Splendeur et décadence du sport-auto en France
Rien n’y a fait. Deux titres de champions du Monde dans des sports de très haut niveau, tant par leurs exigences techniques qu’humaines : l’un pour le génial Sébastien LOEB, étourdissant de talent et exemplaire de simplicité et de discrétion, l’autre pour un grand constructeur français, Renault, à la pointe de la pointe de la compétition, avec les plus grands constructeurs mondiaux dans la discipline la plus pointue, la Formule 1. Et n’oublions pas Michelin, dont l’efficacité est si redoutable qu’aucune équipe ne pourrait gagner sans ses pneumatiques, quelle que soit la série. Ni Sébastien Bourdais, exilé aux USA, qui, pour la deuxième année, triomphe en Champ Cars. Ce n’était pas suffisant pour que ces grands sportifs et leurs équipes fassent l’objet d’une reconnaissance nationale si possible au plus haut niveau de l’Etat. Il est en effet très mal venu aujourd’hui en France de s’ intéresser à l’automobile, ou pire, d’en promouvoir les aspects ludiques ou sportifs.
L’automobile a été rangée depuis quelques années dans ce pays au rayon du politiquement incorrect. Pollution, bruit, vitesse, accidents sont les mots qui s’y associent le mieux, alors qu’autrefois on retenait plutôt liberté, voyages, vacances, cheveux au vent, plaisir, course, passion et rêve. Cette minorité de tueurs de rêves, qui a réussi à imposer ses diktats à nos dirigeants, nous a obligés à reléguer nos envies d’ automobiles au rayon des mauvaises pensées. Un petit garçon qui rêverait aujourd’hui d’avoir un jour une Ferrari, une Porsche ou une Aston-Martin, ferait sans nul doute l’objet d’un traitement psychologique approprié et d’un suivi personnalisé, c’est sûr. Quant aux grands garçons qui en possèdent une et qui, pour la plupart, n’osent même plus le dire en public, ils en sont réduits à rouler la nuit en sauts de puce entre deux radars, ou à sortir en meute. D’où le regain des clubs de marque. On se demande d’ailleurs, à ce propos, s’il ne faudrait pas leur déléguer une cellule psychologique lors de leurs sorties. Car disons-le tout net, même les passionnés les plus accros finissent par se demander s’ils ne sont pas atteints d’une sorte de perversion ou de déviance, qui les mettrait à l’écart de la pensée morale et les isolerait à jamais dans leurs vices. Certains s’interrogent même sur leur propre QI, tant il est commun de lire ou d’entendre qu’un intérêt technique ou historique pour l’auto relève de la débilité, au mieux légère.
Le sport automobile français est au plus mal, malgré ces belles victoires qui ressemblent au chant désespéré du Signe *. Il n’y aura plus de pilote en Formule 1 cette année, ce qui aura pour conséquence une baisse des audiences TV -pourtant très importantes- de ce championnat. Le GP de France ne vit que par la volonté d’une équipe de dirigeants de la FFSA qui déploie des trésors d’imagination pour le maintenir. Pour combien de temps ? Les 24H du Mans, cette épreuve dont le nom est passé internationalement dans le langage courant, constituent une exception sans doute, mais se voient contraintes d’ouvrir une catégorie Diesel pour stimuler des constructeurs désabusés, tandis que le Dakar a été réduit à rechercher hors de nos frontières sa ville de départ, ce qui ne le met pas à l’abri des assauts des "écolotophobiques". Certes, les accidents mortels, qui se succèdent chaque année, ne plaident pas en sa faveur, malgré toutes les mesures prises de manière très sérieuse par les organisateurs pour limiter les risques. Le succès même de l’épreuve en Afrique et les déplacements croissants de population qu’elle entraîne deviennent tout simplement ingérables.
Le dernier grand circuit automobile construit en France, par l’étrange volonté d’un Président convaincu par des proches de son utilité pour la région de Nevers, Magny-Cours, date de 1989. Entretemps, l’autre circuit français homologué pour la Formule 1, le Paul Ricard, a été vendu et fermé au public. Montlhéry, ce monument historique chargé de tant de records, a rejoint Reims et Rouen-les-Essarts sur l’étagère de nos souvenirs. Il n’est désormais même plus accessible aux collectionneurs qui ne lui faisaient pourtant pas grand mal. Pau lutte, par la volonté de son Maire, mais pour combien de temps encore ? Le Dieu football remplit, lui, des stades toujours plus grands, avec un public bien moins paisible que celui des amateurs de courses automobiles. Le public qui en effet fréquente les derniers stades automobiles ne correspond en rien à l’image que se font de lui les autophobes. Passionné de technique, le plus souvent compétent et observateur attentif et paisible, il trouve son bonheur dans la contemplation de belles trajectoires, de freinages précis et de dépassements au cordeau. Lorsqu’il est autorisé, trop rarement hélas, à fréquenter le paddock, il reste attentif et respectueux, content par-dessus tout de pouvoir approcher pilotes et mécaniciens. Jamais d’incidents ni de bagarres. On est entre connaisseurs, entre passionnés discrets et modestes, toutes catégories sociales confondues. Même les Anglais, qui fréquentent essentiellement Le Mans, se contiennent leurs consommations en deçà de leurs "standards" sportifs habituels... Nous ne parlons pas ici de moto, bien sûr !
Le conformisme autophobe qui est aujourd’hui de rigueur de manière paroxystique dans ce pays, ce qui constitue une sorte d’exclusivité française de plus, ne permet plus le financement de ces activités sportives pourtant très innocentes. Politiquement incorrect. Sale. Les constructeurs maintiennent leurs activités en rallye ou sur la piste, à destination de leurs marchés extérieurs. Ils les abandonneraient immédiatement s’il ne s’agissait que du marché français. Les entreprises privées spécialisées dans la course, comme Oreca, qui est probablement la plus significative des survivantes, et également la plus dynamique, ne doivent leur salut qu’à des programmes et à des budgets internationaux.
Voilà où nous en sommes aujourd’hui, dans le pays qui inventa la course automobile.
* virage fameux du circuit Paul Ricard, aujourd’hui fermé au public
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