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Accueil du site > Tribune Libre > Cour des Comptes, ou Cour des contes ?

Cour des Comptes, ou Cour des contes ?

Le compte est bon... Sûrement. Mais la Cour des Comptes ? Est elle aussi exacte et précise que ses propres calculs ? 

Cette vénérable institution, qui abrite la crème des hauts fonctionnaires produits par nos hautes écoles, est toujours à la manoeuvre pour auditer les finances des organismes publics, même aux moments les plus délicats comme un début de quinquennat. 

Et pourtant, on a souvent l'impression qu'elle bégaie, refaisant sans cesse ses constats précédents. Et, quand on y pénètre, on découvrre parfois des erreurs de calcul, ou des vérités bien vite enterrées, avant même d'être dites.

Alors, Cour des Comptes ou Cour des contes ? Le temps est-il venu de la remettre En Marche ? 

Voilà, un quinquennat commence et, comme il faut être sérieux avec les comptes publics, on fait faire un audit. L’auditeur, sans le moindre doute, est cette vénérable institution répondant au nom officiel de Cour des Comptes.

 

Des fonctionnaires rompus à l’exercice de lecture des comptes publics en tout genre, ceux des collectivités ou des ministères, des agences publiques (plus de 1200 en France !) , des entreprises publiques comme la SNCF, des politiques publiques comme celles du logement ou de la lutte contre le chômage. Bref, la Cour des Comptes, c’est LA référence pour juger si une chose publique est bien gérée ou non.

 

C’est une institution abritant environ 735 magistrats, au budget de fonctionnement annuel d’environ 200 millions d’euros. Jusqu’ici tout va bien, ou disons rien ne va mal.

 

Première petite question de citoyen curieux, cependant : le recrutement. Il est quasiment exclusivement fait chez les énarques, pour qui la sortIe DE L’ENA dans la Cour des Comptes es une belle performance, un peu après toutefois l’Inspection générale des Finances. Pourquoi petite question ? Parce qu’en termes de diversité culturelle on n’y est pas vraiment. Au moment où le pouvoir semble vouloir donner au pays la chance d’être mieux représenté dans les lieux influents, serait ce une bonne idée d’amener à la Cour des Comptes des gestionnaires venus du privé, ayant vécu des transformations d’organisation qui jouaient leur survie,

 

Mais que font en pratique ces magistrats galonnés ? Des rapports.... Des synthèses d’analyses brillantes et fouillées, Des rapports qui, ce n’est pas rien, contiennent des points de vue louangeurs ou critiques qui sont rendus publics. Une transparence d’avant garde, qui honore l’institution, même si en pratique ces rapports ne sont lus que par quelques happy few. Mais, comme dans presque toutes les institutions de contrôle, les avis et recommandations sont juste indicatifs. Ils ne s’imposent pas aux entités évaluées, et sot e fait souvent suivis de peu d’effets.

 

Innovation toutefois, depuis quelques années, le rapports font l’objet d’un suivi d’évaluation, histoire de vérifier si certaines choses se sont améliorées. Le nouveau président semble avoir fait de cette approche un modèle qu’il souhaiterait voir le parlement adopter. Moins légiférer pour plus évaluer. Belle idée, certainement, mais il va certainement falloir former ces nouveaux députés aux pratiques complexes de l’évaluation des choses publiques, où la rentabilité ne peut être l’alpha et l’omega de la performance. Alors, peut on compter sur la Cour des Comptes pour être les formateurs à ce bel objectif ?

 

Hélas ma modeste expérience directe avec cette institution me fait craindre que non. Car sous les apparences du contrôle détaillé il y a comme partout dans l’administration le principe premier du « surtout pas de vagues » et celui du « temps long, laissé aux traditions ». En voici deux exemples, assez hallucinants, tout de mon cru :

  • « les données diraient la vérité, comment ne pas les montrer ?  ». Cette approche bien triste m’a été révélée lors d’échanges avec des magistrats de l’institution, à l’occasion d’une étude il y a quelques années sur les politiques d’aide aux jeunes pousses. Les jeunes pousses, ou start up, ce sont ces nouvelles entreprises innovantes, souvent numériques, qui font rêver les politiciens car elles peuvent créer des emplois indispensables pour résoudre le problème du chômage. Alors d’innombrables dispositifs se sont créés pour leur faciliter tout. Pépinières, incubateurs, exonérations de taxes, prêts d’honneur ou à taux zéro… Beaucoup de ces politiques ont un coût public, et le gouvernement souhaitait savoir lesquelles étaient vraiment utiles. Voilà la Cour des Comptes naturellement mandatée pour cette mission croustillante… Et complexe, car les entreprises naissantes sont un peu des OVNIs abstraits pour les hauts magistrats de la rue Cambon. Aussi décident ils sagement de s’entourer d’un aréopage d’entrepreneurs et experts du domaine pour les accompagner pendant l’audit. L’un d’eux me contacte, avant le premier conseil, à l’écoute d’idées nouvelles. Je lui en suggère deux : (i) ne pas se limiter à interviewer des dirigeants des organismes publics d’adire, pais aussi des entrepreneurs, qui ont reçu des aides ou à qui on les a refusées, pour comprendre le point de vue du terrain sur ces aides et leurs modalités et (ii) quantifier les performances des organismes, en regardant le devenir moyen terme des sociétés aidées. La seconde idée fait mouche, et me voilà, deux semaines plus tard, dans les bureaux de la Cour, avec un industriel fournisseur de données pertinentes, pour détailler l’approche au magistrat chef de mission et à son adjoint. Ils sont perplexes, et souhaitent savoir comment on peut mesurer cette performance concrètement. Très simple, leur disons nous ; demandez aux organismes que vous allez voir de vous donner la liste des sociétés qu’ils ont aidées il y a trois à cinq ans, ainsi que les sommes allouées. Nous allons ensuite, grâce à nos bases de données, regarder si ces sociétés existent encore, et si elles ont créé des emplois. Et nous vous fournirons ainsi, pour chaque organisme, une mesure des emplois créés par rapport à l’argent investi. Une mesure au fond très simple de performance. Les magistrats sont vifs, ils ont tout de suite compris, et une question fuse. Oui, mais les organismes en question ne sont tout de même pas seuls à influencer le devenir des entreprises. C’est juste, répondons nous, mais choisir d’aider des entreprises qui vont trouver d’autres appuis par ailleurs, ou non, cela fait partie du talent de sélection des sociétés aidées, et d’ailleurs les investisseurs en capital risque, qui apportent des sommes importantes aux entreprises en développement, ne sont pas non plus les seuls à permettre le développement de l’entreprise, mais on ne leur accord pas cette excuse pour justifier leurs éventuelles erreurs. Les magistrats sont maintenant convaincus que ces mesures sont possibles, et qu’elles peuvent être pertinentes. Mais elles sont très nouvelles, et risquent de parler très clair. Le risque de vagues commence à apparaître. Et un doute avec lui : nous sommes au mois de mai, il faut rendre le rapport final en août, avec un pré rapport en juillet. Est ce compatible avec ces prouesses de calcul ? Sans problème, répondons nous, si nous disposons des données des sociétés en juin. Car il faut une semaine maximum pour transformer la liste des entreprises aidées en indice de développement, c’est la magie de la donnée bien qualifiée. Nous ajoutons, pour éliminer les derniers soucis éventuels, que nous sommes prêts à faire ce travail gratuitement, parce que nous croyons que le pays en bénéficiera, si le volume d’entreprises n’est pas déraisonnable. Alors nos magistrats sont face à l’inconnu. Terra incognita ; une analyses inattendue, originale, pertinente, et potentiellement très contributrice une réponse claire à la mission. La faire, ce serait incroyable d’intelligence et d’audace, mais l’avoir découverte, n’est ce pas déjà un grand pas en avant ? C’est la question du chef de mission, qui me dit « oui, oui. C’est très clair. Et je me demande si… Nous devrons faire l’analyse, peut être sur trois quatre centres, ou recommander dans notre rapport que cette analyse soit faite ? ». Une bonne odeur de patate chaude se répand dans le bureau. « Bien sûr, je comprends », dis-je avant d’ajouter, « Et, si quelqu’un devait le faire, qui cela pourrait-il être ? Par exemple tel service du ministère de l’industrie ? ». Ce service, en charge d’études diverses, est effectivement le mieux placé au sein du ministère pour conduire de telles analyses. Mais j’ai déjà eu l’occasion de suggérer à de ces dirigeants de s’emparer des ces approches analytiques pour développer des outils pour le terrain. « Pas notre rôle », m’a-t-il répondu, « il ne faut pas empiéter sur les domaines des autres services ». C’est certain, surtout si personne ne fait rien et qu’une idée innovante, pertinente à développer en central pour tous les territoires, apparaît. Il vaut mieux espérer que les territoires s’en emparent tout seuls. Avec un déficit public à plus de 3% du PIB par an et des millions cde chômeurs, attendons encore un peu. Mais n’oublions pas le premier principe de l’administration : surtout pas de vagues. Et revenons rue Cambon, dans ce bureau de la Cour des Comptes. Exactement ! ‘, me répond le chef de mission, « Eux par exemple. ». « Eh bien non », confirmé-je, « pour diverses raisons ils ne feront rien de votre recommandation… Alors, vous qui avez en main, maintenant, la chance de changer les façons d’analyser et de donner des résultats vraiment nouveaux et pertinents ». L’entretien se termine. L’écoute a été forte, les analyses ne seront pas faites, elles ne l’ont toujours pas été, des années plus tard. Mais certainement une nouvelle étude sur l’efficacité de l’aide publique aux jeunes pousses, (une vraie question sans doute pour le gouvernement Macron, qui croit aux jeunes pousses mais n’a déjà plus de sous), sera confiée bientôt à … La Cour des Comptes ! Who else ?
  • « Francéclat, un petit bijou qui aveugle la Cour ?  ».. Francéclat ! Joli nom pour… Une agence d’Etat, régulièrement auditée par la Cour des Comptes (dixit le site web de l’Agence), qui travaille pour l’industrie des bijoux et des arts de la table en France,. Quelle est sa mission : collecter une taxe spécifique et en utiliser cet argent pour prendre des initiatives publiques qui aident la profession dans son ensemble. Un organisme basé dans le très chic 8ème arrondissement, Ce dont il est question ici, ce n’est pas de savoir si ce comité doublonne ou non avec les syndicats professionnels de ces secteurs, c’est plutôt du rythme de vie que les règlements internes y mettent. Des cadres, jusqu’à un niveau très élevé dans l’organisation, ont une stricte obligation d’horaires de travail quotidien. Il faut être là de 9h à 12h, et de 14h à 16h30. Peut-être est-ce une façon originale de sortir du cadre (les cadres ?) des 35h, quoiqu’il ne soit sans doute pas interdit de faire plus.… Une clause que je n’ai jamais vue dans mes contrats mais, il est vrai, je ne suis pas un joyau drille. La Cour des Comptes, qui pointe régulièrement l’absentéisme ou les taux de jours maladie dans les administrations, n’a sans doute pas encore ouvert le sujet des horaires de travail dans ses audits réguliers de Francéclat… Monsieur le ministre, de grâce, vite, donnez à la Cour une nouvelle occasion de libérer l'énergie bridée des cadres de Francéclat. Principe d'égalté, ils le méritent bien.

 

Alors oui, le temps est venu de choisir.

 

Soit la vieille dame de la rue Cambon conserve encore son nom, et il est temps alors de relever les compteurs, d’arrêter le théâtre et les robes d’hermine, de passer du comique de répétition de rapports identiques tous les trois ou cinq ans à des avis qu’enfin, il faudra prendre en compte, à des comptes rendus par les choses contrôlées, tous les ans, des améliorations, en y conditionnant une partie du budget de la chose contrôlée et des primes des juges de la Cour elle-même.

 

Soit rebaptisons-la, simplement, Cour ces contes, et laissons nous couler.  

 

 

F. Lainée

Fondateur des Politic Angels


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4 réactions à cet article    



    • Daniel Roux Daniel Roux 5 juillet 2017 09:21

      Ce qui est remarquable également, c’est le joyau d’hypocrisie que sont les « voies d’améliorations » proposées bien à propos par la cour des comptes au gouvernement, juste avant la déclaration de politique générale du Premier Ministre.

      Ce sont en réalité un programme politique de rigueur visant principalement les classes moyennes et les fonctionnaires, un programme MACRON post élection.

      Ce n’est absolument pas dans les attributions de la Cour des Comptes d’intervenir dans le gouvernement de la France.

      Il est clair que Migaud a été instrumentalisé, à l’insu de son plein gré, pour servir de prétexte à la renonciation de certaines promesses électorales. Et toute les médias de reprendre cet évènement historique sans aucune critique républicaine, ni aucun recul. Macronmania oblige !

      Autant, il serait souhaitable que la Cour des Comptes est un droit de poursuite pour les cas avérés de détournements d’argent, autant son intervention politique est inacceptable.


      • troletbuse troletbuse 5 juillet 2017 09:49

        La Cour des Contes fait partie de la politique de moralisation de la vie politique, mais uniquement pour rire.


        • eric 5 juillet 2017 17:53

          Pour autant que j’ai compris, la CdC ne controle pas du tout la bonne gestion, mais une gestion conforme aux regles publiques. En revanche, en mettant des elements au rapport public, elle permet aux citoyen de sanctionner, via les elections ou les medias. Pas suffisant. Je me souviens, je crois que c’etait Montreuil, municipalite communiste. Ils avaient achete des camions a frites, qui servaient essentiellement une fois par an a la fete de l’huma. Tout etait fait dans les regles. Tout etait legal. Et du moment que la population re votait pour eux, parfaitement legitime politiquement. Rien a redire donc. Bonne gestion ? A voir... ils auraient peut etre pu louer. Un certain nombre de facteurs politiques jouent aussi. Ainsi, quand Joxe etait patron, il conseillait ses amis sur les moyens d’eviter les problemes avec la,Cour, voir sanctionnait les magistrat trop conciencieux. Sur l’affaire des restaux du coeur et des detournement d’argent via les societes de madame Colluci par exemple. Seguin et Migaud ont fait preuve de plus d’exemplarite. Autremaspect, quand un parti et au pouvoir, ses copains de la Cour vont dans les ministere et vice vedsa. En tendance, la,cour est peuplee de conseillers plutot d’opposition. C’est aussi une bonne chose pour la democratie. Sarko, historiquement un des President qui on le plus fait pour les droits de l’opposition avait en son temps renforce ce phenomene en donnant la presidence a un socialiste.

          Bref, on pourrait parler longtemps,de cette institution, mais en gros, on peut dire que cela va mieux avec que sans.

          Au dela, il faudrait des audits prives. Vraiment objectifs puisque pqyes a la qualite de leur travail. On est pas pret de voir cela a mon avis.

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