Élection en RD Congo : Une démocratie sur mesure
Joie et frustration habitent les Congolais à l’annonce des résultats de l’élection présidentielle. Sans mettre totalement fin à la guerre civile, le processus financé majoritairement par l’Occident a déplacé la guerre des montagnes de Masisi dans l’Est, dans les coeurs des Congolais dont on devrait désormais distinguer ceux de l’Est de ceux de l’Ouest. Résultat inattendu d’un processus conçu pour le Sud mais en faveur du Nord. La loi du centre et de la périphérie.
Le peuple congolais et la communauté internationale ont suivi, sans suspense, la publication lundi 27 novembre à 19 h 35 des résultats définitifs par la Cour suprême de Justice ; résultats confirmant ceux rendus publics, douze jours auparavant, par la Commission électorale indépendante et contestés par le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo, candidat malheureux de ce scrutin.
Joseph Kabila Kabange est proclamé vainqueur avec 58,05 % des suffrages exprimés. Il devient alors le premier président « démocratiquement » élu de la troisième république que vient d’inaugurer cette élection.
Comme on pouvait s’y attendre, ces résultats ont été chaleureusement accueillis dans les provinces de l’Est du Congo (cinq province sur onze), favorables à Joseph Kabila, où la population a spontanément envahi les rues des principales grandes villes pour saluer la victoire du nouveau président.
A l’Ouest (six provinces restantes, dont celle qui abrite la capitale), les manifestations de liesse populaire n’ont pas été observées. La population a continué à vaquer normalement à ses occupations, exception faite de quelques partisans de d’Antoine Gizenga dans le Bandundu et de quelques groupuscules des Kinois (dont certains observateurs soutiennent qu’ils avaient été motivés à coups de billets de banque) qui ont sillonné la ville à bord des véhicules loués par le parti présidentiel.
D’aucuns s’interrogent alors : comment un candidat globalement boudé par six provinces (sur les onze que compte le pays) peut-il quand même arriver en tête de l’élection ? La réponse est simple : ce n’est pas le nombre de provinces qui est pris en compte, mais plutôt les suffrages exprimés par l’ensemble de la population.
Ceci expliquant cela, doit-on déduire que l’Est de la RDC est de loin plus peuplé que l’Ouest ? Oui, selon les chiffres de la CEI, ceci en dépit des morts et déplacés occasionnés par la guerre civile qui a déchiré la partie orientale de la RD Congo pendant plus de cinq ans. Qu’à cela ne tienne, ceci ne constitue pas l’unique contradiction de ce processus, voulu démocratique mais taillé à la mesure d’un individu, son vainqueur.
Tenez...
- Au terme de l’article 103 de la loi électorale, le candidat à l’élection présidentielle devait remplir quatre conditions : être de nationalité congolaise, être âgé de trente ans révolus à la date de clôture du dépôt des candidatures, jouir de la plénitude de ses droits civiques et avoir la qualité d’électeur. Des critères, qui ne font aucune allusion au niveau d’instruction et d’expérience, semblent avoir été « banalisés », et la fonction présidentielle avec eux, en vu de permettre au candidat le moins instruit, le moins expérimenté, le moins âgé mais de loin le plus désiré par les intérêts obscurs de rester dans la cour, et de gagner.
- JJuin 2005 : la CEI (Commission électorale indépendante) lance les opérations d’enregistrement des électeurs. Le général président Joseph Kabila Kabange va se faire enregistrer devant les projecteurs et les caméras du monde entier, alors que conformément à la loi électorale, militaires et policiers ne devaient être ni électeurs ni éligibles. Le général major est plus fort que la loi électorale. C’est donc en toute illégalité qu’il va également participer au vote référendaire cinq mois plus tard. Les nombreuses plaintes en annulation du référendum ont été ignorées par la Cour suprême de Justice, et la constitution votée par référendum (avec les votes des militaires et policiers) sera promulguée par le général résident le 18 février 2006. La communauté internationale a applaudi.
- Mars 2006, à quelques jours de l’ouverture de dépôt des candidatures au scrutin présidentiel, volte-face. Le général major Joseph Kabila, inscrit sur les listes électorales comme tel, adresse une lettre au président Joseph Kabila ; objet : « démission de l’armée ». Le président Kabila signe un décret présidentiel par lequel il prend acte de la démission du général major. Le scandale a été vite étouffé avec la complicité de la Haute autorité des médias qui sanctionne systématiquement les médias qui commentent cette bavure. La communauté internationale a pris acte.
- Août 2006, non satisfait des résultats publiés par la CEI, à l’issu du premier tour de l’élection présidentielle, l’ex général major envoie sa milice attaquer la résidence du vice-président Bemba, son challenger pour le second tour, alors que ce dernier était en réunion avec une quinzaine d’ambassadeurs des pays occidentaux, principaux bailleurs de fond du processus électoral. Le même jour, les signaux des médias libres, non inféodés au candidat ex-général, sont coupés, dans le mépris total des procédures en la matière. Trois de ces médias seront même incendiés sans qu’aucune responsabilité ne soit établie. La période entre-deux tours va voir la tension monter en flèche, les accompagnateurs de la transition RD congolaise vont maintenir la pression sur la population et sur l’opposition pour que leur l’ex-général major ne soit tenu responsable de rien. La communauté internationale s’est dit préoccupée.
- Octobre 2006, à trois jours du deuxième tour, la Haute autorité des médias annule le débat contradictoire, pourtant institué par la loi électorale, qui devait mettre face à face les deux candidats en lice. L’un des deux, vous devinez sans doute lequel, ne veut pas étaler au grand jour son incapacité à développer le moindre raisonnement intellectuel, et a une fois de plus bénéficié du soutien de tout le monde, sauf du peuple congolais dont une bonne partie attendait la fin du débat pour se fixer sur la choix à faire. La communauté internationale a regretté.
La liste est longue.
Je me suis abstenu d’évoquer le débat autour de la nationalité du candidat général, sur de nombreux scandales provoqués par la publication des différents rapports sur l’exploitation frauduleuse des ressources minières de la RDC ainsi que sur les contrats léonins passés au détriment du pays et de la nation. Les accompagnateurs de la transition en RDC avaient érigé toute tentative de débat autour de ces sujets comme relevant du discours de la haine et de la xénophobie.
Est-ce le prix à payer par le Congo, qui a, de bonne foi, accepté de bénéficier d’un soutien financier et d’un accompagnement de la part de la communauté internationale pour mettre à fin à près de dix ans de guerre civile, à l’origine de laquelle cette même communauté internationale n’est pas étrangère ?
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON