Cinéma : de plus en plus de fils et filles de...
La cérémonie des César 2024 à peine achevée, les regards des cinéphiles français se tournent déjà vers le prochain Festival de Cannes. Ses organisateurs déploieront-ils au printemps le mythique tapis rouge en l’honneur de quelques « fils et filles de » ? Nul ne le sait à ce jour. Mais cela n’aurait rien de surprenant tant ils sont nombreux dans le milieu cinématographique de notre pays. Sans remonter aux gloires d’antan, sortons les fiches…
« Bon sang ne saurait mentir », affirme un proverbe français, en contradiction avec cet autre adage sur l’hérédité : « il arrive que le talent engendre la médiocrité ».
Tout le monde connaît le lien de filiation entre l’acteur Bernard Blier et le réalisateur Bertrand Blier, ou entre le dialoguiste Michel Audiard et le réalisateur Jacques Audiard. De même est-il de notoriété publique que Nicolas Bedos est le fils de Guy Bedos, et Vincent Cassel celui de Jean-Pierre Cassel.
Citons encore, dans le même registre, Emma de Caunes, fille d’Antoine de Caunes, le discret Michel Colucci, fils de Coluche, la jolie Izia Higelin, fille cadette de Jacques Higelin, et le pâlot Arthur Jugnot, fils de Gérard Jugnot. Sans oublier l’excellent Louis Garrel, fils de Philippe Garrel, et le très académique Lambert Wilson, fils de Georges Wilson.
Très connue également, et plus spectaculaire, ce que l’on peut nommer la « dynastie » des Gélin, depuis les grands-parents Daniel Gélin et Danièle Delorme jusqu’à leur petit-fils Hugo Gélin, en passant par le père de ce dernier, Xavier Gélin et sa sœur Fiona Gélin, tous acteurs présents ou passés. Sans oublier l’actrice défunte Maria Schneider, également fille de Daniel Gélin.
Une autre dynastie d’acteurs célèbres a marqué l’histoire du cinéma : celle des Brasseur, depuis Pierre Brasseur et son épouse Odette Joyeux jusqu’à leur petit-fils Alexandre Brasseur, fils de Claude Brasseur, qui poursuit une modeste carrière. Du côté de Catherine Allégret, fille d’Yves Montand et de Simone Signoret, l’heure de la retraite a en revanche sonné depuis belle lurette.
Tel n’est pas le cas avec Catherine Deneuve, sœur de l’actrice trop tôt disparue Françoise Dorléac, toutes deux filles des acteurs Maurice Dorléac et Renée Simonot. Laquelle Catherine Deneuve est en outre la mère de l’actrice Chiara Mastroianni, qu’elle a eu de Marcello Mastroianni, et de l’acteur Christian Vadim, fils dont elle a partagé la parentalité avec Roger Vadim.
Belle brochette d’acteurs également du côté de la famille Depardieu, entre le père, Gérard Depardieu, la mère, Élisabeth Depardieu, et leurs enfants : Julie Depardieu et son regretté frère Guillaume Depardieu, trop tôt disparu.
Plus complexe est la situation de la famille Berry. On trouve là l’actrice Joséphine Berry, fille du couple d’acteur Richard Berry et Jessica Forde. Lequel Richard Berry partage également la parentalité de l’actrice Coline Berry avec la comédienne Catherine Hiégel. Un Richard Berry par ailleurs oncle d’une autre actrice, Marylou Berry, elle-même fille de Josiane Balasko. Ouf !
Beaucoup de monde cinématographique également du côté de la nébuleuse familiale Gainsbourg-Birkin-Doillon. Quand on ne chante pas chez ces gens-là, on joue, et parfois les deux en même temps. Si tout le monde connaît Charlotte Gainsbourg, fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin, moindre est la notoriété de Lou Doillon, fille de Jane Birkin et du réalisateur Jacques Doillon.
Parmi les acteurs et actrices peu ou mal connu(e)s du grand public, l’on peut également citer : Agathe Bonitzer, fille du réalisateur Pascal Bonitzer et de la défunte actrice Sophie Fillières ; Lolita Chammah, fille d’Isabelle Huppert et de l’acteur britannique Ronald Chammah ; Anouchka, fille d’Alain Delon, et Anthony Delon, fils du même avec l’actrice Nathalie Delon. Ajoutons à ceux-là Lola Dewaere, fille de Patrick Dewaere, mais aussi la très discrète Julia Piaton, fille de Charlotte de Türckheim. Ainsi que les espoirs du cinéma, nommés aux César, Paul et Samuel Kircher, tous deux fils de l’actrice suisse Irène Jacob.
Impossible évidemment de passer sous silence la filiation entre Laura Smet et ses parents Nathalie Baye et l’acteur occasionnel Johnny Halliday. Ou celle qui unit Thomas Chabrol à ses géniteurs Claude Chabrol et Stéphane Audran. De même peut-on citer l’actrice et réalisatrice Maïwenn et sa sœur Isild Le Besco, toutes deux filles de l’actrice et réalisatrice Catherine Belkhodja.
Un couple d’acteurs parents d’un rejeton également comédien, rien de bien original, on l’a vu plus haut. La preuve encore Daniel Auteuil et Anne Jousset, parents d’Aurore Auteuil ; Hippolyte Girardot et Isabel Otero, respectivement père et mère d’Ana Girardot Bernard ; Giraudeau et Anny Duperey, parents de Sara Giraudeau. Idem pour Ludmilla Mikaël et le réalisateur Terry Hands, géniteurs de Marina Hands ; tout comme Thomas Jouannet et Alexandra Lamy (elle-même sœur d’Audrey Lamy), père et mère de Chloé Jouannet.
Autres cas intéressants : d’une part, celui de Salomé Lelouch, fille de Claude Lelouch et Evelyne Bouix, élevée par sa mère et... Pierre Arditi ; d’autre part, celui de Sagamore Stévenin et Robinson Stévenin, tous les deux devenus acteurs comme leur père Jean-François Stévenin.
Cirons encore, parmi la pléthore de comédiens fils et filles d’un acteur ou d’une actrice célèbre : Romane Bohringer, la rejetonne de Richard Bohringer ; Clovis Cornillac, fils de Myriam Boyer ; Léo Lanvin, fils de Gérard Lanvin ; Delphine Rich, fille de Claude Rich.
Autres rejetons « fils ou fille de » : Jules Benchetrit, fils de la défunte Marie Trintignant et petit-fils de Jean-Louis Trintignant ; Marion Cotillard, fille de l’acteur et metteur en scène Jean-Claude Cotillard ; Mathieu Demy, fils des réalisateurs Jacques Demy et Agnès Varda ; Mélanie Doutey, fille des acteurs Alain Doutey et Arielle Séménoff ; Mathieu Kassovitz, fils du réalisateur Peter Kassovitz ; et Thomas Langmann, acteur devenu producteur (il a produit The Artist), fils du réalisateur Claude Berri (né Langmann) et frère de l’acteur Julien Rassam décédé en 2003.
Avoir un parent influent, et a fortiori puissant, même s’il n’appartient pas au milieu du cinéma, et plus largement à celui des arts, ne peut évidemment pas être un handicap. Cela n’a pas nui à Léa Seydoux, fille de l’industriel et financier Henri Seydoux et petite-fille du puissant patron de Pathé Jérôme Seydoux. De même, avoir un père producteur ou metteur en scène célèbre, ne peut être un frein à une ambition cinématographique, bien au contraire ; n’est-ce pas, messieurs Romain Gavras, fils de Costa-Gavras, et Félix Moati, fils de Serge Moati ?
Un oncle célèbre, c’est bien aussi, Lucie Boujenah, nièce de Michel Boujenah, doit en convenir. Tout comme Léa Drucker, nièce de Michel Drucker. Et à défaut d’oncle ou de tante, il arrive que l’on puisse s’appuyer sur un frère ou une sœur : aux fratries déjà évoquées plus haut, ajoutons Dominique Frot, sœur de Catherine Frot, et Armelle Deutsch, sœur de Lorànt Deutsch.
On l’a compris en prenant connaissance de cette liste, bien loin d’être exhaustive, l’industrie cinématographique est une affaire de famille. En l’occurrence, une grande famille virtuelle constituée d’une nébuleuse de petites et vraies familles, parfois très imbriquées les unes dans les autres. « Famille », le mot est d’ailleurs omniprésent : à chaque festival, des récipiendaires de prix se plaisent en effet à évoquer la « Grande famille du Cinéma ». Une expression métaphorique qui, soit dit en passant, ne manque pas de sel dans le contexte actuel de révélations médiatisées sur les pratiques sexistes et sexuelles d’un milieu longtemps caractérisé par une omerta digne des maquis corses.
Faut-il voir dans cette prolifération de « fils et filles de » du milieu cinématographique une anomalie sociétale ? Pas sûr, car les recrutements de rejetons et les dynasties professionnelles existent également dans nombre de secteurs d’activités très éloignés du 7e Art. Mais ces pratiques, de nature souvent népotique, sont un peu partout en nette régression. Sauf au cinéma ! Et c’est ainsi que l’on ressent comme une gêne à constater toujours plus de noms connus, accompagnés de prénoms qui le sont moins, au générique des films.
N’en déduisons pourtant pas que les producteurs sont prompts à céder aux « amicales pressions » de leurs acteurs et actrices fétiches pour faire jouer des baltringues dont la plus grande qualité se trouverait dans leur patronyme. Ce serait prendre lesdits producteurs pour des personnes capables de privilégier l’amitié au portefeuille, ce qui, entre nous soit dit, ne doit pas être le cas le plus fréquent. Et pour cause : ces gens-là ont impérativement besoin de bonnes critiques pour booster les entrées en salle. Dès lors, pas question pour eux de voir éreinter un comédien ou une comédienne dont on découvrirait sur l’écran que, fils ou fille de pur-sang, il ou elle n’est en réalité qu’un minable canasson, une improbable haridelle.
Soyons objectifs : les « fils et filles de » qui ont réussi à se faire un prénom sont, en règle générale, de bons professionnels, souvent même d’excellents acteurs et actrices, et pour certains, de meilleurs comédiens que leurs géniteurs. Mais on ne pourra pas s’empêcher de penser – surtout si l’on connaît soi-même des laissés-pour-compte dans ce milieu – que cet évident favoritisme barre probablement la route du succès à de grands talents, injustement cantonnés dans des rôles sans importance quand ils ne sont pas réduits à faire de la figuration, faute de carnet d’adresse ou de parents membres de la Jet Set ou du Show-Biz.
Note : une pensée pour Pauline Lafont, décédée en 1988. Elle était la fille de Bernadette Lafont, elle-même morte en 2013.
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