• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Faire l’amour ou travailler

Faire l’amour ou travailler

Les motifs théologiques comme habillage des raisons économiques

Les textes religieux présentent les restrictions sexuelles comme des impératifs divins, mais des analyses contextuelles montrent que ces règles ont souvent coïncidé avec des besoins économiques, sans que ceux-ci soient explicitement mentionnés.

Exemple dans le judaïsme :

Motif théologique : Les lois de la Torah (Lévitique 18, 20) interdisent l’adultère et régulent la sexualité pour maintenir la pureté du peuple élu.

Raison économique sous-jacente : Dans une société agraire (XIIIe-Ve siècle av. J.-C.), la clarté des lignées et des héritages était cruciale pour éviter la fragmentation des terres. Les règles sur le mariage et l’adultère garantissaient que les ressources (terres, bétail) restaient dans la famille ou la tribu. Par exemple, l’interdiction des relations hors mariage réduisait les conflits sur la paternité, protégeant l’économie familiale.

Habillage : La justification divine (« Soyez saints, car je suis saint ») donnait une autorité absolue à ces règles, les rendant incontestables, alors qu’elles servaient aussi à stabiliser l’économie agraire.

Exemple dans l’islam :

Motif théologique : Le Coran (sourate 24:2) punit l’adultère pour préserver la piété et l’ordre divin.

Raison économique sous-jacente : Au VIIe siècle, dans une Arabie marchande en expansion, la stabilité des familles était essentielle pour le commerce et les alliances tribales. Les règles sur le mariage et l’héritage (sourate 4:11-12) assuraient une répartition claire des richesses, tandis que l’interdiction de la zina (adultère) évitait les disputes sur la paternité qui auraient pu fragiliser les réseaux économiques.

Habillage : En présentant ces règles comme des commandements d’Allah, les autorités religieuses leur donnaient une légitimité transcendant les intérêts matériels, tout en consolidant l’ordre économique.

Exemple dans le christianisme :

Motif théologique : Le célibat clérical (formalisé au IVe siècle, renforcé au XIe siècle avec les réformes grégoriennes) est justifié par la nécessité de se consacrer à Dieu (1 Corinthiens 7:32-34).

Raison économique sous-jacente : Le célibat empêchait les prêtres d’avoir des héritiers, ce qui évitait la dispersion des biens ecclésiastiques (terres, richesses). Cela renforçait le pouvoir économique de l’Église, qui accumulait des ressources sans les voir accaparées par des familles cléricales.

Habillage : La rhétorique de la pureté et de la consécration divine masquait cet avantage économique, présentant le célibat comme une vertu spirituelle plutôt qu’une stratégie de consolidation du pouvoir matériel.

 

2. Les motifs théologiques comme légitimation du patriarcat

Les restrictions sexuelles ont souvent renforcé des structures patriarcales, en contrôlant la sexualité féminine pour maintenir la domination masculine. Le discours théologique, en invoquant des idéaux nobles, a pu servir à naturaliser ces hiérarchies sociales.

Judaïsme :

Motif théologique : La pureté rituelle (niddah, Lévitique 15:19-24) et l’interdiction de l’adultère sont présentées comme des moyens de plaire à Dieu.

Dynamique patriarcale : Ces règles contrôlaient surtout la sexualité des femmes, garantissant la certitude de la paternité pour les hommes. Par exemple, les sanctions pour adultère étaient souvent plus sévères pour les femmes, et la niddah imposait des restrictions principalement aux femmes. Cela renforçait le pouvoir des hommes sur les corps féminins et les lignées.

Habillage : En encadrant ces règles dans un discours de sainteté, le judaïsme ancien légitimait le contrôle masculin comme une nécessité divine, masquant son rôle dans la perpétuation du patriarcat.

Christianisme  :

Motif théologique : Les épîtres de Paul (Éphésiens 5:22-24) placent la femme en soumission à son mari, dans une analogie avec l’obéissance de l’Église au Christ.

Dynamique patriarcale : Les restrictions sur la sexualité (chasteté avant mariage, fidélité) pesaient davantage sur les femmes, dont la virginité était une valeur sociale clé. L’idéalisation du célibat ou de la virginité (comme chez Marie) glorifiait un modèle féminin passif, tandis que les hommes avaient plus de latitude (par exemple, dans la polygynie tolérée dans certaines communautés primitives).

Habillage : Le langage de la pureté et de l’ordre divin naturalisait la subordination des femmes, présentant le patriarcat comme une structure voulue par Dieu.

Islam :

Motif théologique : La modestie (hijab, sourate 24:31) et les règles sur le mariage sont justifiées par la protection de la pudeur et de la piété.

Dynamique patriarcale : Ces règles limitaient la liberté des femmes dans l’espace public et renforçaient le contrôle masculin sur leur sexualité. Par exemple, la polygynie autorisée pour les hommes (sourate 4:3) contrastait avec l’exigence de fidélité absolue pour les femmes. Le mariage, encadré par des contrats, donnait aux hommes un pouvoir économique et social sur les épouses.

Habillage : En invoquant la volonté d’Allah, ces règles étaient présentées comme un idéal moral, masquant leur rôle dans la consolidation du pouvoir masculin.

Hindouisme :

Motif théologique : Les Lois de Manu décrivent le mariage comme un devoir sacré, où la femme doit servir son mari comme un dieu (Manu 5:147-155).

Dynamique patriarcale : La sexualité féminine était strictement contrôlée pour préserver la pureté des castes et la lignée masculine. Les femmes étaient subordonnées à leur père, mari ou fils, et leur chasteté était essentielle pour maintenir l’honneur familial.

Habillage : Le concept de dharma (ordre cosmique) donnait une aura sacrée à ces hiérarchies, présentant le patriarcat comme une nécessité universelle plutôt qu’une construction sociale.

 

3. Pourquoi cet habillage théologique ?

Légitimation par le sacré : Dans les sociétés anciennes, la religion était le principal cadre de sens et d’autorité. En justifiant les restrictions sexuelles par des motifs divins, les autorités religieuses rendaient ces règles incontestables, car elles transcendaient les intérêts humains. Cela évitait les débats sur leur utilité économique ou leur caractère oppressif.

Naturalisation des hiérarchies : Le discours théologique présentait les structures patriarcales et économiques comme des réalités éternelles, voulues par Dieu ou l’ordre cosmique. Cela décourageait les remises en question, en particulier de la part des groupes subordonnés (femmes, classes inférieures).

Cohésion sociale : En unifiant les motivations économiques (stabilité, héritage) et sociales (patriarcat) sous une bannière spirituelle, les religions renforçaient la cohésion des communautés, même si cela servait les intérêts des élites (hommes, prêtres, chefs).

 

4. Preuves et limites de cette analyse

Preuves :

Textes implicites  : Bien que les textes religieux n’évoquent pas directement des motifs économiques ou patriarcaux, leurs effets pratiques (contrôle des héritages, subordination des femmes) sont visibles dans les structures sociales qu’ils soutiennent. Par exemple, les lois sur l’héritage dans l’islam (sourate 4:11) favorisent les hommes, renforçant le patriarcat tout en assurant la stabilité économique.

Études historiques  : Des chercheurs comme Max Weber (pour le protestantisme) ou Michel Foucault (pour le contrôle des corps) ont montré comment les normes religieuses servent des intérêts matériels ou de pouvoir, même si elles sont formulées en termes spirituels.

Anthropologie : Les restrictions sexuelles dans les sociétés traditionnelles (religieuses ou non) sont souvent liées au contrôle des ressources et des lignées, suggérant que les religions ont codifié des pratiques préexistantes pour des raisons pratiques.

Limites :

Manque de preuves explicites : Les textes fondateurs ne mentionnent pas d’intentions économiques ou patriarcales, ce qui rend l’analyse dépendante d’interprétations rétrospectives. Il est possible que les rédacteurs croyaient sincèrement à la dimension spirituelle de ces règles.

Diversité des contextes : Toutes les restrictions sexuelles ne servent pas des motifs économiques ou patriarcaux. Par exemple, le célibat bouddhiste, appliqué aux hommes comme aux femmes, vise la liberation spirituelle sans distinction de genre.

Risque d’anachronisme : Appliquer des concepts modernes (patriarcat, économie) à des textes anciens peut simplifier des réalités complexes, où la spiritualité et la pratique étaient entrelacées.

