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Accueil du site > Tribune Libre > Conjecture abc et poésie mathématique spéculative

Conjecture abc et poésie mathématique spéculative

On parle beaucoup depuis quelques jours, dans les pages sciences de publications telle Nature et les blogs avertis, de la possible preuve de la “conjecture abc” par un mathématicien de renom, Shinichi Mochizuki, de l’université de Kyoto au Japon. Sans entrer dans des considérations mathématiciennes que je ne maîtrise pas, cette preuve serait une avancée majeure dans la théorie de nombres et en particulier des problèmes diophanyiens - dont le plus connu est sans doute le dernier théorème de Fermat.

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Spirale de Ulam
Center for Image in Science and Art _ UL http://www.flickr.com/photos/lcisa/

Ce qui semble le plus extraordinaire dans cette annonce, et qui fait que sa confirmation risque de prendre un certain temps sinon un temps certain, est que Mochizuki a dû développer tout un ensemble de concepts et d’outils mathématiques que personne d’autre que lui ne semble maîtriser. Sa preuve fait quelques 500 pages et repose sur d’autres articles du même auteur qu’il faut déjà comprendre pour être en mesure de suivre sa démonstration.

Il n”est pas facile de trouver des informations accessibles à des non spécialistes sur ce que cette preuve signifie réellement, à un niveau plus philosophique que strictement mathématique. Selon le chercheur John Baez du MIT, qui connaît Mochizuki personnellement, le nombre d’idées radicales (dans cette démonstration, ndt)dépasse largement celui des idées connues. Parmi les difficultés, son travail sonde le coeur profond du langage mathématique tel que ce que nous voudrions réellement dire quand nous parlons d’un chiffre ou d’une figure géométrique, et comment ces choses pourraient s’interpréter d’une manière très différente des conventions habituelles. En fait ce travail se base sur des relations très profondes, de nature géométrique, entre ces différentes interprétations… Dans un style plus poétique, il (Mochizuki) il est train de littéralement démonter les objets mathématiques conventionnels de manière terrible, et de les reconstruire dans de nouveaux univers. De ceci je pense comprendre quelque chose. Par contre comment il arrive à revenir ensuite dans notre univers habituel d’une manière ayant des conséquences concrètes sur la théorie des nombres, je n’ai pour l’instant aucune idée… La méthode de Mochizuki, si elle est validée par la communauté mathématicienne, va sans doute offrir une manière totalement nouvelle d’appréhender chiffres, nombres et autres objets mathématiques. Une nouvelle fondation pour les mathématiques est une idée dans l’air du temps, même pour les mathématiciens éloignés de considérations philosophiques, à cause notamment des nouvelles notions de temps et d’espace requises par certains développements de la physique théorique. 

Que la preuve de Mochizuki soit validée ou non ne changera pas grand chose à notre quotidien, mais l’hypothèse d’un monde mathématique radicalement différent de celui que la science, sous toutes ses formes, explore depuis quelques millénaires me semble être du même niveau que par exemple la découverte du boson de Higgs dont j’ai souvent parlé sur ce blog.

Pour pousser le bouchon un peu plus loin, certaines anciennes traditions humaines établissent des liens entre chiffres, formes et monde physique (cabale, numérologie, astrologie, tarot…) que la science actuelle réfute comme autant de charlatanisme du fait qu’elle ne dispose d’aucune base lui permettant d’en comprendre les principes, si principes il y a. Mais tout comme la physique quantique nous oblige à considérer que le monde ne se soumet pas à la rationalité quelque peu primaire de l’académisme classique, une refondation des mathématiques pourrait ouvrir la porte à un nouveau paradigme dans laquelle un grand nombre de phénomènes aujourd’hui considérés comme non recevables par la science, retrouveraient toute leur place. Si, mathématiquement parlant, les nombres et les formes sont quelque part (pour l’instant, dans la tête de Mochizuki) liées de manière beaucoup plus intime que ce que notre pensée réductionniste nous laisse croire aujourd’hui, peut être pourra t’on prendre au pied de la lettre l’axiome comme quoi “tout est information”. Qu’il existerait, par exemple, une forme de correspondance entre l’image chamanique de serpents entrelacés source de vie, et l’image scientifique de la double hélice d’ADN également source de vie, qui ne serait pas une simple coïncidence mais au contraire un lien très fondamental, deux images un peu déformées de la même chose. Tout comme en physique quantique, l’intrication de deux particules capables de maintenir entre elles une corrélation indépendante de la limite de la vitesse de la lumière, ne serait en fait que deux aspects d’une seule et même chose. Et quelle serait alors cette “chose” sinon une parcelle d’information pure et qu’une nouvelle mathématique pourrait arriver à décrire ?

Et pour aller encore plus loin, tant qu’on y est, est-ce qu’une nouvelle mathématique pourrait faire le lien avec la notion que tout ce que nous sommes, tout ce que nous percevons n’est que la projection “holographique”, en 3D, d’un univers ”réel” qui ne serait composé que de “bits” d’information intrinsèques à l’Univers. Ce qui est une autre manière de concevoir des liens intimes entre des formes dont la réalité existerait dans une autre dimension que la nôtre. Pour plus de développement sur ce concept, je vous invite à (re)lire le billet L’Univers, l’hologramme et nous.

Mais il va falloir être patient avant de voir où ces développement nous mènent…


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5 réactions à cet article    


  • Gollum Gollum 15 septembre 2012 09:20

    Pour pousser le bouchon un peu plus loin, certaines anciennes traditions humaines établissent des liens entre chiffres, formes et monde physique (cabale, numérologie, astrologie, tarot…) que la science actuelle réfute comme autant de charlatanisme du fait qu’elle ne dispose d’aucune base lui permettant d’en comprendre les principes, si principes il y a.


    Et surtout la science actuelle réfute tout ceci parce qu’elle ne veut surtout pas admettre que des connaissances très supérieures venant de la nuit des temps puissent exister. Car alors comment expliquer cela ? Pourtant les nombres ont quasi toujours la même signification quelque soit le système symbolique. Le nombre 4 est par exemple toujours mis en relation avec l’idée de Création. 

    Hors il est notable que le Yi Jing chinois propose une « carte » de lecture des différentes situations possibles de l’Univers de 64 figures et dont les « briques » fondamentales sont les digrammes chinois au nombre de 4. 
    Il a d’ailleurs été noté déjà la profonde parenté de structure entre les hexagrammes chinois et la structure de l’ADN dont on sait qu’il est formaté par 4 bases : adénine, cytosine, thymine et guanine. Le célèbre Tai Chi chinois fait irrésistiblement penser à la double hélice de l’ADN vu par dessus.

    Le carbone est fondamental pour le vivant de par sa tétravalence (quatre électrons disponibles pour former des liaisons chimiques)..

    En Kabbale la structuration sur le nombre 4 est essentielle. Le Tétragramme ou nom sacré de Yahvé comprend 4 lettres. Le Sepher Yetzirah propose une répartition des 22 lettres de l’alphabet hébreu dans l’espace structuré par les 4 directions. La lettre ב (Beith) est la lettre dévolue à la Création dans le Zohar et se trouve au Centre même de la structure proposée par le Sepher Yetzirah. Hors la valeur de cette lettre est 4 selon le système d’Abellio.

    L’Univers est régi par 4 forces fondamentales, qui permettent l’émergence de celui-ci.

    Il n’y a en tout et pour tout que 4 particules stables (les autres étant évanescentes) : électron, proton, neutron, photon.

    Il ya 4 types de champs : Scalaire, spinoriel, vectoriel, tensoriel.

    Donc quand l’astrologie se sert des quatre éléments : eau, feu, terre, air, on devrait peut-être la reconsidérer d’un autre œil.  smiley

    • Gollum Gollum 15 septembre 2012 09:25

      On peut rajouter aussi les 4 saisons, les 4 Yugas des cycles indiens, connus aussi des grecs sous la dénomination des âges d’or, d’argent, d’airain et de fer, et connus aussi du monde hébreu puisque la statue du songe de Daniel n’est pas autre chose..


    • Gollum Gollum 15 septembre 2012 09:30

      Le monde chrétien connaît lui aussi la structure du Tétramorphe (Aigle, Lion, Taureau, Ange) directement reprise de la vision d’Ezéchiel et qui correspond aux 4 signes fixes du zodiaque (Scorpion, Lion, Taureau, Verseau) ce qui montre bien un ésotérisme chrétien malgré les dénis qui seront de moins en moins tenables des Églises officielles..


    • BarbeTorte BarbeTorte 15 septembre 2012 20:48

      et les 4 L


    • Deneb Deneb 15 septembre 2012 09:30

      Merci, sujet passionnant.
      La mathématique est une technique permettant de fabriquer des machines. Le but ultime serait, bien-sûr, de comprendre et de contrôler le comportement de la nano-machinerie des protéines. Mais ce n’est, hélas, pas demain que l’on arrivera à mathématiquement saisir la complexité du vivant.

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