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Accueil du site > Tribune Libre > 2017 : Terminus pour la Cinquième République

2017 : Terminus pour la Cinquième République

Tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe politique et institutionnelle qui devrait mettre un terme au régime né en 1958. Une catastrophe qui n’en sera cependant pas une pour tout le monde.

Reprenons :

Soit une gauche en morceaux. D’un côté, une gauche de gouvernement qui a fait du reniement son credo, du renoncement sa cohérence, de la trahison son acte d’héroïsme. De l’autre, une gauche militante que le rétrécissement inexorable de sa base électorale condamne à devenir de plus en plus inaudible.

Soit un Front National qui n’a pas la capacité, ni la volonté, de prendre le pouvoir. Pas la capacité parce qu’en 50 ans d’existence il a été incapable de se structurer en organisation de masse cohérente sur le plan idéologique, structurée par des cadres compétents et fiables, portée par un programme crédible. Pas la volonté parce que l’histoire de l’extrême-droite française est celle de la loose perpétuelle, de février 34 au poujadisme, de Vichy à l’OAS, parce que l’identité profonde du Front National le porte vers la provocation et le scandale et non vers la gestion responsable, à l’image d’un Jean-Marie Le Pen dont l’empreinte infernale est aussi indélébile au sein sa famille politique que biologique.

Soit une droite donnée gagnante mais qui est en fait un colosse aux pieds d’argiles en raison. Une droite assurée de l’emporter par les sondages, quel que soit le candidat et quel que soit le programme, du fait de l’absence de concurrence, mais qui est en train de se glisser à elle-même une peau de banane en la personne de Nicolas Sarkozy.

Vous êtes prêts ? Allez, on secoue les ingrédients.

Nicolas Sarkozy est bien parti pour emporter la prochaine présidentielle en 2017. Il va en effet gagner les primaires à droite en 2016, contre le bon-sens, la logique et l’intérêt du « peuple de droite ». Il sera le candidat de l’UMP, car il est d’ores et déjà assuré de la présidence du parti en novembre prochain, grâce à l’emprise qu’il continue d’avoir sur un parti qu’il a façonné à sa main de 2004 à 2012. Or, sous la Ve République, celui qui tient le parti majoritaire gagne la présidentielle 1.

Pendant les trois ans qui viennent, il continuera d’attirer les médias comme un aimant et de monopoliser l’attention jusqu’à la nausée. Son programme qui s’annonce truffé de mesures bidons, incohérentes et vouées à être trahies, n’est en rien un obstacle à sa victoire. Bien au contraire, son jeu matamoresque a tout pour séduire à nouveau une base toujours en recherche du frisson que lui procure l’apparition d’une figure providentielle.

Il est bien parti, mais il n’arrivera pas. Karachi, Bettencourt, Khadaffi, Bygmalion…. Si l’ex-Président et son équipe écopent avec assez d’énergie pour éviter que la barque ne coule tout de suite, elle est quand même trop pleine pour rester à flot jusqu’en mai 2017. Sarkozy devrait donc gagner un délai suffisant pour tuer toute opposition interne avant que ses propres excès l’entraînent par le fond. Lors de la présidentielle, deux options pourront se présenter : si la justice l’en empêche, le premier tour aura lieu sans lui, mais avec plusieurs candidats de droite durablement affaibli ; si la justice est mise en échec, le premier tour se fera avec lui, seul mais essoré et largement discrédité.

Et en face ? Paradoxalement, la situation désespérée de la gauche fait la force de Hollande et Valls. Leur stratégie de fuite en avant vers la droite n’a en effet rien de suicidaire. Bien au contraire, elle montre à quel point l’instinct de survie des hiérarques socialistes est solidement ancré, tant, dans une perspective de conservation d’un pouvoir plus que jamais sous la tutelle de Bruxelles, il y a pour eux tout à perdre à maintenir une politique de gauche.

Nous voici au second tour. Admettons que Hollande soit candidat à sa propre succession : grâce à Nicolas « Deux Neurones » Sarkozy, ce sera donc François Hollande contre Marine Le Pen. Le président actuel aura alors tout à gagner à pousser jusqu’au bout son renoncement au socialisme : ses électeurs de gauche voteront pour lui quoi qu’il fasse, par réflexe républicain purement pavlovien. En revanche, il lui faudra offrir le maximum de gages sur sa droite en plaidant sa conversion au libéralisme (ça ne devrait pas demander trop d’efforts) et en proposant une vaste alliance au centre.

Il sera réélu et les législatives de juin verront la victoire d’une grande coalition sociale-libérale à l’allemande. Le Front National aura ainsi réalisé son destin d’épouvantail réactionnaire, protectionniste, xénophobe et liberticide, autorisant par son effet repoussoir la victoire définitive de la politique économiquement et libérale socialement régressive pour laquelle, on nous l’assure sur tous les tons depuis les années 80 : « There Is No Alternative ».