5. Conclusion

Les restrictions sexuelles dans les religions, bien que justifiées par des motifs théologiques nobles (pureté, obéissance divine), ont souvent servi à habiller des raisons économiques (stabilité des ressources, héritages) et sociales (maintien du patriarcat). Cet habillage est prouvé par :

Les effets pratiques des règles, qui renforcent les hiérarchies masculines et la gestion des richesses.

Les contextes historiques, où la religion légitimait les structures de pouvoir.

Les analyses critiques, qui révèlent des motivations implicites derrière le discours spirituel.
 

Enfin pour le père de la psychanalyse :

« La restriction de la vie sexuelle par la civilisation, souvent justifiée par des idéaux religieux, canalise l’énergie libidinale vers le travail ... » (Le Malaise dans la civilisation, chapitre IV)
 

Moyenne des avis sur cet article :  2/5   (22 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • Étirév 23 avril 11:11

    Suivant l’ancienne Loi qui régnait aussi bien chez les Celtes que chez les Israélites, le mot « AGAPE » désignait les réunions données le 7ème jour. Ce 7ème jour était un temps de repos ; c’était un jour CONSACRÉ, c’est-à-dire donné aux unions.
    Cette consécration du 7ème jour laissé aux divertissements, aux agapes et au sacrifice eucharistique, a joué un grand rôle dans le premier culte, puisqu’elle a été imitée et parodiée par toutes les religions.
    A propos des festins du vendredi et des noces qui étaient les agapes des Mystères, dans son ouvrage, « La République des Champs Elysées », Charles Joseph de Grave montre comment cette fête religieuse entra dans les mœurs : « Après avoir consacré les six premiers jours à des travaux et des devoirs, les législateurs ont proclamé le septième jour « libre ». « Vrydag », nom du vendredi, signifie « libre jour » (en allemand « Freytag », en anglais « Friday »). Le 7e jour était destiné à la célébration des noces. Sous ce rapport, l’amour présidait aussi à ce jour. C’est de là que le mot Vry a donné naissance au verbe Vryen (en Néerlandais) qui, dans l’usage du peuple moderne, signifie « faire l’amour ». Et on donne aussi le nom de « frayer », Vryen, à « l’amour des poissons ».
    Le vendredi s’exprime en latin par le mot « dies Veneris », « jour de Vénus », « jour de la Femme » car « Vénus » à la signification de Femme. Alors, sans doute, Femme Divine. Notons à propos de « dies Veneris », devenu « vendre-di », que « Port-Vendres », cette ville située au pied des Pyrénées orientales, s’appelait autrefois « Portus Veneris » : le port de Vénus.
    On a jeté tant de défaveur sur le vendredi, qu’il en est résulté un préjugé singulier contre ce jour, préjugé qui se soutient encore par l’effet d’une tradition sourde, quoiqu’on en ait perdu la raison. Dans l’opinion vulgaire, le vendredi est devenu un jour funeste et de mauvais augure. Et le vendredi, « jour de Vénus », a été remplacé par le dimanche, « jour du Seigneur ». Toujours la substitution des sexes accompagnée du renversement des idées. L’ancienne Loi donnait un jour sur sept à l’union ; la loi masculine fera du dimanche un jour d’abstinence et donnera à la licence masculine six jours sur sept.
    Relevons, enfin, que les Templiers, dont l’arrestation eut lieu un vendredi (le 13 octobre 1307), avaient une Divinité féminine représentant l’ancienne Déesse porte lumière, la « Vénus-Lucifer », que leurs ennemis ont ensuite ridiculisé et appelé le « Baphomet », caricature qui la représentait sous la forme d’une femme à tête de bouc.
    Dans la Loi morale, formulée par Myriam, surnommée « Hathor » (de « Ha-Thora, « La Loi »), et qu’on remplacera par le personnage de Moïse inventé quelques années avant notre ère par Philon d’Alexandrie qui écrivit sa légende, « De vita Mosis », telle que nous la connaissons, le 3ème Commandement disait texto : « Rappelle-toi le jour du repos pour le sanctifier. Six jours tu travailleras et tu feras toute ton œuvre, le jour septième est le repos pour Hevah, ta Déesse. Non tu feras toute, aucune œuvre, toi et ton fils et ta fille, ton esclave et ta servante et ta bête et ton étranger, qui est dans tes portes, car en six jours (Jours solaires) a fait Ælohim les cieux et la terre et la mer et tout ce qui est en eux et il s’est arrêté au jour le septième (la 7ème manifestation phénoménique qui fut la génération). Ce pourquoi Hevah a béni le jour du repos et l’a sanctifié (en en faisant le jour consacré à la Femme pour la génération ; c’est l’origine du sabbat). »
    Le sabbat, qui était le samedi saint, était le jour sacré, attendu, où le désir de l’homme, contenu pendant les six jours de la semaine, allait enfin trouver une satisfaction légitime, approuvée, sanctifiée, attendue par la femme elle-même, heureuse de se donner à qui a su la mériter par une chaste attente. C’est la Loi morale réalisée, l’accord entre la Loi de nature qui veut et la Loi morale qui retient.
    Les relations sexuelles n’ayant plus été réglementées par LA RELIGION, la licence masculine, dès lors, entraîna un accroissement anarchique de la population mondiale. Ainsi, en cette fin de Cycle, l’explosion démographique planétaire inédite du XXème siècle a vu la population mondiale multipliée par 2,4, et passée de 2.5 milliards d’habitants en 1950, à 6 milliards en 1999 ; elle est de plus de 8 milliards en 2023.
    Robert McNamara, ancien secrétaire d’État à la Défense des États-Unis d’Amérique (celui qui ordonna le bombardement massif du Vietnam) et ancien président de la Banque Mondiale (qui imposa aux pays dits « en voie de développement » l’utilisation de moyens contraceptifs comme condition sine qua non pour obtenir des aides financières), membre également du « Council on Foreign Relations » (CFR), de la Commission « Trilatérale », du « groupe Bilderberg » et du « Lucis Trust », puissante association reconnue par l’ONU, et dont dépendent les mouvements pseudo spiritualistes du « New Age », déclarera : « On doit prendre des mesures draconiennes de réduction démographique contre la volonté des populations… Pour réduire la population terrestre il faut augmenter le nombre de décès et diminuer le nombre de naissances… Cela aura lieu, soit par le biais de mesures humaines soit par un coup d’arrêt malthusien ».
    Ainsi se développera, s’intensifiera et se banalisera l’usage des contraceptifs, des avortements, de la stérilisation et peut-être, bientôt, de l’euthanasie. Et pourquoi ne pas, dans le même temps, augmenter la souffrance des gens et les pousser au désespoir et au suicide, encourager la sodomie, défendre la pédophilie, provoquer des famines, des épidémies, voire même des pandémies fictives qui justifieraient un empoisonnement médical « scientifiquement correct », ou bien encore, comme tous les grands « bouchers » de l’histoire, déclencher des guerres ici où là, des conflits mondiaux… nucléaires… apocalyptiques ?
    Aussi, pour ce genre d’individu, la société c’est le malheur, c’est la misère, le néant, la mort ; ils la veulent ainsi.
    Nous, nous la voulons autrement. Nous voulons la vie et tout l’épanouissement de l’être.
    L’AMOUR


    • Seth 23 avril 14:37

      @Étirév

      Agape est un mot grec.

      Vendredi en référence à la crucifixion du Christ un certain vendredi saint. Les noms des jours de la semaine font référence aux planètes, Vénus parmi d’autres.

      Frayer vient du latin fricare (frotter)

      Et tout à l’avenant. Faut arrêter les herbes rigolotes et les alcools forts.  smiley


    • toto toto 26 avril 12:14

      @Seth
      Faire l’amour,déjà c’est du boulot...


    • Corcovado 28 avril 07:11

      @Étirév
      En avez-vous après la sodomie parce que ça fait mal la première fois ou parce que c’est bon toutes les autres fois ?


    • agent ananas agent ananas 27 avril 19:31

      Les acteurs/actrices porno font les deux en même temps ! smiley


      • Corcovado 28 avril 07:09

        Très bon article qui a le mérite d’exprimer ce qui est trop rarement dit. Il en est tant qui ne soupçonnent pas l’envers du décor.

        Que de tourments nous subissons et avons subis à cause de la religion et de la politique. Et dire que sans elles c’est l’anarchie !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité