Bouquetins : rebelote pour le massacre en Bargy ?
Sur France 3, on nous annonçait en novembre dernier que l'abattage total des bouquetins du Bargy allait être abandonné ! Mais le préfet de la Haute-Savoie et le député Bernard Accoyer sont pugnaces... Plus que nous ? Pas sûr ! Partagez la pétition !
Le 6 janvier, le préfet de la Haute-Savoie a demandé une dérogation à la loi protégeant les bouquetins dans le cadre de la lutte contre une épizootie de brucellose circonscrite au massif du Bargy. Le représentant de l’Etat souhaite faire capturer 100 bouquetins durant le premier semestre 2015. Face au Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), le préfet précise que les captures débuteraient « dès que les conditions météorologiques et nivologiques le permettront. » Les animaux seraient testés sur place grâce au test rapide. Les bouquetins séronégatifs seraient relâchés après marquage auriculaire et pose de colliers GPS ou VHF, afin de pouvoir effectuer un suivi de la population épargnée. Les animaux séropositifs seraient euthanasiés par une substance létale administrée par voie intraveineuse, avant d’être évacués (notamment par hélicoptère) et incinérés.
Alors qu’à la stupeur des scientifiques, le préfet ordonnait, en octobre 2013, de n’effectuer aucun prélèvement sur les 224 bouquetins massacrés à l’aveugle, le représentant de l’Etat s’accorde désormais à reconnaître que les prélèvements biologiques sont « nécessaires » « pour comprendre le fonctionnement de la maladie ». Les bouquetins tués devraient donc enfin faire l’objet d’un minimum d’analyse scientifique ; ce qui semble sage puisque les abattages « d’apprentis sorciers » ont aggravé la situation sanitaire au lieu de l’enrayer. Le 27 janvier, le CNPN aurait validé les demandes du préfet dans l’attente des nouvelles conclusions de l’Agence de sécurité sanitaire (ANSES), qui devraient être rendues en mars ou en avril.
S’il est plus raisonnable d’abattre uniquement les bouquetins séropositifs plutôt que de tirer, comme par le passé, à l’aveugle dans le tas, se réjouir serait inapproprié. En effet, alors qu’un vaccin caprin contre la brucellose existe et a déjà fait ses preuves sur les chèvres (en savoir plus), aucune étude n’a été lancée chez les bouquetins. Grâce aux parcs zoologiques, les tests de vaccination auraient pu débuter dès 2012, mais, aussi inefficace soit-elle, la politique du court terme l’emporte, et paralyse les avancées scientifiques susceptibles de résoudre efficacement une crise sanitaire qui pourrait se reproduire dans d’autres massifs. La gestion de la brucellose par l’abattage massif d’animaux protégés reste peu évoluée, et peut être assimilée à de la barbarie, particulièrement lorsque l’on sait que la vaccination d’animaux (notamment sauvages) a permis, par le passé, d’éradiquer du territoire français de nombreuses zoonoses telles que la rage… ou la brucellose !
La prochaine vague d’abattages sera ciblée et épargnera donc les bouquetins sains, mais ne nous laissons pas enfumer : il s’agit vraisemblablement de reprendre le massacre « en douceur » avant de porter le coup ultime ! Ainsi, selon la FRAPNA, le préfet aurait déjà fait part aux ministères de son intention de demander l’avis du CNPN sur une prochaine dérogation visant l’abattage de tous les bouquetins du Bargy. Le préfet (qui a déjà dévoilé ses lacunes en matière d’impartialité) pourrait, comme en 2013, passer outre l’avis du CNPN, et ordonner un massacre éclair mettant fin à la présence du bouquetin dans ce massif haut savoyard.
De son côté, le député Bernard Accoyer (UMP), partisan de l’abattage total, fait pression pour que le principe de précaution soit appliqué aux bouquetins, tout en déplorant activement que ce principe s’applique aux « sujets économiquement exploitables » tels que le maïs génétiquement modifié MON810, le gaz de schiste ou le nucléaire. Pour accélérer les abattages, monsieur Accoyer prépare même une plainte contre l’Etat pour non-assistance à personne en danger, et ce alors que le danger que représente les bouquetins du Bargy pour l’humain est minime selon l’ANSES : deux malades en seize ans (contaminés par le biais de fromage au lait cru, qui est contrôlé depuis lors). Peu importe le nombre de victimes de l’extraction d’uranium, des accidents de Tchernobyl ou de Fukushima : selon monsieur Accoyer, le nucléaire est inoffensif, et les bouquetins dangereux ! Faisant honneur à l’idéologie de son parti en défendant mordicus des intérêts économiques particuliers, Bernard Accoyer n’a pas vraiment le souci de la juste mesure. Ainsi, en 2013, il cherchait à influencer le premier ministre en lui écrivant que les avis scientifiques de l’ANSES et du CNPN étaient « stupéfiants », et que les bouquetins étaient « pratiquement tous malades ». Ce qui est faux : 35% de séropositifs, ce n’est pas pratiquement 100% de malades. Le fait que de tels abus rhétoriques soient formulés par un aussi haut responsable politique (ancien président de l’assemblée nationale) a de quoi interroger notre si belle République… dans laquelle, monsieur Accoyer en conviendra, il est plus facile de s’attaquer à des bouquetins qu’à des firmes multinationales.
La pétition contre les abattages à l’aveugle a déjà récolté 68 400 signatures (pour signer, cliquez ici).
Texte et photos de Matthieu Stelvio pour Le Bruit du Vent. Argumentaire complet : Tout savoir sur le massacre des bouquetins du Bargy.
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