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Coke en stock, acte XIX : St-Domingue, les barons de la drogue et les casseroles belges

Hier, nous en étions à une découverte fondamentale : « ce n’est pas moins de 11 appareils qui avaient été d’abord achetés par deux sociétés de Floride, Planes and Parts et « Skyway Aircraft Inc » , vous disais-je. Le nombre impressionnant d’appareils tous revendus à un seul individu, et l’activité de ces avions, tous impliqués dans des transports de drogue révélait une organisation à la base de ce trafic. Skyway et Planes and Parts ayant des ramifications en Floride, jusqu’aux petits aéroports où sont apparus en « touristes » des étrangers que l’on retrouvera impliqués dans les attentats du 11 septembre, un tableau très inquiétant s’esquisse progressivement. Le monde des cartels jouxte celui de la CIA, c’est désormais une évidence. L’action de la DEA, censée combattre les trafiquants, est donc sujette à caution : sous prétexte d’infiltration, il y a bien eu transport de masses conséquentes de drogue, parfois jusqu’à cinq tonnes d’un coup : nous revoilà projeté au tout premier épisode de notre série avec ce fameux Boeing mauritanien qui en aurait contenu jusqu’à dix tonnes. Et au temps d’un autre innovateur des années 80 dont nous reparlerons bientôt ici-même. C’est absolument vertigineux, pour les sommes qu’elles génèrent, ces tonnes de cocaïne, mais aussi en raison des implications politiques qui font sérieusement questionner : jusqu’à quel niveau des Etats concernés cela remonte-t-il ?

Car ce qui a été découvert avec le cas des onze avions payés par les dollars blanchis, c’est la proximité de ces appareils avec le gouvernement américain. L’une des explications officieuses données est l’infiltration des trafiquants via le programme « Maya Express »dont c’était le but initial. Or, pour cela a-t-on besoin d’autant d’appareils et d’en déguiser certains en avions officiels, ou de faire voler d’autres avec 123 sacs militaires américains contenant la drogue ? Avait-t-on besoin d’avions qui entre deux expéditions de drogue font les transporteurs de prisonniers de Guantanamo ? « Quel sens faut-il donner au fait que le gouvernement passe de la drogue dans le pays lui-même juste pour fabriquer des cas (de flagrants délits) ? Je trouve cela étrange pour une agence légale d’exécuter une opération unilatérale [Maya Express] impliquant que beaucoup de drogue soit transférée hors de Colombie. C’est une indication pour moi que quelque chose d’illégal se passe avec la participation soit des escrocs et / ou les gens du gouvernement, » résume un ancien agent de la DEA. Est ce que ces onze appareils peuvent être l’œuvre de la DEA ? Non, mais bien plutôt celui de la CIA, continue le même auteur : « collecter l’information en échange de laisser un narco-trafiquant gérer son entreprise est une procédure opérationnelle standard pour l’Agence (la DEA). Personnellement, j’en ai été témoin. La DEA a un programme d’application de la loi, la CIA est une agence qui enfreint la loi ». Elle enfreint ouvertement la loi, et la loi, pourtant, vient à son secours quand on enterre en 2009 le dossier de Wachovia en réclamant une amende mais sans pousser plus loin les investigations sur l’argent sale, celui qui a servi à acheter les avions : la Wells Fargo reprend Wachovia (voir ailleurs mon dossier sur Viktor Bout !) on efface tout et les onze avions n’ont donc jamais existé…

Une fois transportée hors de Colombie, il fallait encore la distribuer. La drogue, quand elle ne repartait pas en Floride via Petersburg, ou au Mexique, remontait aussi vers l’Europe via des canaux plus classiques, comme ici en décembre 2007 : « Le jour de Noël, un citoyen britannique, Proud Dbie, 43 ans, a été arrêté avec 16 kilos de cocaïne à tout aéroport de Puerto Plata (en république dominicaine) en tentant de monter à bord d’un avion de First Choice pour Manchester, Royaume-Uni. Le lendemain, une femme hollandaise, Felize Vera, a été arrêtée à l’aéroport même aussi pour la même chose. Pas surprenant alors que le chef de la DNCD, le Major-général Radhamés Rafael Ramírez Ferreira fait référence à 2007 comme une année « exceptionnelle » pour les saisies de drogue. Depuis qu’il a pris ses fonctions il ya 18 mois, 32.000 kilos de drogue ont été détectées, ce qui représente un tiers de du poids de drogue passé ses sept dernières années selon El Nacional ». 32 tonnes en 18 mois !!! La République Dominicaine est bien une fameuse plaque tournante ! Et la preuve en 2010 encore.  Le 11 octobre, se produit un épisode cocasse de la circulation de drogue vers l’Europe : en Belgique, à l’aéroport de de Zaventem, sept personnes sont arrêtées en possession de plus de 91 kilos de cocaïne qui avaient été cachée dans le double-fond de 28 casseroles aux bords particulièrement épais. Parmi les transporteurs arrêtés par la police, des personnes du du Chili, de Suisse, d’Italie, d’Allemagne et d’Espagne. Toutes débarquant avec les mêmes casseroles de de Punta Cana… en République Dominicaine. Dans l’épaisseur des casseroles, de la coke dissimulée.. La semaine précédente, la même police belge avait également annoncé l’arrestation d’un jeune espagnol de 23 ans et d’un Hollandais du même âge qui avaient dans leurs bagages à main 53 paquets de cocaïne d’un poids total de plus de 62 kilos… avaient-ils encore parié sur une « immunité » achetée ?

Le 14 décembre 2009 encore, un Twin Aero Commander à aile haute comme ceux déjà aperçus au Honduras (l’YV-2175 notamment, avec son double vu ici au Panama en 2007) se pose sur l’aéroport de Punta Cana, la principale station balnéaire de République dominicaine, située dans la province d’Altagracia, à 20H 55, piloté par Kenneth Méndez et Gustavo Martinez, deux vénézueliens. L’avion vient de Valencia, la capitale de l’État de Carabobo, au Vénézuela. L’avion porte le registre YV-2058, et la National Drugs Control Agency (DNCD) dominicaine, renseignée par une longue filature, monte à bord alors que les deux passagers, Amílcar Rodríguez et Bárbara Susana, sont déjà descendus. A bord de la soute à bagages, il reste deux sacs. Pleins. Contenant 58 paquets de drogue. Visiblement, les gens à bord s’attendaient à passer avec à la douane sans encombre et se sont ravisés dès l’arrivée des pandores. Informés auparavant, certainement. Car le pays est rongé par la corruption.

Une corruption généralisée en effet qui empêche en fait toute lutte efficace. En mars 2010, « le trafic de drogue alimente la corruption endémique de l’administration dominicaine et ses agents d’exécution, selon le Département d’Etat américain, qui a déclaré dans un rapport ce mois-ci que les unités de police dans leur ensemble sont en cours d’investigation pour leur implication présumée dans le trafic. Ricardo Ivanovich Smester, le comptable présumé du gang de Figueroa a été arrêté le 8 janvier avec un carnet détaillant plus de 1 million de dollars en dépenses sur plus de deux jours en octobre dernier. Parmi les paiements, figurait 175.000 dollars en pots de vin destinés à un obscur procureur et un juge… » On croît la situation désespérée quand soudain une accalmie bienvenue ce profile cet été avec un formidable coup de filet décapitant une tête du réseau dominicain…

