Ces associations qui seraient des entreprises, comment les débusquer ?
En septembre 2 017 sortait le 15e rapport annuel sur l'état du monde associatif en France. Un lien pour le trouver existe sur le site association.gouv.fr. L'enquête a été effectuée au tout au long du premier semestre de l'année. Malheureusement, deux questions importantes n'ont pas été posées ni abordées, qui pourraient permettre de clarifier les choses, en particulier concernant les entreprises déguisées en associations : celles des rapports entre les conseils d'administrations et leur directeur salarié d'une part, et celle des rapports entre le conseil d'administration et les adhérents d'autre part. Le sujet concerne particulièrement les petites associations employeurs, qui passent sous le radar des contrôles du fait de leur petite taille.
Le directeur est au service du conseil d'administration
Vu de l'extérieur, on peut se dire que le monde associatif est à part, que les personnes sont sympathiques, que rien de facheux ne s'y déroule. Mais comparons avec une grande entreprise : le directeur est nommé par les administrateurs, qui lui délèguent un certain nombre de pouvoir, et en conservent d'autres. Pourquoi ? parce qu'il est important que l'association reste au service du plus grand nombre, financée qu'elle est par l'argent public par le biais des subventions. Nous verrons plus bas, mais il est quand même question de gros sous. Les administrateurs incarnent en quelquesorte l'intérêt public, ils pourraient être comparés au procureur au sein du système judiciaire. Des choses sérieuses s'y déroulent donc.
Les pouvoirs entre le conseil d'administration et le directeur sont distribués par la loi. Voir ici pour cette question : http://www.assistant-juridique.fr/repartition_pouvoirs_president_directeur_salarie.jsp
Les abus ont été prévus, puisqu'une mauvaise répartition des pouvoirs entre les deux, au profit du directeur, peut conduire à une requalification du statut même de l'association. Le cas est prévu par la loi fiscale : http://association1901.fr/finances-association-loi-1901/fiscalite-finances/directeur-salarie-dassociation-loi-1901-les-risques-de-la-requalification/. L'instruction fiscale 4 H-5-06 N° 208 du 18 décembre 2 006 est claire : " La requalification de la fonction de directeur salarié en dirigeant de fait ne pourrait être mise en oeuvre que s’il apparaissait que les membres du conseil d’administration n’exercent pas leur rôle, en particulier celui de contrôler et, le cas échéant, révoquer ce salarié et le laissent en fait déterminer la politique générale de l’organisme à leur place".
En résumé, les administrateurs - minimum 6 maximum 12 - doivent garder un oeil sur l'activité du directeur, qu'ils ont embauché pour des missions précises. Afin qu'il n'abuse pas des pouvoirs qui lui ont été délégué, et ne détourne pas l'objet de l'association pour satisfaire ses intérêts ou ceux de sa famille professionnelle, quelle qu'elle soit. Vous me suivez ?
A but non lucratif, un slogan, un arbre qui cache la forêt ?
Tout est dans le titre. La plupart des associations sont Loi 1901, c'est à dire A but non lucratif. L'opinion publique se dit, " à but non lucratif ", c'est inoffensif, puisqu'il n'y est pas question de profit. Cela peut-il être un écran de fumée ?
Les dérives existent. Elle n'ont pas les mêmes attributs que dans le secteur lucratif, mais elles sont là. Certains commentateurs commencent à parler de " mafia associative " pour pointer du doigt les relations de connivence entre les membres indéboulonnables des conseils d'administration - qu'on retrouve président de l'association X, secrétaire de l'association Y, etc - et les directeurs, leurs copains, à qui sont versés de bons salaires et qui font l'objet de toutes les attentions sous prétextes qu'ils sont experts dans leur domaine ou qu'ils ont un bon carnet d'adresse.
L'administration fiscale ne s'y trompe pas : les administrateurs bénévoles doivent garder le controle sur la gestion des directeurs, ne pas leur déférer tous les pouvoirs hiérachiques, sous peine de requalifier la fonction en dirigeant de fait, faisant basculer l'association vers l'entreprise, avec le régime fiscal qui va avec. Pour échapper à l'impôt commercial, l'association doit avoir une gestion désintéressée. C'est ainsi qu'il faille se prémunir contre une appellation au pouvoir magique, qui endort la méfiance et nous fait croire qu'il existe un secteur où tout va dans le sens du respect des principes moraux. Sorte de territoire idéal, en contrepoint d'un secteur privé chargé de tous les maux.
