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Ça va mieux

Notre démocratie, réclamant l’expression des opinions personnelles d’une infinité de braves gens qui n’ont pas le temps de s’en former une, contraint tout le monde à parler de tout avec une légèreté que nous sommes, à notre tour, obligés d’excuser, considérant les nécessités des temps.

Gianfranco Sanguinetti

 

- Nos amis du MEDEF n’avaient pas tort. Gattaz le disait dès 2014, en parlant de François Hollande : « C'est un discours qui va dans le bon sens. Il y a une prise de conscience de la réalité de la France. »

- C’était surtout un discours... très emprunté...

- Que vous importe puisqu’il emprunte vos idées...

- Je sais...Mais... sa façon de parler.... de dire : « ça va mieux »... Vraiment, je n’aime pas le personnage... C’est presque physique...

- On ne vous demande pas de coucher avec lui. Mais il a été un peu le Gerhard Schröder que la France attendait...

- ... Toutes proportions gardées, évidemment.

- La France n’est pas l’Allemagne. Sa population n’est pas naturellement portée à la discipline...

- Hélas !

... sauf si on lui propose un homme providentiel... un dictateur... dans le sens de la république romaine, bien sûr.

- Et François Hollande n’a jamais eu l’apparence d’un homme providentiel...

- Et Nicolas Sarkozy n’a jamais été autre chose qu’une caricature de dictateur...

- Vous êtes sévère. Il a montré de l’énergie...

- Mais il en a surtout fait montre au-delà de la décence... Il faut donc reconnaitre à Hollande d’avoir permis l’accession de Macron. Sa politique qui pouvait sembler « maladroite » a favorisé l’avènement de notre « nouvelle droite ».

- Ce n’est qu’un mot. Et vous savez que, moi, je penchais quand même pour une droite... plus traditionnelle... incarnée par François Fillon.

- Il était donné gagnant à la sortie de votre primaire, mais il était aussi un éternel second. Cette fois, il a fait troisième. Qu’a-t-il incarné, sinon une caricature de notable de province ? Et un complice de Sarkozy vient de se vanter d’avoir « niqué Fillon ».

- Vous êtes toujours sévère avec Sarkozy et Fillon.

- Mais Sarkozy lui-même traitait Fillon de « géopoliticien de la Sarthe ».

- Ah !vous avez lu livre de Patrick Buisson. Il nous a fait du mal. Ainsi que le Canard Enchaîné...

- Vous tombez dans le complotisme, dans le conspirationnisme, mon ami !

- Et vous, vous me faites marcher. Mais vous avez raison. Le petit Macron n’est pas si mal... J’ai voté pour lui d’ailleurs, moi aussi, et dès le premier tour, quand j’ai vu que le malheureux Fillon s’enferrait. Heureusement, quelques fidèles se sont mobilisés dans les derniers jours. Sinon, il se faisait coiffer par le rouge.

- Je vous ai fait marcher un peu, certes, mais vous vous êtes mis en marche vers le seul candidat acceptable, vous le savez bien. Certes, il a un peu... la grosse tête... qu’il a bien faite cependant. Mais il sait ce qu’il nous doit... Et il a rendu possible en France une clarification sur la question centrale : la défense à tout prix de notre société démocratique et libérale. Puisque nous sommes entre nous, nous pouvons reprendre à notre compte cette maxime de Censor : « cette société nous convient parce qu’elle est là, et que nous voulons la maintenir pour maintenir notre pouvoir sur elle » .

- Ah, vous avez vous aussi lu ce livre dans les années soixante-dix à la fin de vos études ?

- J’ai fréquenté des terrasses en effet où se croisaient des gauchistes...