Le temps auparavant pour la police de découvrir deux corps déchiquetés sur une plage des îles Sanoa près de Bayahibe : deux corps et des débris d’avion, dont une roue notamment. Les restes d’un crash survenu fin avril 2010, semble-t-il. Une mallette, découverte dans les débris, révélait le nom d’un des deux cadavres : Jaime Alfonso Alvarado Paniagua, un colombien. Selon plusieurs témoignages, les vestiges trouvés auraient été ceux d’un avion abattu par un hélicoptère de l’armée dominicaine de l’Army Air Cavalry Division. L’avion abattu avait été aperçu flottant au dessus des flots le 21 avril, ses capots moteurs perdus, sont train d’atterrissage semble-t-il plié.  L’appareil avait été abattu car ses occupants avaient tiré les premiers sur l’hélicoptère de l’armée. Quelques temps plus tard, le 14 mai 2010, on retrouve l’explication du mystère. En interrogeant au Libéria, à Monrovia, un pilote russe, nommé Konstantin Yaroshenko, soupçonné de vouloir traverser l’Atlantique avec 4 tonnes de coke à bord d’un Ill-76, ce dernier et ses complices notamment Acevendo Sarmiento, trafiquant de drogue notoire, évoquent en effet le cas d’un avion parti de Curacao vers Saint-Domingue avec deux tonnes de drogue à bord et qui était tombé à l’eau « en raison de problèmes mécaniques ». Très certainement l’appareil abattu… Selon le pilote russe, la drogue venait de Colombie et aurait été fournie par les Farcs. Nous reviendrons un peu plus loin sur cet aveu retentissant.

Mais entretemps, donc, bingo, un des chefs de Cartel tombe aux mains de la police. Le 18 juillet 2010 , en effet, énorme « prise » de la police dominicaine, véritablement historique : « Les autorités fédérales ont arrêté un baron présumé de la drogue après une chasse de dix ans à travers les Caraïbes. Connu sous le surnom de « Pablo Escobar des Caraïbes », José Figueroa Agosto portait une perruque quand il a été repéré en voiture dans un quartier dominicain de San Juan le samedi. Quand il s’est rendu compte qu’il était suivi, il a essayé de s’échapper, mais cette fois la police des États-Unis et de Puerto Rico l’ont rattrapé. « Il s’agit d’une arrestation énorme, a dit le procureur des États-Unis Rosa Emilia Rodriguez Escobar, le seigneur de drogue colombien des années 1980, était un forçat évadé qui était mort dans une fusillade avec la police en 1993. Agosto, 45 ans, est soupçonné d’envoi de drogue colombienne aux États-Unis via Puerto Rico, d’où il s’était évadé de prison en 1999 après avoir présenté un faux document de libération. Il avait fait quatre ans seulement d’une peine de 209 années, obtenue pour le meurtre d’un homme soupçonné d’avoir volé un chargement de cocaïne. Un mois plus tard, il s’installait en République Dominicaine et avait même été brièvement détenu au cours d’une enquête de drogue de 2001 mais avait été libéré parce qu’il avait en utilisé un pseudo ». On le voit : à l’arrestation heureuse d’un des barons locaux, on découvre qu’il a pu vivre sur place longtemps caché ; dix années (ça bat Ben Laden !). A faire des tas de métiers, semble-t-il…  La presse et les médias se feront les choux gras de la visite de la maison du trafiquant, de l’exposition de son bolide de sport ou des photos de ses fiestas… et même de ses prises d’otages (*), ou de sa petite amie Sobeida Félix Morel,qui a réussi à fuir, impliquée elle dans la confiscation par la police de 4,6 millions de dollars saisis dans son SUV. Le coup est dur, mais ce n’est pas ce qui va freiner pour autant les trafiquants, loin de là. Il y a toujours autant de drogue qui sort de Colombie. Une quasi-tradition qui nous ramène à Lepaterique, en 1979, au Honduras, où s’entraînent de drôles de mercenaires… Ceux que l’on va appeler les Contras, d’abord aidés par la dictature argentine de Videla, puis par… la CIA. La drogue va y jouer un rôle primordial.

(*) tous les reportages (en espagnol) sur l’arrestation du « Pablo Escobar des Caraïbes »de ont été regroupés ici :

http://losmoncionero.com/noticias/?…

http://dominicanoshoy.com/typo3temp… ;

http://www.buscandofotos.com/yiJYym…

http://www.buscandofotos.com/yHjQo6…

http://www.buscandofotos.com/yO00oD…

http://www.buscandofotos.com/yigY7D… ;

 

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