Coke en stock (XI) : La Mena, et après
Barry Seal revolvérisé, l’activité de la Mena ne s’est pas arrêtée pour autant. Bien au contraire. La base demeura fort active, et continua ses trafics, dont certains mèneront directement à… l’Afghanistan. Car l’endroit se distingue aussi par ses activités annexes, notamment les ateliers de peinture d’avion, où nous l’avons vu avant hier le bimoteur de Jacques Brel était même passé ! On y peint et on repeint des avions, et on joue avec leurs numéros d’enregistrement sous le regard d’Hinton, ami personnel de G.W.Bush devenu directeur de la FAA. Drogue, maquillage d’avions, pilotes mercenaires : la Mena est une véritable ruche, d’où sont sortis pas mal des appareils ayant connu des destins funestes. Le plus souvent, on retombe sur la même filière, liant la Colombie ou le Mexique à la Floride, via le refurbishing de la Mena, petit aéroport à l’activité… démesurée.
Après la mort (attendue) de Seal, la base continue de plus belle son activité. Le visiteur le plus régulier de Mena était un C-130, numéroté N4469P, enregistré en Australie, qui sera régulièrement vu en Floride, à Fort Lauderdale. Le 27 juillet 2001, la police australienne intercepte sur un bateau sa meilleure prise de tous les temps : 1117 kg de cocaïne. Il y en a pour plusieurs centaine de millions de dollars. Répartis dans 38 sacs de drogue débarqués à Dulverton Bay, au nord de Geraldton, d’un bateau appelé « The White Dove ». Cinq personnes sont arrêtées : Carlos Arturo Suarez-Meija, Fernando De Le Espirella et Joaquin Edward Lalinde, trois colombiens et deux amércains : Joel Parrish et …William Roger Reaves. Celui qui avait guidé Seal vers le Cartel de Medellin ! Reaves héritera de 25 ans de prison en 2002.
On trouve aussi dans les registres de Skyway, lors de sa faillite de 2004, des débiteurs interéssants. Un syrien notamment : Manzer Al-Kassar soupçonné d’avoir importé des armes en France, Espagne et Hollande, selon un article du Reader’s Digest en 1986 ou d’avoir vendu des roquettes ou des pistolets à la Libye, à l’Iran, au Yemen et au Liban, en même temps qu’au trafic d’héroïne. Un homme lui en avait acheté pour 1,5 millions de dollars d’armes : c’était l’omniprésent Oliver North. Dogue contre armes, une vieille histoire connue. Avec au bout un gouvernement caché avec ses propres moyens pour cache tout ça, dira fort justement au procès North le Sénateur Inouye…
A bord des avions de la Mena, d’autres armes, produites en Arkansas celles-là, grâce à une couverture fort pratique : une fabrique de parc-mètres appellée POM cachant Iver Johnson, un fabrique d’armement devenue en 1993 American Military Arms Corp (AMAC) ! Une cassette enregistrée assez sidérante du proche conseiller Webster Hubbel (le Karl Rove de Clinton !) évoque le transfert d’armes via la firme POM, mais pas n’importe laquelles… des têtes nucléaires, une histoire citée par un journaliste local, certes, mais une histoire que ne dément pas Webster Hubbel dans cet enregistrement d’antthologie !!! Des cones de rentrées de fusées de l’arsenal de défense des USA ! Sidérant ! Vendus à qui ? On ne le saura sans doute jamais !
Un autre journaliste, Terry Reed avait largement accusé Clinton de couvrir le trafic de cocaïne de drogue de la Mena : on l’avait alors accusé, sa femme et lui de vol d’avion de tourisme. Il savait de quoi il parlait en tout cas : c’est un ancien employé de la fameuse compagnie de la CIA, Air America, qui avait convoyé de la drogue au Laos et avait été recruté comme instructeur par Oliver North en personne ! Blanchi, son enquête ressort en 1992 à la réélection de Clinton, que cerains veulent abattre politiquement, les républicains notamment. On y montre à nouveau Russell Welch, le responsable de la police de l’Arkansas, évoquer sans fard le trafic de drogue important selon lui. Les journaux télévisés montrent alors des images de la Mena et « des avions de Barry Seal« . Au milieu, un superbe »high tech smugglin plane« . Non pas un Cessna 441, mais bien un Piper Navajo de1977 doté d’une conversion à moteurs plus puissants et hélices quadripales. La conversion Panther. Presque le modèle utilisé quinze ans après, en 2007, par nos trafiquants façon Mermoz !! L’histoire ne date pas vraiment d’hier ! La photo empruntée au reportage vidéo décrit est visible ici en bas du texte. Un Piper qui se rendra assez souvent aux Bahamas…
Parmi les pilotes de la Mena, et certainement un des pilotes de ce genre d’appareil, figurait Tosh Plumlee, qui utilisait l’aéroport de la Mena au nom de la CIA pour le trafic de drogue des Contras. Plumee a beaucoup de choses à raconter, c’est évident. Hélas, on ne pourra pas le savoir avant… 2020 : lors de l’enquête menée par le sénateur John Kerry (oui, l’ex-candidat), il a déposé sous serment sur ces activités de transporteur de drogue pour la CIA. Hélas, sa déposition ne sera rendu publique que dans 10 années seulement ! Le temps de protéger Clinton, très certainement. Plumlee avait déjà révélé une petite partie dans on livre »Black Knights of Cuba », où il évoquait sans détours les liens entre les anti-castristes et l’assassinat de Kennedy.
A la Mena, il y a tout ce qu’il faut pour transformer, repeindre ou équiper des avions. Le trafic de l’ère Clintonnienne a été tel qu’il a généré toute une kyrielle d’entreprises autour des pistes d’atterrissage. On n’a que l’embarras du choix !! ! Peinture, encore peinture, toujours peinture… Il y en a une autre aussi, située elle au Kansas, qui va retenir plus particulièrement notre attention : elle s’appelle Dodson International Parts Inc. Car cette firme de pièces détachées d’avion nous mène directement aux petits appareils dont nous avons suivi les trajets à travers l’Atantique, mais aussi à de plus grands, et nous raccroche donc tous les wagons ensemble. Les avions décrits ne sont pas liés seulement à un simple trafic de drogue certes de grande envergure. Ce sont bien des appareils liés à la CIA, dont beaucoup proviennent du même lieu. L’atelier de peinture et la préparation des Conquest, s’il est quelque part, ne doit pas être bien loin.
A la Mena, on trouve encore une étrange entreprise. R&C Aviation à l’intitulé limpide "Specializing in Aircraft Structural Repair and Modifications" . On ne peut rêver mieux. Récupération (« recovery ») par exemple des appareils vautrés : par exemple un très joli Learjet, ayant raté son atterrissage le11 août 2007, à l’île Dominique, entre La Martinique et la Guadeloupe. C’est R&C qui va aller le chercher et le ramener aux USA. Or le numéro de cet appareil chez nous fait tilt : c’est le N500ND de World Jet … firme américaine du Delaware. Le crash était fortement soupçonné d’avoir été provoqué par « un trop gros chargement »… mais l’avion était aussi un de ces fameux jets des « renditions flights« , alliant si efficacement transport de prisonniers et trafic de drogue ! La même entreprise se chargeant de réparer juste à côté un C-12 de l’US Army ayant heurté un oiseau en vol ou de monter des antennes supplémentaires sur le Dash-8 E9A de l’US Air Force ! Un engin que l’ on retrouve en vol le 7 septembre 2008, muni de ses nouvelles oreilles arrières. Et nettement plus impressionnant de l’autre côté ! Bref, dans cette entreprise, on mêle aussi bien civil que militaire… ou appareils de la CIA !
On n’en veut pour preuve que l’information survenue le 15 décembre 2008. Alors que trois Cessna 441 Conquest ont déjà été saisis en Afrique de l’Ouest, un quatrième s’apprêtait visiblement à effectuer quelque part une autre livraison. Oh, celui-là n’aurait pas pu traverser l’Atlantique : c’est un Cessna 402 seulement, aux moteurs classiques à pistons (des Continental TSIO-520-VB) et non à turbopropulseurs. Il voulait atterrir ce jour là sur la petite île d’El Porvenir in dans l’archipel de San Blas (au Panama). Il provenait de l’aéroport d’Albrook (Panama) et se rendait logiquement à Bocas del Toro (toujours au Panama), mais avait interrompu sa route et coupé sa radio pour atterrir « en urgence » à El Porvenir : toujours le même coup tenté, ou peut être une panne réelle ce jour-là. Bocas del Toro est ladernière étape avant l’Atlantique, et dispose d’une piste de porteurs un peu plus gros. Ou d’autres facilités intéressantes. Visiblement, le petit Cessna 402 sert de convoyage dans ce cas : il ne peut raisonnablement traverser. En fait, il n’a pas eu le temps de se rendre à Porvenir, étant forcé à atterrir, contraint et forcé par l’aviation Colombienne sur un terrain de fortune colombien appelé Mandarino Sur près de Carepa, dans la province d’Antioquia. Certainement le petit terrain privé près de Turbo, le plus grand port d’exportation de la banane de la région. Une région où les paramilitaires ont largement sévi.
L’avion avait déjà été suivi le 31 octobre qui précédait en provenance de Josefa Camejo International, l’aéroport de Punto Fijo, au Venezuela. Avec de fortes suspicions déjà. Bingo : à peine posé de force, l’appareil révèle la bagatelle de 850 kilos de drogue à bord ! Etalée sur la base Colombienne, c’est plutôt impressionnant comme saisie. L’avion porte le numéro N811PW. Son propriétaire, un certain Roberto Gomez, habitant… la Floride. Un américain. Selon lui, il venait de le revendre à un … vénézuélien. Toujours le même. Gomez avait acheté l’appareil en 2004 à Dodson… Kansas. On avait même, cette fois, la photo des commanditaires… manque de chance ; elles ont été floutées par la DEA américaine…
A Mena, il y avait aussi des visiteurs plus gros a-t-on dit. Exact : des Boeing 727 notamment. Qui venaient voir une des sociétés installées sur l’aéroport de Mena Intermountain Municipal Airport : Mena Aerospace Inc, une société très impliquée aujourd’hui au Bahrain. En 2006, un Boeing 727, justement, venait régulièrement visiter cet aéroport : enregistré lui aussi sous le nom de Dodson, il arborait les couleurs d’Ariana Afghan Airlines. Retapé visiblementpar Mena Aerospace, le voilant fringant en grèce arborant les couleurs afhganes, tout en ayant gardé son registre américain N191 RD : étrange comportement ! C’était en fait l’ancien YA-FAX, vu ici à Roissy en juillet 1993. Pas tout jeune, en effet… un avion qui, en 1991 volait encore aux couleurs d’Air France.., et même en 1988 sous le registre F-GCDI.
Mais aussi d’autres 727 tout aussi intéressants : sorti des ateliers de peinture de la Mena, un Boeing 727-100 N4610 hors d’âge…. vendu à l’armée de Robert Mugabe ! L’appareil, repeint hâtivement en blanc avait été saisi au Congo en mars 2004 avec à bord 64 mercenaires ! Une vente effectuée via une société écran sud-africaine appelée « Logo Logistics Co » et censée être une mine de diamants d’Afrique du Sud… Parmi les intermédiaires mouillés… le fils sulfureux de Margaret Thatcher ! Or l’appareil venait de où ? De Rantoul, Kansas, l’endroit où est situé l »usine de son fournisseur : Dodson Aviation Inc ! Dodson, qui, pour acheter ses appareils ne s’embarrasse pas trop et les achète à l’équivalent des domaines américains. Il lui reste encore en 2010 un 727 datant de… 1981, par exemple…. or à bien regarder… il s’agit bien du même appareil décrit un peu plus haut : le fameux N-191RD qui date, selon la firme de 29 ans et qui a volé ses 24 814 heures sur 17 164 rotations ! En voilà encore un autre bon concurrent à la fin de vie désertique, je trouve ! Pour le vendre, il faudra penser à lui remettre ses réacteurs (enlevés ici en avril 2009)…et des 727 à vendre, ce n’est pas ce qui manque en effet. Certainsreconvertis en avions pour Vips… d’autres en configuration cargo idéale… pour entre 2,95 millions de dollars pièce à peine pour ce modèle par exemple. Une paille, comparé à 10 tonnes de coke. Sur internet, quand on ouvre le dossier Dodson, on trouve de tout, comme ce CASA 212 broyé qui a raté son atterrissage à Mokhotlong Airport . Or cet aéroport est au Lesotho : comment un appareil dans cet état a-t-il pu atterrir au milieu du Kansas, mystère. A part de servir de pièces détachées à Blackwater, dont c’est l’avion favori….
Les deux propriétaires du Gulfstream N987SA crashé dans le Yucatan étaient Clyde O’Connor et Greg Smith deux pilotes de Floride. Ils avaient aussi acheté un autre jet, un Hawker 125 numéroté N230TS qui lui aussi à servi aux renditions flights. De 2001 à 2005, l’appareil avait changé cinq fois de registration : un coup Connors, un coup Smith sous les noms d’entreprise de Shewcon LLC de Miami, Foride ; Edax Investment Corp. de Nassau, aux Bahamas ; ou de Core Investments de Fort Lauderdale, Floride ! En juin 2005, le fameux Hawker revenait à… Dodson International Parts Inc. de Rantoul, Kansas…. décidément.
C’est tout un petit monde en fait tournant autour des mêmes personnes depuis des années. La preuve en est un autre avion encore : un Hawker 700, de World Jet inc, encore une fois. Le N49RJ. Le 26 septembre 2007 on découvrait que cet avion allait être utilisé par une personne fort particulière : Luis Posada Carriles, dont nous avions déjà parlé ici, à propos de son rôle auprès des anticastristes au sein de la CIA. Selon les informations recoupées, l’avion appartiendrait à Alberto Herreros qui ne serait autre que le dénommé « Alberto » de l’affaire des Constras. Herreros est à la tête en effet de Mountain Aviation LLC, à Cheyenne dans le Wyoming. En cherchant un peu, on découvre que ce fameux Hawker 700 a été importé… de russie (? ??) ! Et qu’à 4 reprises entre 1999 et 2000 il a été acheté puis revendu entre Mountain Aviation et World Jet !
L’avion de 900 000 dollars a changé de mains pour un seul à chaque transaction : on ne lui a que changé les papiers de registration en fait. La technique habituelle des trafiquants ou des avions des « renditions flights ». Le Vénézuela demande toujours son extradition, il a été reconnu coupable en 2007 de l’explosion du vol 555 de Cubana, ayant fait 73 morts, est assigné à résidence, mais il est libre de prendre l’avion… en qualité d’homme toujours protégé par la CIA.
Anciens 727 repeints, petits 441 désossés, ateliers de peinture d’entretien et de réparations, on semble bien avoir trouvé le nid là…. et ce n’est pas fini !
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