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Accueil du site > Tribune Libre > Divorce : une réforme à l’emporte-pièce

Divorce : une réforme à l’emporte-pièce

Le mariage est libre. Le divorce ne l’est pas. Après la réforme de la carte judiciaire qui bat son plein, c’est la déjudiciarisation du divorce qui revient à l’actualité. Depuis 2005, la procédure du divorce par consentement mutuel a été simplifiée. Désormais, lorsque les époux s’entendent sur les conséquences du divorce - partage des biens, autorité parentale, pension alimentaire - ils comparaissent une seule fois devant le juge, contre deux auparavant. Une réforme proposée début décembre consisterait à ne plus obliger les époux devant le juge, mais, au lieu d’une déjudiciarisation totale, à confier aux notaires le constat de l’entente des époux.

La manne encombrante

Une réforme a été envisagée permettant d’aller plus loin dans la déjudiciarisation du divorce. Mercredi 12 décembre, le Conseil de modernisation des politiques publiques, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a imaginé que, pour le divorce par consentement mutuel, lorsque les époux sont d’accord sur l’ensemble des conditions du divorce, le recours au juge ne soit plus nécessaire et qu’il soit possible de procéder, simplement, à un enregistrement de l’acte devant un notaire..

Avec quelque 150 000 divorces par an, le divorce encombre les tribunaux et constitue une manne financière. Les avocats protestent. Les notaires approuvent. Les juges sont dubitatifs. Pour le système judiciaire, il reste que les affaires familiales encombrent les tribunaux alors qu’il apparaît possible de recourir à d’autres moyens plus économique pour l’Etat.

Si la présentation de cette réforme n’apparaît pas être faite pour permettre aux personnes de mieux régler leurs différends, mais plus pour faire des économies sur les justiciables, il convient de la prendre sous un autre angle. Il convient de voir là une possibilité de faciliter l’exercice de la liberté relationnelle. Pour aller jusqu’au bout, pour les époux qui souhaitent se séparer et qui s’entendent sur les conséquences de leur séparation, une simple déclaration en mairie devrait suffire.

Le mariage et le divorce relèvent de l’exercice de la liberté

Les règles qui devraient être applicables au divorce devraient respecter les conditions du divorce. Il devrait être possible de divorcer aussi librement que l’on peut rompre tout autre contrat. Il n’existe aucune raison que des professions exercent un droit de contrôle quel qu’il soit sur la liberté relationnelle et contractuelle.

Chaque personne est capable de décider pour elle-même. Considérer le contraire, c’est avoir un a priori méprisant sur la capacité des personnes à exercer leur liberté relationnelle et contractuelle. Placer une profession, en l’occurence les notaires, en intermédiaire pour vérifier le libre consentement des parties, c’est considérer que les personnes ne sont a priori pas honnêtes et qu’il convient de les placer sous surveillance d’un officier ministériel.

Renforcer la possibilité d’exercer la liberté relationnelle et contractuelle

Il serait plus sein de considérer une réforme non pas par rapport aux éventuelles économies qu’elle devrait obligatoirement entraîner à l’avantage de l’Etat - lequel n’oublions pas est l’instrument administratif de la nation qui le finance - mais de l’intérêt qu’elle représente pour les citoyens de cette nation.

Concernant les divorces conflictuels ? La médiation devrait être, elle, rendue le passage obligée avant toute procédure judiciaire. En effet, la médiation est le seul moyen actuel permettant de prolonger l’exercice de cette liberté fondamentale lorsqu’un conflit apparaît. Les propositions de la chambre professionnelle de la médiation et de la négociation dans le cadre du projet de directive européenne relative aux règlements amiables des différends civils et commerciaux vont dans ce sens.

Donc, en cas de consentement mutuel, la rupture doit être aussi simple que pour tout contrat. Dans le cas de conflit, c’est la médiation qui doit être proposée, voire imposée avant toute procédure, considérant que les parties sont enfermées, contraintes, par un conflit et que le rôle d’un médiateur doit être d’accompagner les parties dans une réflexion sur leurs choix de vie dans cette circonstance de changement nécessaire.


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11 réactions à cet article    


  • Lucrezia 15 décembre 2007 10:09

    Si le Divorce est un acte aussi important que ne le prétendent nos Avocats Français, alors pourquoi ne préconisent-ils pas que le Mariage aussi soit enregistré non plus devant le Maire mais devant le Juge !?

    En effet, « seul » un Juge surtout accompagné de 2 avocats ne saurait mieux défendre les intérêts des 2 parties et ainsi proposer le meilleur contrat de Mariage ! Plutôt que de laisser deux futurs Mariés bâtir « seuls » leur contrat de Mariage ...


    • Asp Explorer Asp Explorer 15 décembre 2007 10:19

      Ce qui fait que les avocats se bagarrent tant, ce sont tous ces divorces a priori à l’amiable qui finissent par tourner à la guerre des tranchées parce que les avocats des deux parties jouent la surenchèrent et pourrissent la situation. Au final, aucun des deux divorcés ne gagne plus qu’avec un divorce à l’amiable, mais ils ont perdu les honoraires. Se soucient-ils du bien-être de leurs clients, lancés dans un procès qui peut durer des années ? Et les éventuels enfants ? Pas le moins du monde.

      Si cette loi passe, ce sera bien la première réforme Sarkozy que j’applaudirai des deux mains.