Il y a les directeurs qui utilisent l'association pour servir les intérêts privés d'un collectif en particulier - telle ou telle famille à l'intérieur d'un secteur professionnel. Les directeurs qui profitent de l'incompétence en gestion des administrateurs bénévoles pour masquer leurs manoeuvres. Les directeurs qui vivent au dessus de leurs moyens, s'octroyant des notes de frais importantes, comptant sur l'argent public et les subventions futures pour combler les trous dans les comptes ainsi effectués. Ou bien encore les directeurs dont on ne sait ce qu'ils font réellement, qui s'entourent d'équipes et de collaborateurs qui paraissent débordés. L'appellation non-lucratif se présente alors comme une sorte de label, vous mettant au dessus de tout soupçon à priori. Mais ne pourrait-on pas s'autoriser à gratter un peu le vernis, à rassembler dans certains cas des preuves ?
Mais au fait, où sont les adhérents ?
Une association, comme son nom l'indique, est un corps constitué d'individus qui se sont rassemblés autour d'un projet commun. Et la commande sociale est la suivante : "Les associations contribuent à la décision démocratique, à la cohésion sociale et à l’animation des territoires. Elles ont un rôle clé dans le quotidien des français" http://www.ecosocioconso.com/2016/01/11/les-associations-en-france/
Sur le plan du fonctionnement, avoir beaucoup d'adhérents peut même être signe de vitalité démocratique, ou tentative de. Les élus des collectivités territoriales ne s'y trompent pas, c'est ce qu'ils regardent en premier. Le nombre d'adhérent, qui leur donne une idée du poids politique de la structure. Et du nombre d'électeurs potentiels.
Mais, curieusement, certaines associations n'en ont quasiment pas. Ou très peu. L'assemblée générale est alors un conseil d'administration un peu extraordinaire, où les adhérents sont fantômes, où les décisions qui doivent être approuvées par l'assemblée générale des adhérents le sont en fait par les administrateurs bénévoles, les mêmes qui parfois ont cédé tous les pouvoirs au directeur omnipotent. Ne serait-on pas alors dans une situation de dirigeant de fait caractérisée ?
Les adhérents sont le plus souvent les bénévoles, les petits bras qui font vivre tout le secteur, la raison d'être des associations. Ils seraient 23 millions, quand on chiffre à 16 millions le nombre de bénévoles. Mais alors, une association qui n'a pas de bénévoles, ou très peu, dont l'activité est assurée essentiellement par des salariés - 1.8 millions au total, n'est-elle pas plutôt une entreprise ? Qu'est-ce qui la distingue de sa cousine du privé ? Les sources de financement bien sûr, et nous retombons sur la première des questions, l'argent.
Le budget total annuel de fonctionnement des associations est évalué à 70 milliards d'euros. A titre de comparaison, le budget du ministère de la justice, en 2 016, s'élevait à 83 milliards d'euros. Celui du ministère des solidarités et de la santé lui s'élève à 9 milliards en 2 018. https://www.latribune.fr/economie/france/le-budget-du-ministere-des-solidarites-et-de-la-sante-va-augmenter-de-11-750419.html. Les sources de financement seraient à 49 % public et 51 % privé. http://www.ecosocioconso.com/2016/01/11/les-associations-en-france/, soit 34 milliards d'euros d'argent public capté par le monde associatif. Ce n'est pas rien, la somme mérite en elle même qu'on regarde de plus près ce qui s'y passe.
Pour la plupart issus des subventions publiques versées par les collectivités territoriales, les organismes sociaux, de plus en plus au titre de commandes publiques ou d'appel d'offres auquels les associations répondent au même titre que les entreprises. La question peut alors être maintenant précisée : comment faire en sorte que le statut juridique de certaines associations soit mis en cohérence avec leur mode de fonctionnement ?
Le rapport publié en septembre fait état d'une inquiétude exprimée par les dirigeants d'associations - l'enquête pour le rapport ayant été faite au premier trimestre, avant l'annonce de la suppression d'une partie des emplois aidés, le sujet n'est pas abordé mais pourrait aujourd'hui transparaître - concernant la situation financière ( 40 % la jugent difficile voire très difficile ) et le bénévolat ( 55 % se disent préoccupés par le sujet ). Dans un tel contexte, faire le tri entre le bon grain de l'ivraie ne contribuerait-il pas à permettre aux vraies associations d'avoir une chance de survivre pour les 10 prochaînes années ?
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