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Elève Peillon, dessine moi une éducation«  »Non, ça c’est pour les moutons !"

Concertation, loi d'orientation, refondation...Ah les voila les grands mots. "Dialogue, écoute, gratitude, très grande considération pour les enseignants et patati". Le ministre de l'Education philosophe, les syndicats se taisent, l'opinion publique n'y comprend rien, les médias mettent en scène. Beaucoup d'agitation dans les couloirs ministériels pour compenser l'absence de la rue. V. Peillon est très habile. Cependant, la politique éducative du gouvernementest s'apparente à un discours de la méthode : "J'annonce donc je suis" Jugez plutôt :

-La morale laïque : C'est le vaste écran de fumée de cette rentrée. Dans les médias complaisants, on cherche à savoir ce que cela recouvre exactement, on feint de s'interroger sur sa portée réelle du genre "Cela permettra-t-il à nos petites têtes blondes de redevenir bien sages et polies, de découvrir les mérites de la patrie, de l'Europe, de la citoyenneté ?. En creux, les médias mainstream s'interrogent sans le dire : "Cela va-t-il être suffisant pour calmer la jeunesse bigarrée des cités, car c'est bien la seule question qui vaille tant la menace est grande. Heureusement que le père Valls semble manier le fouet avec dextérité à l'Intérieur. Dans la presse censée être moins complaisante (officiellement de droite donc), on craint plus l'athéïsme militant désuet type III° république, ou encore du "droit de l'hommisme" de comptoir. A droite, on agite aussi l'épouvantail de "l'antisarkozysme primaire" dispensé par des profs toujours gauchistes. A contrario, le FN affirme que la morale est une affaire religieuse et qu'en France elle est donc héritière de la morale chrétienne. Ainsi donc selon la Le Pen, la morale laïque dispensée devrait-elle être conforme au catéchisme... Quant aux "professionnels de l'éducation", ils ne savent pas quoi en penser, se contentant d'un vague "pourquoi pas" faute sans doute du manque de consistance dudit projet.

Car que sait-on ? Si l'on se fie à la parole (d'Evangile ??) du grand ordonnateur du monde éducatif (avec compas et équerre ?), nous pouvons en déduire quelques hypothèses : Techniquement, ça prendra du temps car il faut former les enseignants à cette nouvelle discipline (?). On ne sait pas encore qui s'en chargera mais les professeurs d'Histoire-Géographie au collège et au lycée tiennent la corde, même s'ils n'ont rien demandé. Cependant l'enseignement d'Education civique leur était jusqu'à présent presque exclusivement dévolu. Ainsi donc la "morale laïque" se substituera très certainement à l'éducation civique au collège (ECJS au lycée). Car on voit mal le ministre accroître davantage les horaires hebdomadaires des élèves. En quoi la "morale laïque" se différenciera-t-elle de l'Education civique alors ? Sans doute en rien. Lisons le : La morale laïque, « ce n’est pas des recettes, ce n’est pas un code, un catéchisme. C’est en permanence une interrogation la plus ouverte et la plus libre possible ». Une interrogation, du débat donc. Des question de société de la plus haute importance seront ainsi mises en débat dans la classe : "Pourquoi le tabac c'est pas bien, pourquoi le mariage homosexuel est-il une avancée fondamentale du progrès humain ? Pourquoi aller faire de l'humanitaire en Afrique relève-t-il du devoir moral ? Quels sont les dangers de l'obésité ? Le monde peut-il manger bio ? Pourquoi est-il juste que les pays sous des dictatures politiques soient bombardées par l'OTAN ? Peut-on interdire respecter les croyances et pratiques religieuses les plus extrêmes sans remettre en cause la liberté de chacun ? Bon, vous voyez le genre de débat que ça peut donner avec 35 minots qui s'en foutent ou qui au contraire prennent ça pour eux. Et bien ce genre de pratique, c'est exactement ce qui existe déjà. Oui c'est ça l'ECJS au lycée. Et si on revient aux propos de Fillon Peillon, on se dit que ce que doit enseigner l'école c'est le doute. Pas de savoir, ni de connaissances, surtout pas de réponse. Le doute, rien que le doute qui lui même s'échafaude sur un néant culturel quasi absolu. Et ça s'il vous plaît dès l'école primaire. Pas de doute (!) ça va porter ses fruits ! Pourquoi ? Car, tenez vous bien cette discipline absolument géniale qui repose sur la somme des subjectivités humaines et qui n'a aucun fondement scientifique, devra être évaluée d'un bout à l'autre de la scolarité ! De tout cela donc découleront des notes, des avis nuancés et frappés au coin du bon sens. Volume horaire hebdomadaire ? 1 heure tout au plus. Autant dire rien. Notons au passage que l'éducation civique est déjà évaluée avec grand succès au brevet des collèges. Pourquoi ne pas enseigner les inégalités sociales actuelles, le déséquilibre dans l'accès à la culture, l'inégalité scolaire, l'immoralité des hommes politiques, la corruption, la disparition de la démocratie, l'autoritarisme de la commission européenne, le rapport coût/bénéfice d'un hôpital au regard de celui de la baisse de la TVA dans la restauration ?