      • Jean-Louis Lascoux Prosope 15 décembre 2007 11:30

        Evidemment, la déjudiciarisation est importante. Mais il est que la liberté relationnelle resterait sous contrôle. Il ne faudrait pas maintenir une surveillance quelconque. Les arguments font toujours peur, puisqu’ils sont juridiques, et que le droit est précisément fondé sur les anticipations craintives. En résumé, les notaires seraient les heureux bénéficiaires de cette déjudiciarisation.


      • Traroth Traroth 17 décembre 2007 17:46

        Je suis d’accord. Contribuer au pouvoir d’achat des avocats n’est pas une raison suffisante pour continuer la manière de faire actuelle. Toutefois, par prudence, il faudrait inclure à la nouvelle loi une clause permettant au notaire de refuser de prononcer le divorce et de renvoyer l’affaire au juge si l’accord entre les époux est vraiment trop délirant, pour éviter les cas les plus flagrants spoliation, ou dans l’intérêt des enfants, par exemple.


      • mimi 15 décembre 2007 10:24

        C’est une manne pour les avocats car le divorce coute cher Alors les sous toujours les sous................... C’est de la liberté de chacun de choisir si besoin est de prendre un avocat ou non


        • Francis, agnotologue JL 15 décembre 2007 11:24

          Il me semble que l’on joue à l’apprenti sorcier. Dans les mariages, c’est souvent pot de terre contre pot de fer. Nombre de divorces par consentement mutuels peuvent reproduire l’injustice que le mariage entretenait et se révéler être une autre catatrophe pour la ’victime’ mais la solution la plus sûre pour échapper rapidement à une situation devenue invivable.

          La société peut s’en désintéresser. On peut aussi y regarder de plus près, systématiquement. C’est ce que l’on fait actuellement. Les notaires ne sont pas habilités pour le faire, ils n’en ont ni la compétence, ni la mission. Sans parles de possibles conflits d’intérêt que parfois cela peut occasionner.


          • Jean-Louis Lascoux Prosope 15 décembre 2007 12:00

            Il est toujours tentant de se méfier de la capacité des autres à décider. De plus, c’est vrai qu’une ambiance conflictuelle crée des positionnements de type dominant-dominé. La conséquence de cette perception ’’dominant-dominé’’ est de soumettre à l’arbitrage d’un juge le règlement juridique et technique du différend. Or, la proposition serait de rendre obligatoire la médiation avant toute procédure judiciaire. L’effet permettrait de purger l’ambiance conflictuelle et d’accompagner la recherche de solution technique et de la raisonner selon les règles d’un nouveau contrat. J’insiste bien sur cette notion de ’’nouveau contrat’’ qui est mis en évidence par les médiateurs de la chambre professionnelle de la médiation et de la négociation. En effet, dès lors que le conflit est purgé, ce qui relève de l’intervention du médiateur, pourquoi continuer à placer une méfiance dans ce contrat ? La méfiance est issue du droit, pas de l’établissement volontaire des relations entre les personnes.


            • Francis, agnotologue JL 15 décembre 2007 12:33

              Prosope, si c’est à moi que vous répondez, je m’excuse, je n’ai rien compris.


            • Francis, agnotologue JL 15 décembre 2007 12:34

              Précisison : Je n’ai rien compris dans votre réponse.


            • Jean-Louis Lascoux Prosope 15 décembre 2007 13:18

              Un communiqué de l’AP : ’’Le Conseil national des barreaux appelle à la grève mercredi prochain pour protester contre la réforme du divorce’’ (Source Nouvel Observateur du 15.12.07). Trois arguments sont présentés dans ce communiqué : 1) le fait de maintenir une surveillance judiciaire sur un libre contrat ; 2) le marché que représente le divorce pour la profession d’avocat 3) rien ne justifie de confier aux notaires un monopole (une manne) de cette nature.

              Au nom de la CPMN que je préside, je peux indiquer que l’intervention de la profession d’avocat nous apparaît en tout état de cause plus légitime que celle de la profession de notaire. S’il s’agit de s’assurer d’une procédure, sous réserve que l’avocat exerce sérieusement son devoir de conseil, c’est la profession d’avocat qui est la mieux placée.

              Néanmoins, la déjudiciarisation devrait s’imposer, au nom de la liberté relationnelle et contractuelle. La défiance ne favorise pas la liberté. Rien n’empêche les parties en désaccord de consulter un avocat. La CPMN propose une démarche qui accompagnerait les personnes dans la rupture. Si le divorce est judiciarisé à l’initiative des parties, le juge devrait pouvoir imposer la médiation et pas seulement la proposer. C’est en ce sens qu’il devrait y avoir une réforme du droit : 1) déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel 2) obligation de participer à une médiation en cas de judiciarisation à l’initiative des parties ; ce qui permettrait de mieux gérer les influences externes simultanément aux éléments affectifs constitutifs du conflit ; l’avocat interviendrait sur les éléments juridiques que l’intervention du médiateur n’aurait pas permis de régler et, éventuellement, comme pour tout contrat, pourrait être amené à soumettre l’arbitrage au juge.


              • nine 24 janvier 2008 12:39

                Il est surprenant que le débat se focalise sur les revenus des avocats.

                Il me semble que le point essentiel de cette "réforme" est le fait que dorénavant il faudra payer pour se faire juger : c’est le retour au système judiciaire de l’Ancien Régime. Pourquoi la Révolution française ?

                Il serait souhaitable de ne pas sytématiquement regarder dans la direction que les services de com du ministère nous indique et de nous approprier un peu plus les débats dans leur ensemble. Certains devraient développer leur esprit critique (entendu au sens noble).

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