Erdogan a célébré la date historique du 30 août. Pour les « mêmes motifs » au Vatican on commémore depuis 449 ans le 7 octobre
"Ce n'est pas un hasard si ceux qui ont essayé de nous exclure de la Méditerranée orientale sont les mêmes que ceux qui… ont essayé de nous envahir "
Erdogan a harangué avec cette formule censée les réveiller, ses nationalistes fatigués par l’histoire récente de la Turquie. Après leur avoir fait miroiter son entrée dans l’Europe tant convoitée depuis des siècles, il dévoile aujourd’hui à l’Occident son for intérieur inspiré par l’expansionnisme ottoman.
Pour qui regarde avec un peu de recul l’histoire turco-ottomane, la formule polysémique peut être reprise par ses destinataires dans l’Occident chrétien. Ils la retourneront stricto sensu à l’endroit de son auteur.
Les faits.
Le 30 août 1922, la Turquie (re) envahissait Smyrne (Izmir) cité chrétienne millénaire et la poche anatolienne après le massacre et l’expulsion de dizaines de millier de chrétiens et de grecs fondateurs de la cité qu’ils développèrent pendant plus de deux mille ans.
L’épisode fêté par Erdogan est appelé la « Grande Catastrophe » de l’autre côté de la mer Egée. L’épuration ethnico-religieuse jonche l’histoire de ce peuple musulman sunnite.
Les mots choisis par Erdogan doivent trouver un écho particulier au Vatican.
"La Bataille de Lépante" par Georgio Vasari dans la salle royale du Vatican
où l’on célèbre pour les « mêmes motifs » le 7 octobre, jour anniversaire de la bataille de Lépante en 1571 contre « … ceux qui ont essayé de nous exclure de la Méditerranée orientale… les mêmes que ceux qui ont essayé de nous envahir… ».
Chaque année des ecclésiastiques et aristocrates européens descendants des officiers qui participèrent à la bataille, se réunissent dans une villa au Vatican où sont conservés les étendards.
Les siècles passent et les événements se répètent avec une Turquie qui n'a pas oublié ses origines d’envahisseur et qui provoque une actualité méditerranéenne en résonnance avec les quelques rappels qui suivent.
Dans la deuxième moitié du XVIe siècle, quelques années ont été nécessaires pour mettre sur pied une coalition d’intérêts économiques et stratégiques qui germait sur fonds de confrontation chrétienne avec les sarrasins. Les ottomans déferlaient alors de toute part et lorgnaient vers l’Occident qu’ils avaient déjà assiégé à Viennes sans succès en 1529.
Après les conquêtes musulmanes de Rhodes (1522) et de Chypre l’année précédente, le sultan ottoman Selim II ("l'ivrogne") offrait sous les auspices du Pape Pie V, les conditions favorables à la création de la Saint-Ligue (*). Cette coalition se formait pour stopper l’hégémonie ottomane grandissante en méditerranée orientale.
Une des plus grandes batailles navales de l’histoire allait sceller l’avenir de l’Europe menacée. A Lépante dans le golfe de Patras (**) six cents navires - production des arsenaux de Venise et d’Istanbul - et cent mille hommes s'opposeront. Sept mille chrétiens et vingt-cinq mille ottomans périront.
Le retentissement de cette victoire sur les Ottomans musulmans fut immense en Europe, à l’image des œuvres magistrales réalisées par les plus grands artistes de l’époque. On peut les voir à Venise, au Vatican, à Londres, à Lyon...
Remarquable mosaïque de la bataille de Lépante
Basilique Notre-Dame de Fourvière à Lyon
Un mur de la Sala dello Scrutinio du Palais des Doges à Venise a offert une surface immense à Andrea Vicentino pour représenter aux visiteurs subjugués, l’illustre bataille.
L’histoire maritime chère aux anglais n’oubliera pas non plus de souligner le caractère historique de la bataille.
La bataille de Lépante – Musée Maritime de Greenwich - Londres
Erdogan pourrait aussi se rappeler ce revers ottoman maintenant qu’il a reconstitué la (Sainte) Ligue dissoute.
La nouvelle Ligue « med7 » (***) qui lui doit de l’avoir dépoussiérée, pourrait l’inviter à la prochaine célébration du 7 octobre 2020.
(*) La Sainte-Ligue réunissait Venise, les États des Habsbourg et du Vatican. Participaient également, Gênes, le duché de Savoie et les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (les Hospitaliers). La France alliée des Ottomans depuis François 1er n’y participait pas.
(**) Ceux qui ont navigué dans cette partie de la mer Ionienne (Grèce) se souviennent certainement d’une zone maritime protégée propice à l’événement, entourée de terres arides en de nombreux endroits où souvent seuls les thermiques (vents) se lèvent en fin de journée.
(***) France, Grèce, Italie, Chypre, Malte (****), Espagne et Portugal.
(****) Malte, (avec ses Chevaliers héritiers de ceux de Saint-Jean de Jérusalem, chassés par les Sarrasins de Terre Sainte, de Rhodes et de Chypre), s’oppose à des turcs en mal d’hégémonie, comme en 1565 lors du siège infructueux de Malte par les sarrasins.
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON