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Accueil du site > Tribune Libre > Encadrement militaire des délinquants

Encadrement militaire des délinquants

Il y a quelques semaines le député Eric Ciotti (UMP) proposait une loi sur l'encadrement militaire des délinquants. Armée Média s'en était d'ailleurs fait écho dans un billet .

Je suis très étonné de constater que cette proposition de loi ne suscite pas plus de contre arguments dans un pays pourtant très antimilitarisme où la critique concernant la chose militaire est très décomplexée, parfois impertinente, trop souvent caricaturale et méprisante

Je suis tout autant surpris que les militaires eux-même ne réagissent pas aux clichés du redresseur de torts que les politiques leur donnent .Que l’on reconnaisse des valeurs républicaines et morales aux membres des forces Armées, un savoir-être ; c’est une bonne chose. Cependant, on ne leur donne toujours pas la place qu’ils méritent dans la société et ce malgré les nombreuses éloges faites ces derniers temps .

Ainsi on reconnaîtrait les vertus de la discipline militaire, on irait même jusqu’à avoir une certaine nostalgie de la conscription, tant la solution est présentée comme miraculeuse.

On va jusqu’à oublier les différentes affaires récentes de brimades, de tentatives de viol, de bizutages dans les lycées militaires. Elles sont a priori considérées comme anecdotiques et ne peuvent donc pas remettre en cause cette naïveté qui consiste à penser qu’un militaire est plus efficace qu’un éducateur formé face à un délinquant.

Il est sûr que certains se laissent aller à penser que les méthodes de la légion étrangère seraient une solution. Je ne peux que leur conseiller la lecture du livre de Benoist Simmat et Stéphane Rodriguez « La légion étrangère, les perdus de la République » .

Conceptualiser la réinsertion par la coercition, c’est répéter un schéma de dominés à dominants très courant en cité. Même si un respect peut être ainsi instauré dans un contexte, il ne sera pas forcement durable avec d’autres interlocuteurs.

Et que penser de cette proposition de loi lorsque le ministre de la défense lui-même affirme que le principe de la grande muette est républicain  ?

Au risque sûrement de vous surprendre, je suis donc très critique sur la capacité des militaires à remplir objectivement cette mission qui relève de la Justice et non de la Défense.

S’il n’y a aucun doute que l’organisation, le dévouement, l’abnégation, l’implication personnelle, le sacrifice et l’altruisme sont des qualités que l’on retrouve chez de nombreux militaires, il n’en reste pas moins qu’elles grandissent dans des cerveaux et des esprits très réceptifs et volontaires. Souvent ces valeurs sont motivées d’une image positive de l’institution militaire, ce qui est rarement le cas pour les délinquants récidivistes.

On peut donc se poser la question de l’efficacité « morale » de cet encadrement sur des jeunes déstructurés qui sont déjà en défaut face à la loi.

On peut aussi se poser la question de la légitimité de l’Armée sur les problèmes de sécurité intérieure et de sa capacité à être un partenaire de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) .

A l’exception de la Gendarmerie, les autres militaires (Armée de terre, de l’air et les marins) n’ont pas la formation, l’expérience, et le personnel en adéquation pour cette mission de réinsertion.

Si les militaires peuvent s’avérer de bons meneurs d’hommes, il n’y a aucune certitude sur leur capacité à être des bons éducateurs. Car il s’agit bien de cela et de rien d’autre.

Au risque d’être taxé de mauvais esprit, le ministère de la Défense devrait plus se concentrer sur le reclassement (et parfois réinsertion) des milliers de militaires mis à la porte par les restructurations.

A ce propos, il n’est pas impossible que dans quelques semaines Défense Mobilité présente cet encadrement militaire comme une possible reconversion.

Alors pour contrer ces futurs arguments, au risque de tuer quelques espoirs dès le début, étudions un peu le contrat offert aux anciens militaires dans le cadre des EPIDE.

Les personnels d’encadrement signent un contrat de travail de droit public, en application de l’article 4 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 : ils ont le statut d’agent non titulaire de l’État.

Contrat à durée déterminée pour un maximum de 36 mois avec une période probatoire de 3 mois renouvelable une fois pour une durée identique. Soit après le très répandu statut de contractuels dans l’Armée, on propose encore de la précarité sur 6 ans. De plus le salarié ne dispose pas de priorité particulière pour intégrer la fonction publique. Aucun logement de fonction, ni hébergement n’est prévu pour l’ensemble des personnels travaillant dans les centres.

Ce type de contrat prouve bien que toutes les dispositions ont été prises pour annihiler ces postes en peu de temps, en cas de revirement de la politique d’action ou après une échéance électorale par exemple.

Alors je pense qu’il faut raison garder, car la paternité même de cette initiative est sujette à polémique.

Comme un couple de parents divorcés, incapables d’être raisonnables, l’UMP et Ségolène Royal se disputent la naissance de cette proposition, sans même avoir pris en compte qu’une partie des acteurs à savoir les militaires n’ont pas été consultés, comme à l’accoutumée !!

Doit-on laisser à la disposition les nombreuses casernes vidées par les démembrements induits par la réforme de la Défense ?

Il n’y a rien de choquant à ce que ce parc immobilier soit utilisé à des fins de services publics et sociaux.

Mais concernant , les « militaires éducateurs » laissez moi douter.

D’ autant qu’ayant été encadrant dans un lycée militaire pendant deux ans, j’ai pu constater les limites du mélange des genres et ce malgré une population d’élèves adhérant pour la plupart à la discipline militaire.

Alors pour des délinquants récidivistes …

Est-ce vraiment le « cœur du métier » comme ils disaient pour justifier une diminution des effectifs ?

Ou est-ce parce-qu’un jeune à l’Epide coûte deux à trois moins cher qu’en centre éducatif fermé ?

Ou bien une démagogie de plus ?

La commission de la défense de l’Assemblée Nationale a d’ailleurs émis un avis défavorable à cette proposition.

 

Nicolas Bara -Président de l’association Militaires et Citoyens-

http://sites.google.com/site/assomilitairesetcitoyens/


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14 réactions à cet article    


  • pissefroid pissefroid 1er octobre 2011 10:53

    Je crois que vous avez raison de douter de la capacité d’un militaire à être un éducateur.


    • CARAMELOS CARAMELOS 1er octobre 2011 14:17

      A ce stade de la situation et de l’état de délabrement des connaissances de certains, ce n’est plus de la capacité qu’il faut avoir mais une certaine dose d’inconscience voire la volonté de se sacrifier sans aucun espoir de réussite. Alors contrairement aux idées largement reçues, le militaire n’étant pas plus idiot que ses cotemporains, il ne revendique en aucune manière la capacité à être un éducateur. Au demeurant ce n’est pas ce que la Nation lui demande.


    • zabu64 zabu64 1er octobre 2011 10:58

      Eric Ciotti vient de voir Full Metal Jacket.


      • foufouille foufouille 1er octobre 2011 12:23

        le probleme est qu’a la sortie, le delinquant se retrouve dans le meme monde


        • Muriel74 Muriel74 1er octobre 2011 13:46

          Imaginons que l’intention première affichée est la réinsertion de délinquants, la deuxième intention pourrait être la formation aux armes de délinquants ( on ne voit pas la nature exacte de l’encadrement militaire dans le texte du projet de loi), la troisième intention, que j’interprète peut-être, serait une formation validée pour intégrer des milices privées formées de délinquants, serai-ce possible ? http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/vers-un-marche-mondial-de-la-101161#forum3067597


          • jean-jacques rousseau 1er octobre 2011 13:52

            Rétablir le service national militaire et civil obligatoire, c’est rétablir la République.


            • foufouille foufouille 1er octobre 2011 13:56

              et tu leur apprendras que delarue a le droit, lui


            • Jean-paul 1er octobre 2011 13:54

              Cela existe deja aux USA avec de bons resultats mais c’est l’encadrement militaire avant de devenir delinquant .Les jeunes a risques sont volontaires pour 6-9 mois .
              www.ngycp.org
              National Guard Youth Challenge Academy


              • elec 42 elec 42 1er octobre 2011 14:30

                apprendre le respect et la discipline,les militaires savent trés bien le faire,de là à se poser la question si cela ne va pas étre trop dure pour nos doux petits délinquants multirécidivistes qui n’ont plus peur de rien,méme pas de la police,oncroit réver,pourquoi ne pas leur proposer le club med.


                • njama njama 1er octobre 2011 22:05

                  "Au risque sûrement de vous surprendre, je suis donc très critique sur la capacité des militaires à remplir objectivement cette mission qui relève de la Justice et non de la Défense.« 
                   »Mais concernant , les « militaires éducateurs » laissez moi douter."

                  Article très courageux, qui plus est, venant d’un ancien officier. Bravo !


                  • Jean-paul 2 octobre 2011 00:33

                    njama
                    Dans la Marine Nationale ,Officier marinier veut dire sous officier .
                    L’auteur a du terminer sa carriere Maitre Principal ce qui correspond a Adjudant Chef dans l’armee de terre .


                  • jef88 jef88 2 octobre 2011 00:17

                    On va jusqu’à oublier les différentes affaires récentes de brimades, de tentatives de viol, de bizutages dans les lycées militaires

                    Ces affaires existent aussi dans des écoles huppées...

                    Mais le vrai problème c’est de faire l’amalgame, dans les esprits, de Cayenne et de son bagne avec la défense du pays....

                    Si le service était obligatoire existait encore, on pourrait avoir des unités spécialisées (il y a bien eut les bat d’af)
                    Mais dans le contexte actuel se serait à la fois ridicule et dangereux ...


                    •  C BARRATIER C BARRATIER 2 octobre 2011 10:11

                       

                      Ce qui est retenu dans l’opinion publique est la perte de repères de nos jeunes et leur manque d’exercice de "dépassement de soi" en équipe dans une activité saine.

                      On trouve cela à l’armée effectivement, le soldat découvre l’obéissance et la hiérarchie, le fait qu’il n’est pas question de discuter un ordre, on va là où on dit d’aller....Mais le soldat peut démissionner, quitter l’armée où il est allé de lui-même. Un jeune à « redresser » devrait pouvoir choisir cette solution (plutôt que la prison par exemple) 

                      Cela ne réglerait pas le problème car dans l’armée se pratique l’humiliation, la punition publique, déjà le chef qui tutoie ne supporte pas la réponse en tutoiement, alors que le tutoiement est réciproque ou interdit à mon sens. Il y a aussi dans l’armée perte de repères : au lieu de rester dans le « fonctionnel » il y a très vite une hiérarchie de personne, non plus de grade, et la jouissance parfois du supérieur du fait d’avoir des sortes d’esclaves. Ce n’est pas parce qu’on est militaire qu’on n’a pas de défaut du type complexe de supériorité (le chef « merdeux »), manque de contrôle de soi( les coups, les brimades, la violence).

                      Donc je suis ok avec l’article. L’armée n’est pas le « lieu », ni la prison d’ailleurs. Il y a les lieux de dépassement de soi comme les camps de spéléologie, d’escalade, les randonnées, là où on porte de quoi faire son repas dans le sac, et pour une semaine ! A l’arrivée d’étape il faut se bouger, aller à l’eau, trouver du bois, faire du feu, car l’étape est une cabane vide ! Il y a la montagne, la découverte de la rivière sur 3 ou 4 jours.

                       

                       Mais on est là dans le « loisir », il y a le chantier international de jeunes (voir Jeunesse et reconstruction) avec un animateur formé, et des élus locaux pour l’encadrement du chantier : refaire un mur de pierres, repeindre une classe, rouvrir un sentier, nettoyer une rivière...avec coucher sous tente, popote pour le groupe de 12 assurée par les 2 de service à tour de rôle, après achats réfléchi (on dispose de 5 euros par jour pour la nourriture). Il y a l’intégration à un chantier de cueillette, pommes, myrtilles, châtaignes, vendanges....avec l’encadrant qui bosse pareil et ne regarde pas faire.
                      J’ai fait de l’encadrement dans tous ces domaines, et le jeune « redressé » doit être le seul du groupe, les autres sont des volontaires du monde. Le groupe joue un rôle déterminant d’intégration et de formation, il faut faire sa part de boulot. Et il y a bien sûr des temps de loisir, baignade, match de foot, rencontre d’un autre groupe d’une autre commune....

                      Mais ce ne sont pas seulement les jeunes déviants qui ont besoin de ce type d’action formatrice. Dans la classe, tout commence, et dans la famille. L’acte éducatif doit donner les repères. Par son statut l’enseignant n’est pas l’égal du jeune mais celui qui décide et impose sans humilier. Le parent d’élève n’est pas l’égal de l’enseignant, de même que l’épicier qui prend l’avion n’est pas l’égal du pilote commandant de bord. Si l’enfant n’a plus de repères, c’est aussi que les parents contribuent à brouiller les pistes.

                      Il faudrait déjà supprimer la présence des élèves et des parents au conseil de classe des collèges, ça fausse le jeu, on dévie, les enseignants sont des pros et pas statutairement les égaux des autres en conseil. En lycée, les conseils de lycée pourraient avoir des jeunes pour discuter de tout. Mais le conseil de classe de lycée où on met l’appréciation, où se décide le passage de classe, devrait être réservé aux pros. Les lycéens et les parents ne participent pas aux délibérations de jurys d’examens. Il faut revenir les pieds sur terre, c’est faisable en douceur et par étapes...

                      Quand dans de grandes consultations nationales parents, enseignants, se retrouvent, ils sont d’accord sur l’essentiel, mais hélas  les résultats de ces travaux ne sont pas utilisés !
                      Voir

                      « Avenir de l’école : Qu’a-t-on fait de la consultation nationale ? »

                       

                      http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=156


                      • Jean-paul 2 octobre 2011 13:46

                        A propos des parents ,un couple sur 2 divorce ce qui fait que l’enfant perd ses reperes .A l’adolescence l’image du pere est importante .
                        En Angleterre les ados a risques et leur parents partent pour 2 semaines de survie dans le desert ou en foret .
                        Pour ceux qui se droguent les cliniques de traitement .
                        Aux USA je le repete de nouveau le National Youth Challenge Guard Academy .

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