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Environnement et géographie : un binôme prometteur !

Qu'est ce que la géographie ?

La Géographie ne peut s’appréhender comme une matière à part entière. Son histoire ainsi que son évolution nous indiquent la présence de nombreuses ramifications épistémologiques qui témoignent de la pluralité de ses champs d’études et de sa confluence entre toutes les matières. Elle incarne l’interdisciplinarité et outrepasse les hypothétiques frontières entre sciences sociales et sciences dites « dures » (ex. géographie humaine et géomorphologie). Ses évolutions ont trouvé leurs essences dans les bouleversements historiques, sociologiques et économiques du 20ème siècle.

La géographie actuelle est développée dès les années 60 et est caractérisés par une approche nomothétique, une recherche des similitudes. Cette nouvelle géographie, à dominante anglo-saxonne, s’inscrit dans des démarches plus scientifiques qui cherchent à quantifier le monde et tentent d’expliquer les interactions spatiales, les mouvements économiques ou les nouveaux réseaux. Cette évolution de la géographie est fortement liées à une volonté de reconstruction du monde dans un climat d’après-guerre, là où la société de consommation prend ses racines et où le développement économique des nations rend compte de profondes inégalités. D’un point de vue méthodologique, la science voit se succéder des périodes de « science normale » et des « révolutions scientifiques » qui permettent, à travers l’épuisement d’un paradigme, la genèse d’un autre. C’est à partir de ces changements idéologiques, de cette volonté de reconstruire le monde, que plusieurs courants géographiques vont apparaitre comme la nouvelle géographie de l'environnement par exemple. La géographie est à ce jour humaine, sociale et axée sur l’environnement.

Environnement et géographie

Dans le Dictionnaire de la géographie, Jacques Lévy et Michel Lussault identifient trois courants majeurs dans la géographie : « l’analyse spatiale », « la géographie culturelle » et « la nouvelle géographie de l’environnement » dont il souligne l’aspect encore flou. Ainsi, « la nouvelle géographie de l’environnent » apparait comme un courant encore « non réellement identifié ». 

Cependant, la géographie s'est toujours attardée sur l'analyse des milieux et de l'environnement. Au 19ème siècle, elle s’apparente à une géographie des sciences naturelles appuyée par une démarche holiste, et basée sur une réflexion déterministe. Au début du 20ème siècle, la géographie va s’intéresser à l’homme tout en gardant une posture naturaliste (géographie vidalienne) amenant une approche positiviste de la géographie. Cette première ouverture vers les sciences sociales va se concrétiser dans les années 1960 avec l’apparition d’une géographie sociale, dites « hors sol » qui ne s’apparente plus à une géographie purement physique, du recensement et de l’idiographie, mais qui s’ouvre indiscutablement aux sciences sociales. La construction d’une science pouvant réunir société et nature se voit être compromise et se solde par une division entre géographie humaine et géographie physique. Cependant, les années 70 vont apparaitre comme une décennie charnière dans les rapports sociétés et environnements à travers la signature de nombreux accords internationaux :

  • 2 février 1971, la convention RAMSAR relative aux zones humides est signée (Entrée en vigueur le 21 décembre 19754).
  • 1972, le Club de Rome dénonce les risques d’une croissance économique débridée dans l’ouvrage intitulé « Halte à la croissance ».
  • 5-16 juin 1972, Conférence des Nations unies sur l’environnement à Stockholm qui aboutit à la création du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUE) qui devient complémentaire au PNUD.
  • 1973, signature de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (entrée en vigueur le 1er juillet 19755).

Ces différents accords internationaux font échos à une croissance économique et une démographie exponentielle depuis la fin de la seconde guerre mondiale, mais aussi à une anticipation des probables pénuries énergétiques. Ces énergies non renouvelables (ou renouvelables sur un très long terme) comme le pétrole ou encore le gaz commencent à être sérieusement remises en cause ainsi que leurs impacts sur l’environnement.

La géographie au cœur des sciences sociales

C’est donc à travers une évolution historique et sociétale des nouvelles préoccupations internationales, que la géographie va pouvoir envisager une réappropriation du lien entre « action des sociétés et action naturelle ». Face à ces différentes remises en cause environnementale, la géographie devrait se placer en première ligne afin de composer avec ces nouvelles dynamiques.

Durant les années soixante-dix à quatre-vingt-dix, la géographie française s’est désarticulée à contrecourant des impulsions scientifiques de l’époque. Tandis que dans les pays anglo-saxons et en Europe de l’Est la géographie allait vers l’environnement sous l’influence de l’écologie, la géographie française s’est effacée devant l’écologie, et l’environnement. (Bertrand, 2010)

Cependant, et depuis les années 90, la géographie participe au débat environnemental, malgré une prédominance des théories de l’écologie (développement du concept d’écosystème qui s’est largement imprégné dans la société) à l’échelle mondiale. Aussi, la géographie va s’appuyer sur diverses sciences pour étoffer ses analyses et construire son discours. Ces réflexions vont s’accompagner des savoirs des sciences physiques et écologiques avec Jean-Paul Deléage notamment : « L’évolution des sociétés humaines met aujourd’hui en jeu les équilibres fondamentaux de la biosphère et la survie de l’humanité  » (Deléage, 2010). L’anthropologie va également servir d’outil à la géographie à travers les écrits de Philippe Descola, qui décrédibilise le dualisme entre nature et culture en imposant la nature comme une production sociale. Il met en avant une « écologie des relations » qui n’instaure pas de rupture entre humains et non humains. Les relations entre humains n’apparaissent donc pas comme supérieures aux relations entre humains et non humains. Pour appuyer son discours, il distingue quatre « modes d’identification » : l’Animisme, le Totémisme, l’Analogisme et le Naturalisme. Ce dernier représente les sociétés occidentales qui marquent une frontière entre « soi et autrui » en mettant en avant l’idée de « nature ». « La nature serait ce qui ne relève pas de la culture, la culture différencie l’humain du non humain mais également les sociétés humaines entre elles ». 

Le naturalisme est simplement la croyance que la nature existe, autrement dit que certaines entités doivent leur existence et leur développement à un principe étranger aux effets de la volonté humaine. Typique des cosmologies occidentales depuis Platon et Aristote, le naturalisme produit un domaine ontologique spécifique, un lieu d’ordre ou de nécessité où rien n’advient sans une cause, que cette cause soit référée à l’instance transcendante ou qu’elle soit immanente à la texture du monde. Dans la mesure où le naturalisme est le principe directeur de notre propre cosmologie et qu’il imbibe notre sens commun et notre principe scientifique, il est devenu pour nous un présupposé en quelque sorte « naturel » qui structure notre épistémologie et en particulier notre perception des autres modes d’identification. (Descola, 1996).

 Philippe Descola s’est également inspiré des travaux de Bruno Latour pour développer ses thèses ethnographiques. Ce dernier tente de réexaminer la frontière classique entre l’autorité des hommes et les mondes naturels. Latour propose de prendre en compte dans la Constitution des pays, les humains et non-humains en créant un « parlement des choses » où chaque « chose » serait représentée par des scientifiques portant les compétences dans un domaine particulier. Tout comme Descola, il efface le dualisme Homme-Nature au profit d’une complémentarité. « La diversité, ce n’est pas une liste d’espèces et de variétés, mais plutôt les interactions existantes entre les organismes vivants » (Weber, 2007). 

La nouvelle géographie de l’environnement est donc un domaine d’étude très actuel qui s’est construit autour de préoccupations environnementales contextualisées. Elle s’est développée grâce à une interdisciplinarité propice à la création d’un éventail plus large de réflexion. Après s’être appuyée sur d’autres sciences, la géographie a développé ses propres outils d’analyse tout en apportant sa propre définition sur des concepts déjà usités. Elle parait à ce jour pertinente pour tenter de répondre de manière complexe aux nouveaux enjeux environnementaux. Pour cause, son interdisciplinarité permet une vision d'ensemble et un recul nécessaire pour répondre aux nouveaux défis environnementaux. Trop souvent oubliée, ou mise à l'écart, la géographie est devenue à ce jour un outil d'analyse et d'action incontournable. 

Pierre Benjamin GIRARD, géographe consultant, géoGIR


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10 réactions à cet article    


  • Abou Antoun Abou Antoun 16 janvier 2017 13:50

    Et ne pas oublier que l’Histoire est fille de la Géographie.


    • Cours de géographie :
       
      Dans la colonie Boobaland (ex-France) on distingue 2 classes sociales opposées géographiquement et culturellement :
       
      La Bobozone-Chariazone : La vivent les putasses de l’oligarchie mondialiste. Mondains qui se font livrer leurs MacDo hala vegan biobio par le migrant ubérisé pédalant. Snobs terrorisés par leur cancer atomique, pesticide où particules. Ils veulent polluer longtemlps comme un Hulot Kérozène. Dans ce monades du mondialispme vvent les nomades sans pays, sans peuple, sans culture, sans enracinement si ce n’est la branlette consumérisme et ses tribus virtuelles guignolesques : hipster, geek, free-branleur, free-runner, free-walker, free-biker, free-paintballer... soumis au Grand Remplacement et à l’islamisation. Les indifférenciés snob de la différence acceptée.
       