- Certains ont d’ailleurs rejoint comme vous ce Parti Socialiste qui prétendait changer la vie... Mais, pour en revenir à ce petit Macron, il devrait prendre garde à sa droite. Il fait montre d’une propension à humilier les défenseurs traditionnels de l’ordre et de la propriété... Ce sont les fondements de notre société démocratique et libérale, vous ne l’ignorez pas. On a vu ce jeune président s’en prendre, d’abord à un général d’état-major, puis à un préfet.... Et il vient de débarquer sans ménagement Mathieu Gallet... qui est de nos amis politiques... et qui n’a pas démérité à la tête de cette station de gauchistes.... On va finir par croire qu’il règle des affaires d’ordre privé...

- Allons, allons... Il y a belle lurette que les gauchistes de France Inter ont été mis au pas. Mais le président a été contraint de faire preuve d’autorité avec quelques grands commis de l’Etat... pour asseoir son autorité, justement.

- Et dans cette affaire de l’aéroport de Nantes, il a voulu donner un gage à sa gauche.

- C’est de bonne guerre. Il ne pouvait humilier encore ce pauvre Hulot. Mais il a eu l’habileté de faire endosser cette décision par un premier ministre qu’il avait arraché à la droite ancienne, la vôtre.

- C’est un jeu dangereux. Il avait marqué le point avec la loi Travail. Là, il donne un point à son adversaire, même s’il s’en défend... Il ne s’en défend pas, d’ailleurs, il ne dit rien... Il visite le monde tandis que les sinistres « zadistes » s’apprêtent à visiter la France... pour « foutre le bordel », comme il aime à le dire

- Il ne vous a pas échappé que son véritable adversaire sur sa gauche, c’est la France Insoumise. Et que les « zadistes », comme vous dites, ne se reconnaissent nullement dans cette opposition... trop légaliste... Il est dans l’intérêt de Macron, et dans le nôtre, d’exciter la concurrence à la gauche de la France Insoumise... de pousser à la manœuvre tous ces groupuscules qui attendent l’insurrection, le grand soir... ce navrant NPA, ces prétendus « autonomes », ces « zadistes »...

- J’aurais envie cependant de lui rappeler une remarque de Machiavel : Qu’on se garde d’exciter une sédition dans un parti en se flattant de pouvoir l’arrêter ou la diriger à sa volonté.

- Il a déjà modifié la constitution afin de pouvoir légitimer toute intervention de nos forces de l’ordre. Et en cas de débordements, la France Insoumise ne sera pas mesure de se poser en recours. Si d’aventure elle accédait au second tour, cette fois, elle serait battue par l’union de toutes les droites.

- Macron a toutes les chances d’être réélu, je vous l’accorde. Et la constitution ne lui interdit pas de se présenter plus de deux fois. Il a l’âge pour enchaîner plusieurs mandats.

- L’important, pour vos amis, c’est de présenter une alternative crédible, raisonnable, qui puisse au moins accéder au second tour. Ensuite, c’est le meilleur produit qui gagne, évidemment.

- Dieu vous entende ! Mais vous avez raison : ça va mieux. Cependant il ne faut pas le crier sur tous les toits.

 

 

Cet échange d’idées a eu lieu dans un cadre privé. Je n’ai pas divulgué, on l’a vu, l’identité des protagonistes. On en devine aisément pourtant l’origine sociale, le milieu auquel ils appartiennent, la position dominante qu’ils occupent dans la société française.

Si j’étais « grand reporter », je pourrais dire qu’ils se sont exprimés « en off ». Mais à quoi sert un « off » si les noms ne sont pas divulgués ? La fonction du « off » est de faire du « buzz ». Je dirais donc plutôt que ces personnes bénéficient de la protection des sources.

Mais le Décodex du Monde et autres officines de la même engeance ne manqueront de jeter le discrédit sur mes façons ; m’accuseront de divulguer de fausses nouvelles, de me livrer à des amalgames, à des approximations. Quant à la loi sur les « fake news » que prépare le gouvernement, elle punira les procédés que j’emploie car ils ne sont pas marqués du sceau de la bienveillance.

