Qui va à la chasse manque de classe

Quand les enfants sortent de leur coquille.

Notre espèce semble s'en retourner progressivement vers son état initial d'ovipare. L'œuf est au cœur de ses préoccupations tout en prenant grande place dans les expressions. Je devine qu'à la lecture de ce préambule, certains vont m'envoyer me faire cuire un œuf, ce que je ferai volontiers du reste pour leur épargner la lecture de mes mots laids.

Mais revenons à nos poules et nos lapins qui jonchent les parcs, les jardins et les jardins publics. La première remarque qui s'impose est l'effet désastreux de la présence du lapin parmi tous ces œufs, lui qui demeure encore en l'état des transformations génétiques de l'époque un mammifère. L'idiome : « Chercher des poils aux œufs » se voit ainsi renversée à cause du lapin en chocolat. La confusion des esprits étant la ligne de conduite, il n'y a pas de quoi en pondre un œuf, ceci contribue tout naturellement à la grande acculturation du moment.

Pire encore, les enfants vont marcher sur les œufs avant que de les découvrir, non pas dans des nids de poule, ce qui serait la moindre des choses, mais sur des pelouses tout juste tondues, laissant juste apparaître un crâne d'œuf. Inutile de couper les cheveux en quatre, il est question ici de les mener en bateau sur des œufs coque…

Mettez-vous à la place de nos chérubins quand on leur conseille de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils s'empressent alors de les glisser dans le même gosier, le leur, au détriment de celui du voisin, moins heureux dans sa quête. Tout finit par un combat de coq et l'un des protagonistes aura un œil poché. Il y a de quoi en perdre son latin.

S'il convient de tuer notre langue dans l'œuf, la chasse éponyme s'y prend à merveille puisqu'il convient de tuer la poule enveloppée dans du papier doré pour se goinfrer des fruits de ses entrailles tandis que dans le même temps il est permis de poser un lapin qui restera chocolat. L'industrie chocolatière fait ses choux gras de telles pratiques qui voient fondre comme neige au soleil, les revenus des parents qui s'en mordent les doigts.

Il conviendrait alors de donner sa langue au chat, ce qui ne serait alors pas du gâteau alors que justement, la journée repoussera aux calendes grecques les fameux conseils diététiques. J'ai sans doute tort de mettre ici les pieds dans le plat à propos d'une tradition qui fait les choux gras des métiers de bouche. On ne fait jamais d'omelette sans casser les œufs ni même sans les brouiller dès qu'il s'agit de les battre.

Partir à la chasse aux œufs serait donc une activité éminemment éducative, une sorte d'expédition aventureuse à la conquête de l'œuf de Christophe Colomb, surtout dans les jardins publics jonchés de déjections canines - pour peu que l'on s'autorise une petite coquille -. L'enfant ainsi attentif aux mots, enrichira son lexique de belles expressions qui viendront se loger dans son crâne d'œuf.

Puis, il sera alors temps de retourner à la maison, le ventre gonflé et l'esprit bouillonnant de belles sensations. Il y aura grand vacarme dans la voiture au point que le conducteur, excédé, viendra froisser son aile contre un potelet. La journée s'achevant ainsi en apothéose pour des chenapans qu'un adulte ulcéré traitera de trous du c..., métaphore particulièrement en adéquation avec le thème de la journée.

Pour conclure en beauté la journée, le tyran domestique volera dans les plumes de ces gredins sur lesquels il fait porter la responsabilité de sa faute. Pendant ce temps, derrière le véhicule immobilisé, les autres conducteurs lui sonneront des cloches qui elles aussi étaient de la fête. L'autre de s'écrier alors : « Poussez pas, on n'est pas des bœufs » ce qui par un procédé fallacieux permit de pondre honteusement la dernière expression qui ne trouvait pas sa place dans ce récit un peu dur à avaler : « Qui vole un œuf, vole un bœuf ! », expression qui forcément tombe à plat et risque fort de vous faire rire jaune après un léger blanc.