Crise à l’UMP : quelles leçons en tirer pour l’avenir ?
Les crises, quelle qu’en soit la gravité, ont toujours quelque chose de positif. Elles nous obligent à nous interroger sur les « choses » que nous prenons jusqu’alors pour acquises et à tirer des enseignements pour l’avenir. La crise qui aujourd’hui déchire l’UMP ne doit pas échapper à la règle, pourvu que le parti y survive. Née d’une élection calamiteuse, la crise de l’UMP donne l’occasion de tirer au moins deux enseignements dont on parle, malheureusement, assez peu. Le premier enseignement porte sur les limites du « vote papier » et les aléas du dépouillement manuel. On ne devrait plus jamais faire porter aux hommes et aux femmes la lourde responsabilité de décider de la validité ou de l’invalidité des bulletins de vote déposés par les citoyens, surtout dans le cas d’une élection serrée. Le deuxième enseignement (il y en a d’autres) porte sur la « culture démocratique » au sein des formations politiques de droite, de l’UMP en particulier. Il semble qu’en essayant d’imiter le Parti Socialiste pour désigner son « chef », l’UMP s’est prêtée à un exercice qui ne lui correspond pas du tout.
Sur le dépouillement manuel des « votes papier », il ne se pose, a priori, aucun problème majeur lorsque le vainqueur l’emporte avec un écart considérable (5, voire 10% d’écart). En revanche, lorsque la victoire se joue, comme on dit, sur une courte tête, la question des bulletins écartés du décompte final se pose avec pertinence. Or, depuis un certain temps, les élections se gagnent de plus en plus à l’arrachée. Les candidats se sont suffisamment professionnalisés pour que le scrutin culmine sur de gros écarts entre concurrents. Ce qui pose la question des bulletins écartés.
En effet, quelles que soient les raisons pour lesquelles ces bulletins sont invalidés (bulletins blancs, nuls ou écartés d’autorité) ils deviennent un point d’achoppement dans une élection comme celle de Jean-François Copé déclaré vainqueur avec une avance aussi « microscopique » (50,03%).
Dès le lendemain de la proclamation des résultats, les fillonnistes ont fait remarquer que les votes d’Outre-Mer avaient été écartés et leur prise en compte aurait assuré la victoire à François Fillon, le favori du scrutin, plutôt qu’à son challenger. Les copéistes ont, de leur côté, rétorqué en pointant du doigt les irrégularités çà et là dans les circonscriptions favorables à l’ancien locataire de Matignon.
Il semble que les polémiques de cette nature sont parfaitement évitables si on consacre pour de bon l’utilisation systématique de l’outil informatique. Le citoyen se présente devant un écran, il coche la case de son choix et appuie sur « validez ». Son vote est instantanément enregistré dans le résultat final, qu’il suffira, à l’issue de scrutin, de constater. Finis les bulletins litigieux (blancs, nuls et autres) et le fastidieux travail de dépouillement manuel. La machine s’occupe de tout.
Bien entendu, la question de la fiabilité des « machines à vote » sera soulevée par quelques réfractaires, mais qui devront être rapidement rassurés. Au 21ème siècle, les partis politiques ont la possibilité de mandater des informaticiens de leur obédience pour s’assurer de la fiabilité du système électronique mis en place.
Le recours à l’outil informatique peut même être étendu jusqu’au domicile de l’électeur. Ce dernier se connecte sur un fichier mis à sa disposition par le Ministère de l’intérieur, en charge de l’organisation des opérations de vote. L’électeur se fait identifier à l’aide, par exemple, des données personnelles figurant sur sa carte d’identité. Il opère son choix, à son domicile même, valide son vote en regardant la télé ou entre deux tâches ménagères. En quelques minutes, il s’est acquitté de son devoir civique.
L’acte citoyen deviendrait aussi simple qu’un achat en ligne. Un vote effectué de son domicile qui aurait au moins deux avantages et pas les moindres. Il éviterait la phase du dépouillement des votes papiers et les risques de polémiques qui vont avec. Il contribuerait surtout à réduire considérablement le taux d’abstention. Les files d’attente devant les bureaux de vote sont parfois de nature à décourager l’électeur. Par ailleurs, les personnes souffrantes ou à mobilité réduite n’auraient qu’à se connecter pour s’acquitter de leur devoir citoyen sans être obligées de se déplacer jusqu’aux bureaux de vote.
Mais on n’en est pas encore-là. En attendant que le législateur se saisisse un jour de la question, voyons le deuxième enseignement que l’UMP devrait tirer de sa crise actuelle…
On est maintenant convaincu qu’il y a deux cultures politiques en France, avec un ancrage plus profond qu’on aurait pu l’imaginer jusqu’alors. Dans les partis de droite, le « chef » émerge « naturellement » et s’affirme grâce à tout un travail en amont des compromis, de négociations et des consensus. On parle de « leader naturel ». Ce fut le cas d’Alain Juppé puis de Nicolas Sarkozy pour l’UMP. C’est le cas de François Bayrou pour le Modem, de Jean-Louis Borloo pour l’UDI, de Nicolas Dupont-Aignan pour Debout la République,… On ne voit pas comment les choses pourraient en être autrement. Ce sont des personnalités qui s’imposent « naturellement ».
En revanche, à gauche, les batailles sont rudes entre concurrents. Là où Nicolas Sarkozy était pressenti candidat dès 2002, François Hollande est parti de nulle part (très bas dans les intentions de vote) pour finir, à force de lutte, candidat du Parti Socialiste en l’emportant sur des concurrents présentés à un moment comme des favoris (Martine Aubry, Ségolène Royal,…). En 2007, Ségolène Royal s’est littéralement « arrachée » d’entre des concurrents qui ne lui ont pas fait de cadeau (Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius,…) pour s’imposer comme candidate PS à l’élection présidentielle.
Bref, à gauche, les débats et les batailles électorales font partie des traditions profondes alors qu’à droite, il faut le moins de débat interne possible. Une rude concurrence sur le modèle de ce qui se passe au sein du Parti Socialiste et l’UMP se retrouve au bord de l’implosion.
On a sûrement été pétri de nobles intentions en organisant l’élection du Président de l’UMP un peu « pour faire comme le PS ». Mais l’expérience débouche sur un tel fiasco que de plus en plus de militants préfèreraient, à l’avenir, œuvrer pour faire émerger un leader naturel plutôt que de se fier au hasard du verdict des urnes.
François Fillon aurait pu être ce leader naturel mais il s’est, peut-être naïvement, prêté au jeu électoral face à un adversaire (Jean-François Copé) qui n’était nullement disposé à jouer de la figuration. Il s’est battu avec acharnement alors qu’un consensus interne aurait pu éviter à l’ancien parti majoritaire une crise d’une telle ampleur.
Pari réussi pour le maire de Meaux. Mais quel gâchis !
Boniface MUSAVULI
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