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Accueil du site > Tribune Libre > Du Caravage de Toulouse aux tableaux de Loches

Du Caravage de Toulouse aux tableaux de Loches

Un chef-d'oeuvre du Caravage retrouvé dans un grenier (Paris Match). Le Caravage retrouvé en France est-il vrai ? (Le Figaro). Des oeuvres d'art tombées du ciel (le Point). Qu'en est-il des tableaux de Loches ? (Nouvelle République).

Suite à ces publications et après le débat citoyen qui a suivi la publication de mes deux précédents articles sur Agoravox, que penser de tout cela ?

Primo... Qu'à mon avis, le tableau de Toulouse, intitulé "Judith décapitant Holopherne" est bien un Caravage authentique, qu'il s'agit d'une première version de qualité, exécutée vers 1599, suite à une commande de 1598, que cette version a probablement été refusée par le commanditaire, que la dite version a été vue en 1607, à Naples, au domicile du peintre Frison, disciple du maître, lequel en a fait une copie de qualité très moyenne, et enfin, qu'il ne peut s'agir que du tableau retrouvé à Toulouse qu'un lointain ancêtre de la famille aurait ramené d'Italie.

Secundo... Que ce n'est pas la seule fois que Caravage se serait vu refuser un tableau par le commanditaire. Dans cette hypothèse, le tableau de la Galerie de Rome serait une deuxième version, la version définitive à laquelle Caravage aurait apporté des modifications pour satisfaire le dit commanditaire.

Tertio... Qu'en ce qui concerne les deux tableaux de Loches dont l'attribution à Caravage est discutée, il y a lieu de procéder à un raisonnement.

Ce raisonnement, le voici.

Primo. Vu l'importance que donne la communauté scientifique à une oeuvre lorsqu'y figure la signature de son auteur, il s'ensuit que la dite communauté doit prendre en considération le grand tableau intitulé "Le mariage de la Vierge" que j'ai présenté dans mon article du 16 avril, et où le Caravage a inscrit, sur la mitre du grand prêtre, les initiales M AM S, Michel Angelo Merisi Schola, École de Michel Ange Merisi (les deux lettres du centre partagent une jambe commune). De même qu'il a inscrit MACO, Michel Ange Caravage Opus sur la lame de l'épée de son "David avec la tête de Goliath". J'ai écrit que la Vierge de ce tableau était dans le style de Guido Reni, soit qu'il l'ait peinte, soit qu'il l'ait reproduite dans ses futurs tableaux. Et cela signifie qu'il était, à ce moment-là, l'élève de Caravage. J'ai dit également qu'il était prévisible que les deux hommes se brouillent, vu le caractère emporté du maître.

Secundo. Il faut bien se persuader que Caravage était une star de l'époque, et que l'accrochage d'un de ses tableaux dans une église était un évènement qui attirait les foules pieuses. L'arrivée sur le marché d'un outsider, en la personne de Guido Reni, apportait un intérêt supplémentaire et un esprit de compétition qui faisait vivre l'actualité. C'est ainsi qu'au David et la tête de Goliath de l'un fait pendant celui de l'autre où il est probable qu'ils se sont représentés. 

Tertio. Dés lors que l'on admet que Guido Reni a travaillé dans l'atelier de Caravage et qu'après y avoir tout appris, il l'a quitté, de deux choses l'une, ou bien cette séparation s'est faite en bons termes, ou bien, elle s'est faite dans la douleur et la rivalité, ce qui est le plus probable. 

Quarto. Et voilà bien la difficulté qui se pose à l'expert. Comment attribuer une oeuvre à l'un ou à l'autre si l'élève copiait le maître pour se faire la main d'abord, puis pour le concurrencer. Quelle fiabilité serait une investigation poussée si, à cette époque, ils peignaient tous deux de la même façon, s'ils avaient les mêmes trucs d'atelier, les mêmes produits, les mêmes toiles et les mêmes pinceaux ?

En haut, le souper à Emmaüs, de la National Gallery, Londres, par Caravage.
En dessous, la copie que je propose d'attribuer à Guido Reni, église Saint-Antoine, Loches. La tête du Christ a été amincie et une lampe à huile suspendue semble avoir été rajoutée.

L'autre tableau de Loches, intitulé "l'incrédulité de Thomas" faisant pendant, et ayant été acheté en même temps, semble-t-il, ne pourrait donc être également qu'attribué à Guido Reni.

Telles sont mes propositions prudentes.

Emile Mourey, 18 avril 2016
 


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12 réactions à cet article    


  • Emile Mourey Emile Mourey 18 avril 2016 09:23

    @Didier Rykner


    Merci de m’avoir envoyé votre lien La Tribune de l’Art (www.latribunedelart.com). J’y ai trouvé des renseignements déterminants.

    En fait, ce qui pose question d’une façon générale, c’est la possession morale ou immorale d’un tableau de maître. Soyons clair ! Une découverte fortuite, un vendeur qui ne connaît pas ou mal l’origine et la valeur d’un tel type de tableau, comme la presse l’a plusieurs fois rapporté, c’est bizarre. Ce même vendeur qui accuserait ensuite de faute professionnelle un commissaire-priseur de l’avoir sous-estimé, c’est encore plus bizarre. En revanche, que peut-on reprocher à l’acheteur qui l’acquiert légalement en salle des ventes en prenant les risques attachés à tout achat et qui essaie de le faire connaître ? Absolument rien ! 

    • njama njama 18 avril 2016 10:38

      Il faut bien se persuader que Caravage était une star de l’époque

      un article sur Slate développe l’idée :
      Marketing de l’art : avant Warhol et Koons, il y a eu Caravage
      http://www.slate.fr/story/116819/marketing-de-lart-avant-warhol-et-koons-il-y-eu-caravage

      et s’il vendait cher son Art, il n’était qu’un petit amateur car les marchands d’art aujord’hui vendent ses toiles 1000 à 1300 fois plus cher qu’il ne les vendait lui-même ainsi que je l’expliquais 17 avril 13:30 dans votre article précédent.

      En fin de compte, je trouve indécent, et immoral, que l’État se porterait acquéreur de ce Caravage, et complice de ces spéculateurs sans scrupules. Qu’il fasse réaliser une belle copie ça pourrait faire aussi bien l’affaire, même des experts n’y verraient que du feu, et le public encore moins.


      • Emile Mourey Emile Mourey 18 avril 2016 13:54

        @njama

        Bonjour

        Mme Elodie Palasse-Leroux est une jeune femme apparemment sympathique mais elle fait la promotion, sauf erreur de ma part, de meubles design et industriel qui n’ont rien à voir avec l’oeuvre du Caravage. Je ne suis pas d’accord avec ce qu’elle écrit. Caravage était peut-être un personnage querelleur, buveur, populiste, un peu scélérat sur les bords comme il se met en scène, mais surtout un idéaliste utopique qui voulait faire évoluer la société chrétienne de son temps.

        Les choses ne sont pas simples. Si l’État était honnête et la société transparente, l’idéal serait que ce type de transaction se fasse gentiment sur des bases raisonnables sans passer par des intermédiaires. Les choses étant ce qu’elles sont, la meilleure formule est encore celle qui se pratique aujourd’hui.

         

      • Jo.Di Jo.Di 18 avril 2016 13:55

        La merde en boite, le mouton cube de béton, le plug anal géant, voilà l’art qui interpelle le sublime libidinal du bobo, l’expressivisme de son Sonderweg .... les fleurs sur la chaîne de son aliénation .... etc ... etc ....


        • Emile Mourey Emile Mourey 18 avril 2016 16:36

          Correction


          Merci de rayer « une lampe à huile suspendue semble avoir été rajoutée ». Il s’agit des armes du cardinal Philippe de Béthune.

          Je viens de découvrir le site https://1895.revues.org/499, très, très instructif et très convaincant. On pourrait comprendre que c’est après avoir vu les originaux que Caravage aurait exécutés suite à une commande que Philippe de Béthune lui en aurait demandé des copies. Or dans le lien, il est dit que Philippe de Béthune les déclare comme des originaux. Je doute un peu à cause du visage du Christ. En effet, Caravage prenait comme modèle les hommes du peuple et c’est un peu une provocation de sa part de montrer un homme du peuple comme tout un chacun, même avec des grosses bajoues, tel qu’il figure dans le tableau de Londres. En revanche, il est logique de penser que Philippe de Béthune ait demandé pour sa reproduction une tête du Christ plus conforme, c’est-à-dire plus mince.

          La question est de savoir si c’est Caravage, lui-même, qui a peint « de sa main » les tableaux de Loches ou s’il s’est fait aider ou s’il a tout simplement laisser un élève le faire (donc dans une logique commerciale, ce qui expliquerait les doubles qui existent pour d’autres tableaux). Dans ce dernier cas, on comprendrait l’intérêt pour Caravage d’avoir fondé une école. Or dans mon interprétation du tableau intitulé « Le mariage de la Vierge », seuls deux élèves sont représentés. L’un étant Guido Reni, reste l’autre. Or Guido Reni a pour lui son oeuvre qui plaide en sa faveur. Son tableau « l’archange Gabriel » écrasant le mauvais témoigne de sa maîtrise. À noter en passant que la tête de ce mauvais rappelle curieusement celle du Caravage alors que pourtant celui-ci était mort à la date de réalisation de cette peinture.



          • Emile Mourey Emile Mourey 18 avril 2016 17:15

            Voir également l’étude de M. Didier Rykner du 25 janvier 2006 de La Tribune de l’Art que je viens de découvrir... 





            • soi même 18 avril 2016 19:03

              Tous ne peut être un Élie Faure, c’est toujours beau d’y tendre....... !
              Attention au copyright.... !


              • Le p’tit Charles 19 avril 2016 07:36

                C’est un peu ridicule à notre époque de croire encore au père Noël ou au dieux des sectes religieuses.. ?

                Mais l’humain est ainsi fait...de vide et de broc..pour se faire mousser devant la foule en délire tentant en vain de laisser une trace de lui dans le grand livre des mensonges.. !

                • cedricx cedricx 19 avril 2016 22:16

                  Question d’un profane en la matière (ignare ?) : Est-il envisageable, est il concevable que de nos jours, des artistes peintres de génie réussissent à bluffer tout le monde en copiant les grands maitres sur des toiles vierges d’époque, existe-t-il des techniques qui permettraient de vieillir des peintures ? le cas échéant ne serait-il pas possible qu’un petit groupe se forme, qui réunirait financiers et artistes hors pairs dans un but malhonnête ?( on parle quand même de plus de 100 millions d’Euro à la clé pour une simple toile) Voilà en tous cas une bonne idée de roman ou de film.


                  • Emile Mourey Emile Mourey 19 avril 2016 22:29

                    @cedricx

                    La contre-façon a toujours existé mais elle est sanctionnée.

                  • Le p’tit Charles 20 avril 2016 07:34

                    @Emile Mourey...Pas vraiment...bon nombre de faux sont dans des musées et les « copieurs » en liberté... !


                  • Emile Mourey Emile Mourey 20 avril 2016 22:47

                    Rectificatif : 


                    Au sujet de la copie de Finson, rayer copie de qualité très moyenne, une photo m’a induit en erreur.

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