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Accueil du site > Tribune Libre > Déclarons le « peer to peer » d’utilité publique !

Déclarons le « peer to peer » d’utilité publique !

De nos jours, la liberté et la culture ne sont elle pas plus étouffées par les droits d’auteurs et droits voisins qu’elles n’en sont protégées ? Je ne reviendrai pas sur les multiples atteintes à la liberté d’expression causées par les diverses lois HADOPI/HADOPI2… Attachons-nous à la protection de la culture elle-même.

On nous dit que le système actuel de droits d’auteurs est là pour protéger la culture et garantir les droits des artistes mais… rien n’est moins sûr !

En effet nombre d’œuvres, malgré les nombreux canaux de distribution existants, sont inaccessibles. Prenons quelques exemples :

Le film de Jean Yanne « Moi y’en a vouloir des sous », produit par la société de production Cinequanon (créée par Jean Yanne) et dont les droits actuels me semblent être la propriété de Artistes Associés, n’est pas accessible à la vente. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il en est de même pour la représentation filmée de la pièce « Le Bourgeois Gentilhomme » avec Louis Seigner (Propriété de la Comédie Française, de TF1 vidéo et de René Château video) qui n’est pas distribuée à cause de divergences juridiques au sujet de ces fameux droits d’auteurs entre les différentes parties.

On voit donc que ce système pénalise les « consommateurs » de culture (alors que c’est tout de même pour eux qu’elle est conçue) mais qu’en est-il des auteurs ?

 Pierre Étaix (probablement à cause d’une maladresse de sa part) s’est vu dépouiller de ses droits sur ses films par une entreprise qui refusait de les éditer. Le cinéaste a dû dépenser une fortune en frais de justice pour retrouver le droit de restaurer et de diffuser ses propres films (ils étaient en train de s’abimer dans les caves du propriétaire). Il a même été obligé de se faire aider financièrement par la filiale cinéma de l’opérateur de téléphone Orange qui possède dorénavant des droits sur ces films… (Un autre procès en perspective dans quelques années ?) Ne parlons pas d’autres cas tels que Jacques Tati et autres grands artistes, qui se sont fait (légalement) dépouiller de leurs œuvres.

Le système actuel ne protège donc ni le citoyen avide de culture, ni l’artiste supposé vivre de son travail.

Penchons-nous également sur un autre problème : la sauvegarde des œuvres dans le temps. Les entreprises propriétaires des droits, les organismes officiels tels que l’INA ou des fondations privées dépensent des fortunes en conservation et préservation d’œuvres. Cependant des centaines d’œuvres disparaissent tous les jours. Pour s’en convaincre essayez de trouver un enregistrement de Sarah Bernard ou un des premiers films de George Mélies… ils ont, pour beaucoup d’entre eux, déjà disparu, victimes des guerres, faillites d’entreprises, incendies …

Le peer to peer est désigné actuellement comme le grand fossoyeur de la culture pourtant :

· Il permet un accès universel à la culture (les œuvres citées plus haut y sont disponibles alors qu’elles ne le sont pas dans les réseaux « officiels »).

· Il permet une sauvegarde des œuvres (la multitude de copies partagées sur des milliers de disques durs compense la non fiabilité de ces mêmes disques)

· Le coût de distribution est quasi nul.

Effectivement il pose le problème de la rétribution des artistes mais il a tout de même, comme nous venons de le voir, d’énormes avantages. Et si nous essayions tous de réfléchir à une méthode nouvelle de rétribution au lieu de chercher les moyens techniques, illusoires, de combattre cette évolution majeure ? La licence globale est une piste ; est-ce la bonne, je ne sais pas, mais discutons-en, proposons des méthodes alternatives et soyons innovants.

L’invention de l’écriture, puis de l’imprimerie et enfin de la diffusion (broadcasting) ont posé à la culture le même genre de problèmes. Ils ont été résolus chaque fois malgré les conservatismes et, chaque fois, les artistes n’ont finalement pas eu à s’en plaindre.

Je pense donc que nous devrions utiliser notre énergie à construire le nouveau modèle nécessaire à l’utilisation des techniques numériques et à valoriser le « peer to peer. »

J’irais même plus loin : le peer to peer doit être déclaré d’utilité publique et devrait recevoir l’aide de l’état plutôt que ses foudres.

En 1967 André Malraux, ministre de Charles de Gaulle déclarait à l’assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/andre-malraux/discours/malraux_9nov1967.asp

Au fur et à mesure du développement des machines, nous observons un développement exactement parallèle dans l’ordre de l’imaginaire. On avait dit que la civilisation machiniste ne ferait que des robots. C’est faux, elle ne fait pas du tout des robots parce qu’elle accroît et va accroître encore davantage le temps des loisirs, […] Si d’ici une génération nous arrivons, comme il est probable, à la semaine de quatre jours de travail, il est bien évident que l’imaginaire jouera un rôle géant dans les trois autres jours.

Et il ajoute :

Il faut bien admettre qu’un jour on aura fait pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l’instruction : la culture sera gratuite.

Passons sur le fait que ce Gaulliste convaincu voyait comme une évolution logique de notre société la semaine de 32h (la génération suivante, c’est nous), il affirme que :

· Nous allons avoir de plus en plus de temps à consacrer à la culture comme nous avons eu au XIX de plus en plus de temps à consacrer à l’éducation.

· Cette culture devra être gratuite.

Quel meilleur système que le peer to peer pour en arriver à cet idéal ? Il nous faut donc plancher dur afin de trouver le nouveau modèle qui fasse coexister la liberté d’accès à la culture et la juste rémunération des artistes.


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10 réactions à cet article    


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 21 juillet 2009 11:11

    Bien argumenté : enfin, une autre façon de voir le PtoP. C’est à creuser...

    Personnellement, je ne télécharge pour ainsi dire que des films qu’on a énormément de mal à trouver en diffusion « concurentielle, libre et non faussée, à des prix astronomiques », et des séries télé, pour lesquelles tout a déjà été payé lors de la diffusionà la télé. Je serais assez favorable à des sites de PtoP « classiques à sauvegarder ».

    Après tout, Arpanet, l’ancêtre d’Internet, avait pour but d’assurer un maximum de sécurité dans les sauvegardes en cas d’attaque nucléaire...


    • HELIOS HELIOS 21 juillet 2009 12:31

      ... je verrais bien un «  »« HENORME »«  » serveur appartenant a l’INA par exemple ou a la bibliotheque nationale contenant tous les films et series de plus de 3 ou 4 mois.... avec mise a disposition gratuite d’une version numerique de qualité moyenne genre 720x416 (mp4).

      L’etat est la pour finacer la « culture » donc paye le serveur... et les droits d’auteurs pourraient faire l’objet d’un algorithme calculé sur le taux de téléchargement (par exemple) alimenté par les taxes sur les supports, les debits ... et la redevance puisqu’il s’agit de diffusion !
      Les montants ne seraient pas pharamineux , mais a mon avis significatifs. 

      ceux qui veulent la version HD achetent le dvd.


      • Homme Champignon 21 juillet 2009 17:20

        Bonne idée cette mise a disposition en « basse résolution » mais pourquoi centraliser et faire payer l’état (tous les citoyens). Avec le p2p légal ce sont les utilisateurs (bénéficiaires) qui mutualisent leurs ordinateurs et paye la licence globale. (ceux qui préfèrent utiliser le modèle CD physique seront libre de continuer sans être obligé de financer les autres)
        Il suffirait alors de créer un système légal (Français Européen ou Mondial) de p2p avec des statistiques de téléchargement permettant de répartir la licence globale a chaque auteur.


      • HELIOS HELIOS 22 juillet 2009 10:39

        ... tout simplement pour s’assurer de l’exhaustivité des oeuvres disponibles dans les conditions choisies !

        Je suis sans doute vieux jeu, mais quand on fait quelque chose, on le fait bien.

         Je ne dis pas qu’il faut un seul serveur, je dis qu’il doit exister un « serveur », qualifions le de virtuel, et peut etre composé de serveurs sous la responsabilités des ayants droits, peu importe.

        Ces serveurs physiques font l’objet d’un cahier des charges precis. Les oeuvres concernées, exactement comme l’enregistrement des publications a la bibliotheque nationale : Un CD/DVD est publié, une emission est diffusée, alors ils ont droit a un « visa » qui existe déja, et doivent etre accessible selon les conditions techniques définies.
        une obligation de continuité, de qualité, de disponibilité et de statistique est imposée, et, contrepartie legitime, une participation de l’etat est allouée pour le systeme et la bande passante en fonction de ce que je viens de citer précedement.

        J’insiste, cher champignon, pour vous rappeler un elément fondamental d’une société, d’une civilisation, c’est ce qu’on appelle la mutualisation et la solidarité. on peut, comme vous le dites, ne rien faire et laisser les internautes partager ce qu’ils veulent, c’est donc la porte ouverte a la jungle, en particulier pour ceux qui n’ont pas les moyens techniques, financier, l’audience etc... la culture a un prix, comme la defense etc... accepteriez vous d’achetez vous rafales, vos portes avions et louer vos combattants ? non, la nation le fait et vos impôts les payent, même si vous n’etes pas directement menacé. Accepteriez vous de payer la recherche contre le cancer, pour soigner le votre (j’espere que vous n’en aurez pas un) seulement si vous etes malade ? non, les autres l’ont fait pour vous et vous avez encore une fois payéavec vos impots, même si vous mourrez en bonne santé !!!

        la culture n’est pas un bien, marchand comme les autres, elle doit etre, au moins partiellement pris en charge par la communauté, et pas seulement par ceux qui la consomme.

         Il y a divers moyens de le faire a des endroits bien precis de la chaine culturelle :
        --- A la formation c’est a dire a l’ecole --- payé par tous
        --- a la creation (suvention, aide, defiscalisation) --- payé partiellement par tous et aussi par le sponsoring , a pub en fait et par la commande (le majors)
        --- par la consommation (cinema, tournée, support physique cd/dvd) --- payé par celui qui consomme
        --- a la diffusion --- quand les media public diffusent et payent la sacem, c’est payé par tous


        Je propose simplement que la communauté paye d’une certaine maniere une partie de la diffusion car comme on le voit elle fait encore partie de la junge, celui qui peut en profite les autres non, alors que la communauté a déjà participé a la formation et la creation.
         La diffusion par les media anciens etant un canal trop etroit pour tout diffuser, il faut donc parrticiper, par equité aussi, a la diffusion en mesurer l’impact par des comptages et en remunerer donc les createurs.


        Voila, cher champignon, pourquoi il faut tous payer pour ces serveurs là.... ce qui n’exclue pas d’autres choix.
        C’est a ce prix que le P2P deviendra un vrai media culturel rémunerateur pour les artistes puisqu’il sera le declencheur de flux. l’argent de ce flux est prelevé déja aujourd’hui sur les supports enregistrable, on peut imaginer d’autres sources en s’assurant de leur legitimité, leur moderation et leur equité... la sacem se rejouira alors de recevoir cet argent...


      • saint_sebastien saint_sebastien 21 juillet 2009 13:46

        ·« Cette culture devra être gratuite. »

        et son cout de production doit être entièrement financé par vos impots , d’ou qu’elle vienne de part le monde...

        et vous devrez aussi travailler gratuitement tant qu’on y est , votre employeur ne va pas vous payer pour produire du gratuit quand même...


        • Homme Champignon 21 juillet 2009 16:26

          Tout le problème est bien là Saint Sébastien !

          Le numérique est là comme l’a été l’écriture l’imprimerie… il faut faire avec. Maintenant on essaye de créer un modèle viable pour tous qui englobe ces nouveaux outils ou on les criminalise…

          Pour ce qui est de la phrase « Cette culture devra être gratuite », elle n’est pas de moi mais d’André Malraux. Il ajoutait cependant : « Et déjà, la télévision, contre une redevance assez faible, constitue un moyen de culture énorme. » Pensait-il déjà a la licence globale ?

          En tout cas licence globale ou autre chose je penses que nous devons trouver un nouveau modèle conciliant les droits des auteurs et les nouvelles technologie sinon ce seront ces derniers qui en patinerons !

          Pour ce qui est de travailler gratuitement… c’est justement ce que nous faisons tous sur Agoravox !


        • HELIOS HELIOS 21 juillet 2009 16:35

          Personne n’a parlé de gratuité !

          Mais, il y a un (petit) ecart entre industrie et culture.

          Si, ceux qui font de la « culture » ne sont pas d’accord pour une rémuneration plus faible que le rançonnage pratiqué aujourd’hui, ils sont libres de faire autre chose, y compris leurs oeuvres qu’ils diffuseront en privé, dans des salles privées, sur une télévision privée et encryptée etc...

          Les autres, se contenteront des revenus des salles de spectacle actuelles, des droits reversés par les Sacem et de cette « participation » collecté pour compenser la mise a disposition des oeuvres. (sans oublier les subventions tirées de nos poches qui leurs ont été accordées à la realisation).

          Votre remarque sur le travail gratuit n’est pas vraiment contextuelle, puisque ceux qui travaillent contre salaire ne pretendent pas faire de l’art ou de la culture, d’ailleurs ils n’ont aucun droit sur le travail une fois terminé.


        • Lisa SION 2 Lisa SION 2 21 juillet 2009 14:23

          La loi Hadopi est une tentative de légalisation d’une version adaptée du révisionnisme d’avant guerre, mais contre l’outil numérique d’aujourd’hui. Elle a pour but de rayer de la carte toutes les oeuvres et vidéos jugées à caractère subversif, et de sanctionner les internautes qui frayent dans ces recherches et se tournent vers ces formes de cultures alternatives. Un exemple, elles disparaissent déjà à foison sur bien des sites sans explications dont certaines pour des raisons incompréhensibles. Jugez plutôt : http://www.letransmuteur.net/l-homme-qui-parle-avec-les-plantes/ la page de ce site, qui va fermer ses portes en septembre, et deux articles étonnants. La vidéo du premier heureusement décrits en textes éloquents a déjà disparu, peut-etre par l’entremise du géant monsan-dopi...

          Comment justifier une telle censure autrement que la répression contre notre culture agricole...


          • c.d.g. 21 juillet 2009 17:00

            a rapprocher de ce qui arrive aux proprietaires de kindle. (lecteur de livre electronique)
            amazon a efface sur leur kindle des livres qu ils avaient achetes suite a un probleme de droit d auteur.
            le plus fort c est que c est 1984 de george orwell qui a ete efface !!!


            • sleeping-zombie 22 juillet 2009 10:27

              La culture, enfin, disons plutôt les oeuvres audio-visuelles se doivent d’être gratuite pour l’utilisateur final, tout simplement parce qu’avec l’essort d’internet, ces oeuvres sont devenues reproductibles à l’infini, pour un coût quasi-nul, et surtout pris en charge par le souscripteur de l’abonnement.
              Aux esprits chagrins qui veulent y voir la mort de la culture :
              -a. La culture n’a pas attendu les droits d’auteurs pour exister, j’ai pas les stats, mais je suis sùr qu’un artiste « en herbe » ne touche aucun droit d’auteur (ou alors un truc purement symbolique) et qu’il ne peut en vivre qu’une fois atteint le statu d’artiste renommé, ce qui est paradoxal, vu que le mécanisme de droit d’auteur est censé encourager la création (qu’a fait M.Jackson ces 10 dernières années ?).
              -b. Il existe un autre domaine où la « denrée de base » est librement reproductible à l’infini, c’est la connaissance. De mémoire j’ai jamais payé de droit d’auteur à Pythagore pour son théorème, ni rétribué directement le prof qui me l’a enseigné, pourtant les chercheurs cherchent, les profs enseignent, et ils ont de quoi vivre. Il y a derrière un modèle économique déjà en place, pérennisé par plus d’un siècle de fonctionnement dont la branche audio-visuelle de la culture ferait bien de s’inspirer.

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