E la nave va... en cette rentrée la France s'interroge donc gravement sur le bien fondé de ce presque rien. Une fois dissipé cet épais brouillard, nous aboutissons à un autre sujet tout aussi saugrenu en apparrence :

-Les rythmes scolaires : Un autre souci majeur du moment. Absence de croissance, chômage qui explose, déficits qui se creusent et qu'on veut réduire, plans sociaux qui se succèdent, guerre en Syrie...tout cela ma bonne dame, laissez tomber. Si vous êtes une bonne mère il convient de vous interroger sur les rythmes scolaires. Notons que le prétendu débat se tient dans les termes les plus confus, allez savoir pourquoi ! Un seul exemple : la semaine des 4 jours, euh non 5, enfin des 4 et demi. A aucun moment il n'est précisé que ce questionnement ne porte que sur les seules écoles maternelles et élémentaires. Tout le secondaire est exclu. Ainsi donc le rythme biologique d'un enfant se transforme radicalement à l'âge de 10-11 ans quand il entre en 6°. Oui oui, jusque là, c'est 4 jours et demi, mais après ce qu'il lui faut c'est 5 voire 6 jours par semaine au bahut. Etrange non ? Idem pour le nombre d'heures hebdomadaires, idem pour le nombre de semaines par an, idem enfin pour le temps de déjeuner quotidien. A l'évidence, nous tenons là un sujet qui permet à chacun de proposer sa formule magique. Et sur nos plateaux télé, cela donne l'occasion au pédo-psychiatres, au spécialistes du sommeil, aux élèves, aux parents, aux directeurs d'école de prendre des airs très sérieux et d'apparaître comme des experts pour leurs 15 secondes de célébrité. Et pour revenir à lui puisque tous les chemins y mènent voici ce que nous déclare le ministre (Libé.fr 5 septembre)

Vincent Peillon avait auparavant indiqué qu’il « n'écartait pas la possibilité » d’instaurer un zonage des vacances scolaires d'été, estimant que cette proposition, souhaitée par l’industrie touristique, n'était pas « sotte ».

« J’examine avec sérieux et intérêt (la question d’un zonage l'été). Je n’ai pas trouvé cette proposition sotte. » Le zonage académique consiste à décaler le début des vacances en fonction des zones géographiques, comme c’est déjà le cas pour les vacances de février et de Pâques.

« Je n’ai pas écarté cette possibilité » afin que « l'été soit plus court sans pénaliser trop fortement l’industrie touristique », a ajouté le ministre, en rappelant que les professionnels du tourisme « demandent un zonage l'été qui n’existe pas ».

Il a aussi rappelé qu’il n'était « pas défavorable à l’allongement d’une ou deux semaines de l’année scolaire ».

Une discussion sur le zonage l'été « est en cours, elle n’est pas du tout irrationnelle. Nous devons conjuguer un intérêt de la France qui est un intérêt économique - et vous savez l’importance de l’industrie touristique - et l’intérêt de nos enfants », a encore dit Vincent Peillon.

Tout est dit ou presque. Derrière "l'intérêt de nos enfants", il y a d'abord ceux de l'industrie touristique. Merci monsieur le ministre du Redressement productif ! Et surtout, il y a l'épineuse question du temps de travail des enseignants. Et oui, car on ne rallonge pas l'année scolaire d'une ou deux semaines sans toucher à ce dernier. Et vous savez d'où vient cette grande idée ? Directement du cabinet de Luc Chatel, ministre de Sarkozy. Comme quoi tous les enseignants sont à la fois socialistes et masochistes. Pourquoi masochistes ? Parce que cet allongement du temps de travail se fera sans aucune augmentation proportionnelle du salaire pour les enseignants. Référons nos une fois de plus à ses propos : "Nous savons tous que les enseignants ne sont pas assez rémunérés (...) Il serait digne de les payer mieux si nous en avions les moyens, et lorsque nous les aurons, nous le ferons", a promis le ministre de l'Education sur RTL. (Nouvel Obs 30/08)

Une autre fumisterie ? Allez une dernière.

La carte scolaire Elle sera restaurée. En effet, cette dernière avait été supprimée par le précédent gouvernement afin d'éviter aux petits bourgeois de fréquenter un lycée déclassé socialement. Ainsi, en 4 ans le pourcentage d'élèves non inscrits dans l'établissement de leur zone est passé de 5 à 8%. Le rétablissement de la carte scolaire qui oblige (sauf dérogations toujours possibles) l'élève à se rendre dans l'établissment le plus proche est en soi une bonne chose sauf que ce qui importe vraiment n'est pas tant de la restaurer que de la redessiner. La carte scolaire est en effet un instrument à double tranchant. Elle peut être ségrégative et ghettoïser des populations déjà fragilisées socialement. Découpée intelligemment, elle peut favoriser la mixité sociale. Or le ministre n'a jamais évoqué la refonte de la carte scolaire. Forcément, elle est entre les mains des collectivités territoriales. Donc, restaurer la carte scolaire ne coûte rien et ne résout rien. Si l'on voulait vraiment s'attaquer à l'inégalité dans l'offre scolaire, c'est sur la fuite des meilleurs élèves vers l'enseignement privé qu'il conviendrait de se pencher. L'école publique accueille toujours moins (en proportion) d'enfants aisés socialement et culturellement favorisés que le privé. De plus en plus de familles modestes placent leur marmaille dans le privé du coin. Et ils peuvent le faire, les droits d'inscription sont faibles puisque l'Etat subventionne gaiement.