      Les réserves souchiennes : La vivent les rebelles périphériques, les anti-goldman-sachs, les anti négrier Soros, les anti-négrier La Baudruche, les enracinés, les véreux, la vergogne, les gueux, les différents des tps anciens insoumis.


      • @Shawford au nom de colonisé
         
        L’avantage des réserves souchiennes est de ne pas être dans un quartier HQE bobo (tribu collabo comme les iroquois). Le souchien pied bleu marine des réserves part en ski son isba russe, comme le mohican d’Amériques partait en raquettes de son tipi traditionnel
         
        « La géographie et la démographie c’est l’Histoire. Si la mer méditerranée était un océan la traite négrière gogochiste de Soros des surpondeuses n’existerait pas, et les souchiens ne seraient pas glands remplacés. Si le Mexique n’’était pas contigü avec 3500km de frontière et un fleuve peu profond, jamais le Mexique ne réussirait sa reconquista des terres perdues ds les années 1830, 1840 » Géographe anonyme


      • modebymaud 16 janvier 2017 14:36

        un article enrichissant et pertinent

         smiley  smiley


        • Zambo 16 janvier 2017 14:52

          C’est la science du lien : B+


          • JC_Lavau JC_Lavau 16 janvier 2017 16:33

            J’ai beaucoup d’admiration pour la réalisation de l’atlas mondial des sols, réalisé par l’UNESCO et la FAO.

            Un géographe n’est pas géologue, ni pétrographe, ni physiographe, ni agronome, ni pédologue, ni écologiste végétal, ni hydrographe, mais ce généraliste sait faire collaborer ensemble toutes ces disciplines pour faire un document pédologique largement utilisable.

            Il a été remarqué que la classification FAO a été syncrétique et redondante, pour accommoder toutes les écoles pédologiques, sans se préoccuper beaucoup de pédogenèse, mais juste de critères expérimentaux actuels.

            • zougatabrah 16 janvier 2017 17:31

              Approche très pertinente avec des mot-clés très bien expliqués. Article à recommander, pour les novices mais pas que. N’oublions pas que l’environnement, l’écologie sont l’avenir de notre planète.

              Merci pour cet article.

              • PetiteSioux 17 janvier 2017 20:22

                Beaucoup de clarté et de pédagogie pour cet article qui redonne à la géographie ses lettres de noblesse !

                Il permet de mettre en perspective l’évolution de la géographie et sa place actuelle dans nos sociétés. On comprend les liens et on appréhende plus clairement ses enjeux et son impact. 
                Merci pour cette réflexion partagée.


                • Legestr glaz Ar zen 17 janvier 2017 22:58

                  La géographie n’est ni l’espace, ni le territoire mais l’étude du comportement des Hommes sur celui-ci. L’approche pluridisciplinaire est donc à privilégier. 

                  La « frontière » est la prison que les Hommes se donnent. 

                  Si le géographe doit rendre compte des structurations territoriales, il est totalement erroné de penser que son rôle se réduise à la mise à disposition de morphologies qui ne peuvent exister qu’en fonction de l’action de groupes. En fait, le géographe doit s’efforcer d’expliciter la connaissance des pratiques et des connaissances que les hommes ont de l’espace et des territoires. Dès lors, toute théorie écogénétique du territoire ne peut être fondé que sur l’analyse des relations que les groupes, et pour conséquent les sujets qui y appartiennent, entretiennent avec l’extériorité et l’altérité à l’aide de médiateurs dans la perspective d’atteindre la plus grande autonomie possible compatible avec les ressources du système. » ( Claude Raffestin ; 1997). 

                  Claude Raffestin a longuement disserté au sujet du paradigme de la territorialité : 

                  Si le géographe doit rendre compte des structurations territoriales, il est totalement erroné de penser que son rôle se réduise à la mise à disposition de morphologies qui ne peuvent exister qu’en fonction de l’action de groupes. En fait, le géographe doit s’efforcer d’expliciter la connaissance des pratiques et des connaissances que les hommes ont de l’espace et des territoires. Dès lors, toute théorie écogénétique du territoire ne peut être fondé que sur l’analyse des relations que les groupes, et pour conséquent les sujets qui y appartiennent, entretiennent avec l’extériorité et l’altérité à l’aide de médiateurs dans la perspective d’atteindre la plus grande autonomie possible compatible avec les ressources du système. » ( Claude Raffestin ; 1997). 


                  Il faudrait encore citer l’anthropologue Edward T. Hall, et sa « proxémie » ainsi que le « touche à tout » d’Abraham Moles.




                  • GIRARD Pierre Benjamin GIRARD Pierre Benjamin 20 janvier 2017 13:21

                    Merci pour tous ces commentaires. D’autres articles sont à venir je l’espère.

                    Merci à tous.

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