Nos dirigeants, affranchis de toute opposition crédible, débarrassés du si sclérosant clivage gauche-droite, auront enfin les mains libres pour soumettre définitivement l’Etat aux institutions européennes. Les institutions françaises survivront alors comme un simple niveau intermédiaire sous tutelle bruxelloise, une sorte de collectivité locale chargée d’administrer sans gouverner. Le parlement ne sera plus le centre du pouvoir mais au mieux un contre-pouvoir, le pouvoir effectif se concentrant dans les mains d’autorités indépendantes, à la légitimité basée sur la compétence technocratique, libérées des aléas électoraux. Le système politique français sera définitivement affranchi du concept de souveraineté, tel qu’il est inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 2. On ne manquera pas de baptiser ce nouveau régime VIe République.

 

Notes :

1- À une seule exception : celle de Giscard en 1974, mais le parti gaulliste UDR était désorganisé par la disparition de Pompidou, décédé sans avoir organisé sa succession

2- « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »


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14 réactions à cet article    


  • armand 3 octobre 2014 12:46

    Oui mais bon , les catastrophes je les attends depuis 14 ans, rien en vue, tout passe même tafta, seuls les mouvements animés par la fnsea (ump) font un peu tache


    • Trelawney 3 octobre 2014 14:01

      un Front National qui ..... a été incapable de se structurer en organisation de masse cohérente sur le plan idéologique, structurée par des cadres compétents et fiables, portée par un programme crédible

      Je ne sais pas où vous étiez ces 5 dernières années, mais visiblement vous n’étiez pas en France.

      maintenant si vous voulez connaitre la tendance d’un français moyen (et même plutôt beauf sur les bords)

      Si en 2017 au second tour c’est :

      Hollande vs Lepen je ne me dérange pas pour aller voter

      Sarkozy vs Lepen je court voter Lepen et plutôt deux fois qu’une

      maintenant si vous avez des Valls ou Juppet dans la danse, ne vous inquiétez pas la Vème république aura encore de beaux jours devant elle


      • Fergus Fergus 3 octobre 2014 15:58

        Bonjour, Lo Lop.

        Ne rêvons pas : sauf renversement significatif de la conjoncture économique et baisse corrélative du chômage dans les 18 mois à venir, la gauche PS sera hors-jeu en 2017.

        Nous aurons donc, à mon avis, un duel UMP-FN qui devrait permettre au vainqueur de la primaire de droite de l’emporter face à Le Pen. Et là, le score dépendra du champion de l’UMP : soit ce sera Juppé, et le FN sera nettement battu (disons 65 % contre 35) ; soit ce sera Sarkozy, et le FN réalisera, grâce à la personnalité repoussoir de Matamore, un percée inespérée qui devrait lui permettre de perdre de manière nettement plus étriquée (disons 55 % contre 45).

        Si les électeurs de l’UMP ne comprennent pas que le très clivant Sarkozy est leur pire candidat, c’est à désespérer de tout.

        Il se pourrait même que Le Pen ait une chance de gagner contre Sarkozy, grâce à des apports massifs de voix venues de la gauche pour contrer le calamiteux ex-président. Avec, cerise sur le gâteau, une crise de régime immédiate, la présidente élue étant incapable de s’appuyer sur une majorité parlementaire. Un scénario qui pourrait fort bien inspirer tous ceux qui, comme moi, sont fermement demandeurs d’une VIe République. 


        • foufouille foufouille 3 octobre 2014 18:26

          « Et là, le score dépendra du champion de l’UMP : soit ce sera Juppé, et le FN sera nettement battu (disons 65 % contre 35) »
          voter pour le voleur jupette reviendrait à voter sarkonabo.


        • Fergus Fergus 3 octobre 2014 18:49

          Bonjour, Foufouille.

          Je n’ai pas de sympathie pour Juppé et j’ai combattu sa politique, notamment en faisant toutes les manifs de 1995 après l’annonce de son fameux « plan » en novembre 1995. Pour autant, je considère qu’il ne peut pas être mis dans le même sac que l’aventurier Sarkozy dans la mesure où il a des convictions (qui ne sont pas les miennes, évidemment) et où son comportement ne constituerait pas une insulte à la fonction présidentielle.


        • foufouille foufouille 3 octobre 2014 19:00

           jupette reste un voleur. les habitants de bordeaux devrait lui suffire avec son arrêt anti bivouac


        • Lo lop Lo lop 3 octobre 2014 16:28

          Bon, cet article est évidemment de la pure « politique fiction ». Les choses se passeront ainsi seulement si ne se passent pas autrement...Toute ressemblance avec des personnages ayant réellement existé, etc.


          Cependant, la question de la souveraineté se pose réellement, de la façon suivante : comment nos dirigeants vont faire pour pouvoir s’en débarrasser dans les années qui viennent ? L’article est une façon un peu tapageuse d’y répondre. Une autre réponse, moins romancée, serait la suivante : ils vont s’en débarrasser discrètement (Heu... C’est déjà fait ?)

          • Fergus Fergus 3 octobre 2014 17:07

            Cher monsieur le loup,

            Rassurez-vous, en l’état actuel de la confusion qui règne dans les esprits et du visage subclaquant de la Ve République, tous les scénarios sont envisageables, y compris les plus surprenants.

            A propos de votre contribution et sans la moindre malice de ma part, n’est-ce pas ce bon Sébastien qui, durant la campagne présidentielle de 1947, l’affirmait haut et fort : « Le char de l’Etat a besoin de la roue d’un Lop ! »


          • Lo lop Lo lop 4 octobre 2014 15:03

            Cher Fergus,

            Je ne connaissait pas Sébastien Lop, même si je me rends compte que je partage beaucoup de ses idées. les gouvernement devrait d’ailleurs s’inspirer de certaines pour combler le déficit de la Sécu, comme celle qui vise à réduire la durée de maternité de 9 à 7 mois. Un visionnaire !

          • Fergus Fergus 5 octobre 2014 08:21

            Cher monsieur Lo Lop.

            A toutes fins utiles et histoire de sourire en ces temps de morosité, je vous invite à lire Votez utile, votez Duconnaud ! dans lequel il est, entre autres candidats atypiques, question de cet excellent Sébastien Lop.


          • asterix asterix 4 octobre 2014 11:32

            Contrairement à l’auteur, je pense qu’il est strictement impossible que Sarkozy gagne le droit de se présenter, donc de gagner ensuite le second tour, ce qui reste d’ailleurs à prouver. Fergus a raison, tous les scénarios sont envisageables, y compis une victoire de Bayrou si Juppé n’est pas le candidat UMP. Ne prenez pas les électeurs de droite pour des crétins demeurés, beaucoup auront des problèmes de conscience d’avoir à voter pour le petit roquet.
            Quant à ceux de gauche, rien ne dit qu’ils ne préféreront pas l’aventure à la certitude de se faire laminer par « le plus inommable d’entre tous »
            Les deux failles de la 5ème République sont, d’une part la concentration de pouvoirs entre les mains d’un Président quelqu’il soit, et de l’autre des législatives à deux tours qui permettent d’éluder le fait que, quel que soit le cas d’école, la « majorité » représente à peine un peu plus que 30% de la population, ce qui est en soi une insulte à la démocratie. On n’élit pas ses représentants par rejet de l’autre option, mais pour le programme qu’ils sont sensés défendre.
            La France est un champ-clos politique où deux conceptions de la société se regardent en chiens de faïence. En fait, l’Assemblée Nationale n’en a que le nom, elle ne sert strictement à rien.
            Mieux vaut une 6ème république avec les défauts de la 4ème que cette mascarade.
            D’ailleurs, restaurer un véritable débat parlementaire est-ce vraiment un défaut ? 


            • Lo lop Lo lop 4 octobre 2014 15:00

              Contrairement à vous, je pense que le régime ne peut changer que s’il va au bout de ses contradictions. Pas de réforme, pas de « saine réaction » de l’électorat. Seule fin possible : la sortie de route. Depuis 225 ans, les régimes qu’ont connu la France, y compris les 4 premières républiques sont d’ailleurs tous morts de crises violentes : défaites militaires, coups d’Etats, auto-sabordage de l’assemblée. Je ne vois pas pourquoi la Ve ferait exception.


              La VIe République aura lieu. Elle ne sera que la pâle copie des précédentes. Ce sera plutôt une sorte de commune à la dimension de l’Etat : un président-maire autoritaire qui décide tout seul, une assemblée de béni-oui-oui, tout ça pour masquer une absence de pouvoir réel. Il y aura toujours une vie, mais ailleurs.

              • epicure 5 octobre 2014 18:28

                Pas sûr qu’après l’expérience de sarkhome premier et de bisoulande, les français choisissent une nouvelle constitution qui accroitrait les défauts de l’actuelle, en donnant beaucoup trop de pouvoir au président.


              • ubotugy ubotugy 8 octobre 2014 16:08

                Vous n’avez plus aucun contrôle sur votre constitution et vous allez encore voter pour déléguer votre pouvoir : si ce n’est pas la preuve que la propagande fonctionne bien, enfin c’est quand même moins pénible que les camps de travail façon Corée du Nord smiley

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