Poser les vraies questions Vincent, c'est maintenant !


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8 réactions à cet article    


  • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 8 septembre 2012 13:03

    Non. Peillon n’est pas là pour poser des questions mais pour y répondre.

    Par contre, je n’ai pas très bien compris votre question cher auteur... Pouvez-vous reformuler SVP ?


    • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 8 septembre 2012 13:17

      Ce matin dans la presse :

      Le projet de création de cours de « morale laïque » porté par le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, est plébiscité, selon un sondage Ifop, 91% des Français sont favorables à cette initiative, dont 48 % « très favorables », relève l’institut, qui qualifie le projet de « fédérateur et consensuel ».

      L’idée fait quasiment l’unanimité chez les électeurs de François Hollande (98%) et chez les sympathisants du Modem (97%). Elle recueille un soutien moindre, mais tout de même massif, chez les catholiques pratiquants (86%), les CSP+ (catégories socio-professionnelles favorisées) avec 84%, et les sympathisants du FN (86%), souligne l’Ifop.

      Tiens, mais où est l’UMP ? Là... lol ! Et un point Godwin, un !

      Les rythmes : Voyez plutôt, un petit lien valant mieux qu’on long discours, la question à laquelle Peillon tente, malgré vous, de répondre ; ce constat date de 2010.

      Dites, y’en a beaucoup des « pro » comme vous dans nos écoles ?


      • Pakete 8 septembre 2012 20:57

        Mouais, je ne pense pas que l’argument d’autorité valide la pertinence du projet.

        Après, Peillon est catho, faudrait se méfier du sens qu’il donne à l’expression « morale laïque ». Après tout, dans ses bouquins c’est un peu comme si il déifié la république.

        Si il s’agit juste de changer le nom d’« éducation civique » à « morale laïque », l’intérêt est nul. Si par contre il s’agit de déifié la république comme a pu le faire l’ancien gouvernement avec sa Marianne enceinte et habillée de blanc, ça ira à l’encontre du principe de la laïcité.




        • Christian Labrune Christian Labrune 9 septembre 2012 22:06

          Ras-le-bol des néonazis


        • Serviteur Serviteur 8 septembre 2012 20:35

          Je me permets de corriger l’auteur quant à son paragraphe sur la carte scolaire, cette dernière n’a pas été supprimée comme l’avait tout d’abord annoncé le président Sarkozy mais simplement assouplie. 


          Pour ceux que le sujet intéresse je recommande la lecture édifiante du rapport du Sénat (http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-617-notice.html) sur l’assouplissement de la carte scolaire ou vous trouverez quelques petites pépites sur la méchante concurrence, la mixité sociale qui va résoudre tous les problèmes etc.

          Cela fait 100 pages mais il y a une synthèse qui résume le tout à la fin (+ jetez aussi un coup d’oeil sur la contribution des sénateurs ump face au délire mixité social à tous les étages et a toutes les sauces).

          Je ne résiste pas à vous faire part de quelques morceaux choisis que j’ai trouvé particulièrement tordant :

          « il s’agira de privilégier une carte de formation qui ne stimule pas la concurrence entre les établissements et l’adoption de politique d’attractivité pour capter des flux d’élèves ». 

          « ...dans les filières sélectives, il soit tenu d’avantage compte de la motivation des enfants, appréciée lors d’entretiens, plutôt que de leur niveau scolaire. » 

          A noter un passage où les internats d’excellence sont critiqués car en retirant les meilleurs élèves issus de milieu défavorisé des établissements situés en zone urbaine sensible, on défavoriserait les autres élèves de ces établissements avec des classes privées « d’élèves moteurs ».

          il s’agit donc de sacrifier la réussite individuelle de ces élèves et leur possibilité d’ascension sociale au profit d’une hypothétique réussite collective d’une classe composée majoritairement d’individus n’ayant pas tous « intégré la norme scolaire ». Et rien sur le fait que le moteur d’une classe c’était/ ce doit être normalement l’enseignant.

          Enfin j’ai recherché l’information mais je n’ai pas pu la trouver donc à votre avis : où la rapporteuse a t elle bien pu faire ses études ? Où a t elle placé ces hypothétiques enfants ?


          • Christian Labrune Christian Labrune 9 septembre 2012 22:03

            La première chose que devraient exiger les profs, c’est que l’institution qu’ils font exister cesse d’être l’Education nationale - on doit ça à un Anatole de Monzie quelque peu influencé par le fascisme mussolinien - pour redevenir enfin ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : l’Instruction publique. La situation serait tout de suite infiniment plus claire.

             

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