Vous êtes un trouvère
Comment l'écrivez-vous ?
M'exprimant en langue d'Oïl, il semble assez justifié de me prêter ce qualificatif fort dévalorisé dans l'esprit commun par rapport à son homologue du sud : le troubadour. Non seulement le second fleure bon l'amour courtois et les mots qui chantent mais de plus, le premier autorise bien des interprétations qui ne sont pas toujours en sa faveur. Enfin, que ce soit l'un ou l'autre, ils s'accompagnent d'un instrument de musique pour déclamer des vers qui évoquent l'amour courtois, toutes choses au demeurant qui me sont impossibles !
Mais revenons à ce trouvère dont mon orthographe incertaine m’incite à comprendre de travers. Il peut se décliner en différentes manières bien plus prosaïques que poétiques, c'est là le hic à commencer par la première qui me vient tout naturellement à la bouche : « Trou verre ». Faut-il boire comme un trou pour mériter pareille humiliation ?
Puis à force de chercher la petite bête il est toujours permis de la dénicher tandis que la versification demeure incertaine. Mes vers de mirliton écrits sur un lutrin de cuisine ne poussent pas à la mansuétude. Pourtant je fais tout mon possible de dictionnaire de rimes en bêtise naturelle pour mériter de n'être qu'un « Trouve vers ! ».
Ceci étant, il convient de ne pas garder ce misérable résultat pour ça. Il me faut alors battre la campagne à la recherche d'oreilles bienveillantes, patientes et peu au fait de la chose poétique. Ne parvenant pas à séduire un public captif dans une salle de spectacle, je sillonne le pays et ses fêtes batelières ou fluviales pour prendre dans mes filets quelques pauvres auditeurs de trop brefs instants me faisant ainsi « Trouve hères ! ».
L'insuccès allant, il me faut étendre toujours plus l'espace de mes évolutions infructueuses allant ainsi de régions en régions pourvu qu'il y ait un cours d'eau qui jadis fut navigué. Dans cette fuite en avant vers un improbable auditoire, il me faut me jeter à l'eau pour ratisser toujours plus loin à la recherche des ultimes personnes en capacité de m'écouter. Je deviens ainsi un « Trouve aire » géographique, une sorte de géomètre de la fable.
Considérant soudain que seule la chanson peut assurer une quelconque chance de succès à mes productions hasardeuses, il me faut trouver un musicien capable de ne pas être trop regardant ni trop écoutant pour mettre des mélodies sur ces textes qui sonnent creux. Si la rencontre se fait me voilà soudain cataloguer comme « Trouve Airs ! » ce qui n'enchante guère un être incapable de bien chanter.
Me réfugiant parmi mes frères et sœurs les animaux je me consacre alors à la rédaction d'un bestiaire, fortement inspiré au début par des photographies d’écureuils roux de mon ami le photographe des Lumières de Loire. Croquant la pomme y compris dans les soirées noisette, me voilà soudain affublé d'un nouveau titre qui me va non comme un gant mais comme une chausse : « Trouve vair ! » au petit du petit Mistigri.
Puis à bien y réfléchir, une seule acception finit par recevoir mon adhésion. Comme les poèmes se refusent à une mémoire qui ne retient que les contes, que le trou de mémoire est la seule certitude quand je me lance dans cet exercice, je suis contraint de lire cette production bancale en utilisant toujours la même pirouette désolante : « Les vers je les bois mais ne les retiens jamais ! » ce qui a immédiatement pour effet de me voir gratifié d'un « Trou vers ! » qui revient en boucle avec le premier de la liste car comme chacun sait des verres ou des vers, il ne faut pas choisir l'un plutôt que l'autre mais prendre les deux, sinon rien.
Au terme de ce pensum, une seule certitude saute alors à la gorge de celui qui n'a pas bu mes paroles, cet individu est un bouffon certes mais en aucune façon un trouvère, troubadour ou bien poète. Il me faut alors boire le calice jusqu'à la lie.
Aubours et détours au fil de Loire !
An'hui j'vons vous narrer les aubours et les belles heures d'un baladin de nos chemins de Loire. Parti d'hez lui, où il était pourtant si bénaise, il a pris sa besace sur le dos : un hoteziau aferé, pour s'en aller remonter le fleuve jusqu'à sa Source lointaine. Y'a ben queques bourgeoisiaux pour le traiter de berlaudin, mais n'en avait cure, il voulait conter fleurette à la belle dame brune, fille Liger et sauvage qu'il entendait ben biger dans son lit.
Chaque jour sans bourdir, il avala les milles à rebrousser la levée et les berges, à clabauder les gens du voisinage pour trouver toit pour la nuit et belle histoire à coucher sur le papier. Il se fit colleux des récits d'antan comme des vies des gens d'maintenant. Sans décesser une minute, il a égréné les mots qu'il a péché de ci de là le long de l'eau qui s'étiolait en cet été si sec.
Il s'est embisstrouillé sur des senquiers mal fléchés, cassé l'nez sur des barrières de paysans mangeux de berges, mis en danger sur le frayé des autos. Pourtant, il a pris l'temps de jaspoter avec les gens du voisinage, d'écouter les plaintes des peineux, les amuseries d'la pratique des auberges. Trimardeux sur les traverses, y'en a ben qui lui firent la lippe quand d'autres, mieux embouchés, lui faisaient offrande de queques sourires ou parfois d'une lichet d'vin.
Sur l'papier d'un carnet, il a gribouillé ce qu'on voulait ben lui céder, marinier à pied, il a jeté l'encre noir sur de papier blanc. Des histoires vraies ou ben fort arrangées, des confesses grimacières ou des agaceries de bavards. Il en oubliait parfois sa Loire mais n'avait de cesse que de s'en retourner vers elle et d'écouter ses plaintes et ses récits. De tout ça, il a engagé pour les veillées, toutes sortes de balivernes et autres sornettes qui peuvent tomber dans vos orailles si vous l'prenez l'temps de vous poser icit.
Laissez les ouésiaux qui' s'berdillent le long des stands à gogos des rouyiers de nos louées, c'est la bourse à tertous qui se démange. Au lieu de vous trépigner sur l'devant de l'estrade, posez donc vos culs et écoutez ses histoires. Enfeingnantez vous pour un petiot moment, vous les villotiers en virés et rabedez l'époque où l'on vous narrait des histoires.
Not' fille Liger, la Loire, n'est que prétexte à r'devir les pequits aux yeux émerveillés qui écoutaient le diseur au coin du feu un beau soèr de veillées. Laissez les mots suivrent le courant, acceptez que la grand voile se gonfle d'émotions et que le vent de galerne vous soublaille de sapré belles menteries !
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