C’est beau le progrès…
On peut faire beaucoup de choses, seul chez soi, y compris des pistolets. C’est ce que nous montre une récente affaire aux USA. En attendant qu’elle fasse des émules chez nous.
Il fut un temps, pas si lointain, où les imprimantes ne servaient qu’à imprimer des documents sur papier à partir d’un ordinateur. Leurs cartouches d’encre s’épuisaient rapidement et coûtaient plus cher que le ruban d’une bonne vieille machine à écrire, mais c’est un autre problème. Ce degré zéro de l’impression a été depuis rapidement distancé par d’autres modèles d’imprimantes ; ceux-là peuvent, à partir d’un programme informatique, réaliser des objets en trois dimensions, de la paire de chaussures aux murs de votre maison.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas imprimer des armes ? C’est ce que s’est dit, aux Etats-Unis, un petit malin du nom de Cody Wilson. Le projet de ce bienfaiteur de l’humanité : permettre à n’importe qui de fabriquer sa propre arme de poing, sans aucun numéro de série, à la barbe de l’état fédéral et des lois américaines. Il suffit pour cela d’acheter le programme édité par sa société Defense Distributed et d’avoir chez soi une imprimante 3D. Après quoi, vous pourrez vous fabriquer un magnifique petit pistolet en plastique, indétectable sous les portiques de sécurité. Un petit pistolet qui ressemble à un jouet, sauf que son chargeur accueille de vraies balles bien perforantes et mortelles. Un modèle léger et ludique, idéal pour les ménagères et les écoliers soucieux de se défendre contre les multiples dangers qui les menacent quotidiennement.
Malheureusement pour Cody Wilson, son invention à peine commercialisée a soulevé la colère des associations de victimes d’attentats et de meurtres de masse – lesquelles se comptent par centaines, chaque année, aux USA. Même Trump a trouvé douteuse cette entreprise de « home gun ». Alertée, la justice américaine est intervenue et a rapidement suspendu la vente de ces plans d’impression d’armes à domicile. Une décision avalisée par le porte-parole de la Maison Blanche ; lequel ne peut pourtant être suspecté de sympathie pour tous ceux qui luttent, dans ce pays, contre l’interdiction des armes en vente libre. Naturellement, l’inventeur débouté a annoncé sa décision de poursuivre son combat devant les tribunaux, estimant que « les Américains ont le droit de partager cette information. ». Autrement dit, le vieux débat de la liberté contre la sécurité.
Quel que soit le jugement final dans cette affaire, il est à craindre, hélas, que son programme ne s’arrête pas là. Des milliers d’Américains l’ont déjà téléchargé et il se pourrait bien qu’il continue à se négocier sous le manteau, plus-value à l’appui. Sommes-nous entrés, selon la prédiction de Cody Wilson « dans l’âge des armes téléchargeables » ? Dans ce cas, nous avons bien du souci à nous faire. Car après les pistolets viendront des armes de plus gros calibres et, pourquoi pas, des bombes chimiques ou atomiques fabriquées à partir de ce procédé. « On n’arrête pas le progrès ». Clament les imbéciles heureux. On voit bien, à partir de cet exemple pervers, qu’on aurait tout intérêt à ne pas lui lâcher la bride.
Jacques LUCCHESI
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