 

 

Giangranco Sanguinetti est un situationniste italien. En 1975, il publia, sous le nom de Censor, le Véridique Rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie. Il convient de noter cependant que, quarante ans plus tard, le capitalisme prétend toujours sauver le monde. Mais les protagonistes dont j’ai rapporté les propos préfèrent le nommer d’un nom plus doux : « société démocratique et libérale ».

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3 réactions à cet article    


  • Francis, agnotologue JL 2 février 2018 10:20

    « cette société nous convient parce qu’elle est là, et que nous voulons la maintenir pour maintenir notre pouvoir sur elle »
     
    Ce n’est même plus une société de consommation : c’est une société de prédation. Et encore, le terme société n’a plus de sens : le monde capitaliste est devenu le monde de la prédation.
     
    « Nous assistons à la faillite d’un système fondé sur l’exploitation cupide de l’homme et de la nature. Nous sommes dans une économie qui se détruit en détruisant la planète. Au lieu d’investir dans la modernisation des secteurs prioritaires, le capitalisme sacrifie à la spéculation boursière l’industrie et les services publics qu’il se glorifiait hier de promouvoir. La prédominance de la rentabilité et l’urgence du profit ont propagé un nihilisme, où l’envers vaut l’endroit et un désespoir que la frénésie consumériste accroît et exorcise tandis que le pouvoir d’achat diminue. Le culte de l’argent établit, plus qu’une complicité, une communion d’esprit entre le malfrat qui agresse les pauvres, brûle une école, une bibliothèque et la brute affairiste qui accroît ses bénéfices en détruisant le bien public et les acquis sociaux. Jamais ceux qui s’arrogent le titre de dirigeant n’ont atteint à un tel degré d’incompétence et de stupidité et jamais ce »moins que rien« dont ils s’infatuent n’a autant passé pour »quelque chose« , tant se perpétue le préjugé que l’homme n’est pas capable d’agir de façon autonome et de créer sa propre destinée. Le clientélisme politique a corrompu les démocraties, désormais à la botte des multinationales. Il n’y a plus ni idées ni croyances qui ne se trouvent dénuées de sens, éviscérées, réduites à cet état de charogne, qui fascine les foules aveuglées par le ressentiment, le désespoir, l’ultime prédation, la quête angoissée d’un emploi d’esclave et l’impression d’existence absurde, propice à une grande variété de comportements suicidaires … Ceux qui appellent à travailler davantage sont les mêmes qui ferment les usines pour les jouer en Bourse. Ils privilégient le travail parasitaire en multipliant les services inutiles et ils envoient à la casse les secteurs prioritaires (écoles, hôpitaux, métallurgie, textile, logement, transports). ’’ 
    Entre le deuil du monde et la joie de vivre », par Raoul Vaneigem, Gallimard, Verticales


    • izarn izarn 2 février 2018 20:13

      Vacuité...
      Quel niveau !
      Affligeant !


      • Jules Elysard Jules Elysard 3 février 2018 10:57

        @JL
        Ayant imaginé un dialogue entre deux possédants, l’un venant de « la gauche, l’autre restant à droite, je l’ai illustré en reprenant des passages du livre de Sanguinetti. Vous me donnez à relire un texte de Vaneigem. Il n’aurait pas pu illustrer mon dialogue, mais il mérite d’être lu et relu, ainsi que LE TRAITE et RIEN N’EST FINI, TOUT COMMENCE.
        Vaneigem pèche un peu par optimisme parfois, mais il a été un égal et rival de Debord. Ce n’est pas le cas de Sanguinetti, évidemment.

        Je n’ai reçu que 2 commentaires sur ce billet. Sur le second, l’auteur se contente de se présenter : »Vacuité Quel niveau Affligeant « . Par curiosité, je suis allé voir ce dont il était capable par ailleurs. Il lui arrive d’aligner 5 à 10 lignes, mais il ne s’expose à la critique en publiant un billet. Et ces »critiques« sont, soit des invectives contre des »opposants", soit des logorrhées pour approuver des membres de sa supposée tribu. Mais peut-être n’est-il qu’un fake ?

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