libido de ma compagne de ce jour. Pendant qu’avec ardeur, mes mains farfouillaient dans les replis de ses haillons, j’allais assister à un sacrilège si odieux, si indigne, si pervers que j’ai bien cru en perdre la vue et la raison.

L’infâme bougresse, la traîtresse, dans un va-et-vient indécent se fendait d’une bruyante fellation sur le goulot de Pochtrone. Dès qu’elle eut ingurgité la totalité du nectar, elle libéra un tel rot qu’il résonne encore dans mes oreilles abasourdies.

Dépassé par la fureur, je saisis l’objet inanimé (sans doute asphyxié par les relents de la gueuse), je le fracassai sur le crâne de ma compagne, en écrasant au passage une colonie de petites bêtes suceuses de liquide coloré. Au contact du cuir chevelu de la mégère, Pochtrone explosa au milieu d’un geyser sanguinolent.

On réveilla la scélérate avant qu’un jeune toubib lui tricote une maille à l’endroit, une maille à l’envers sur son caillou rasé et désinfecté. Votre serviteur déposa délicatement les restes de la bouteille dans une urne remplie d’un picrate à empoisonner le plus robuste des estomacs. Je rédigeai, puis déclamai sa nécrologie dans une ambiance émouvante devant un public inexistant, donc médusé.

Comme le dit si bien l’expression populaire, cette mésaventure fut un mal pour un bien. En effet, depuis cette date, je n’ai pas bu une seule goutte de pinard incarnat et c’est tant mieux ! Fini les fringues couvertes d’auréoles indéfinissables. Terminé les odeurs vinaigrées précédant les trous dans les chaussures fatiguées.

À présent, je sirote du schnaps. J’apprécie la gentiane, quelques fois le sureau, mais je préfère l’alisier et surtout le gratte-cul. La mirabelle ne m’est pas indifférente et la poire se déguste sans retenue. La framboise recèle une saveur que la cerise ne peut pas égaler. Laissez-vous tenter, goûtez, il en restera toujours quelque chose.

 

Maintenant, je refuse l’exclusivité d’une boisson, quel qu’en soit le contenant. Je souhaite ici longue vie à ceux qui savent s’attendrir devant ces élixirs sans s’attarder sur l’emballage.

Dd

 


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1 réactions à cet article    


  • Sergio Sergio 12 décembre 2018 10:43

    L’a bu nuit, c’est bien connu  !

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