Faut-il toujours vouer l’actionnaire aux gémonies ?
A-t-on déjà vu ou entendu un reportage ou une interview où l'actionnaire n'est pas voué aux gémonies… du capitalisme 1 français ? Rien de cela, semble-t-il ! Ou alors, peut-être dans un documentaire diffusé, presque en cachette, c'est-à-dire après 22 ou 23 heures sur Arte, la 5 ou LCP.
Dans ces conditions, comment faire comprendre aux Françaises et aux Français, que l'actionnaire − le malaimé des médias et d'une majorité de la population − soit une personne, physique ou morale, indispensable à toute économie. Quelle que soit cette économie, hors celle primitive 2 ! En effet, même dans les pays communistes, l'actionnaire existe − en République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord), par exemple − ou existait, comme en Union soviétique (URSS), autre exemple. L'État, personne morale, y joue / jouait le rôle d'actionnaire, un pur capitaliste à travers le capitalisme d'État ou autre commucapitalisme. Actionnaire unique, donc tout puissant, qui permet / permettait à telle personne de travailler et, à telle autre, d'être interdite d'emploi !
Alors, pour essayer de tordre le cou à cette idée de l'actionnaire malfaisant dont le seul avenir serait d'être voué aux gémonies, posons-nous 2 questions simples.
1° Qu'est-ce l'actionnaire ? Définition allégée 3 : c'est la personne, physique ou morale, qui détient "n" actions d'une société − en droit français : la société par actions. Une seule action suffit, pour être actionnaire. Quand on parle de société, on parle généralement de la société anonyme − dite SA, ayant au moins 7 actionnaires.
En France, la SA est la forme juridique de la quasi-totalité des grandes entreprises et des ETI (entreprise de taille intermédiaire) et de quelque 50% des PME (petite et moyenne entreprise). Elles emploient plus de 40 % des 19,2748 millions des personnes salariées du privé (INSEE T4, 2017).
Face à ce constat irréfragable − que certaines personnes pourraient trouver terrible, car incontournable − comment faire pour se passer de l'actionnaire, c'est-à-dire : travailler dans une boîte où il n'y en a aucun ?
- travailler dans une SARL (société à responsabilité limitée), dans une EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée)… ou dans une SNC (société en nom collectif) ? Mais, là aussi, il y a des actionnaires (un(e) seul(e) et unique dans l'EURL), sauf qu'ils/elles ne s'appellent pas actionnaires, mais associé(e)s et détiennent des sortes d'actions, appelées parts sociales,
- …
- travailler dans sa propre entreprise, c'est-à-dire être par exemple, auto-entrepreneur(e) ? Patron(ne) de sa microentreprise. Il s'agit ici d'être son propre actionnaire, c'est-à-dire de mettre son argent (capital) pour acheter ses moyens de production − outillage professionnel, éléments bureautiques, table, chaise, téléphone, moyen de transport, etc. − et aussi alimenter son fonds de roulement, pour pouvoir vivre en attendant ses premières rentrées de fonds (chiffre d'affaires). Reconnaissons que dans ce schéma, peu de personnes sont à même de risquer leur argent (capital) pour créer leur propre emploi, en étant à la fois producteur(e), gestionnaire et commercial(e) de leur propre business. C'est difficile de bien exercer ces 3 fonctions, en même temps ! Peu de personnes réussissent à vivre correctement en n'étant qu'auto-entrepreneur(e)s, sans être obligées de rester salarié(e)s d'une autre entreprise… ayant, elle aussi, des actionnaires ou des associés.
En France, il y avait 4, en 2015, quelque 3,3 millions d'actionnaires personnes physiques. C'était 6,6 millions en 2009 ! Pourquoi une telle diminution ? Ces millions de personnes sont-elles à vouer aux gémonies… du capitalisme français ? Parmi elles, certaines sont dans nos familles, chez nous comme chez vous, peut-être aussi dans le voisinage proche. Non ! ce n'est pas de celles-ci dont semblent parler les médias, mais sûrement des quelques dizaines d'actionnaires − pas plus − qui spéculent à grande échelle, et que l'on qualifie, parfois de vautours, de requins… ou de suppôts du grand comme du petit capital.
Pourquoi un tel amalgame qui laisse penser, in fine, que le monde, et la France en particulier, se porterait mieux sans actionnaire… ou sans associé(e) ? Un tel monde n'existe plus depuis l'économie primitive.
2° Qu'est-ce qu'une action ? Définition allégée 3 : c'est un titre de capital représentatif du montant du capital − généralement une somme − apporté par une personne à une société, afin qu'elle dispose d'un capital social de départ, pour s'établir, s'immatriculer… commencer à produire et aussi à payer ses premières charges, notamment salariales, avant d'encaisser le montant de ses premières ventes, dont le délai peut atteindre, parfois, plusieurs mois.
Ayant mis de l'argent (capital) dans l'achat de "n" actions, l'actionnaire veut savoir comment son capital, petit ou grand, est utilisé. Normal, semble-t-il, même quand il s'agit de philanthropie (modèle rarissime).
Ayant très sûrement utilisé une somme qui dormait sur un compte d'épargne peu rémunéré ou sur son compte-chèques, l'actionnaire non philanthrope, espère logiquement une certaine rentabilité. Rentabilité à travers : d'une part, le versement annuel d'un dividende et, d'autre part, l'augmentation de la valeur de son placement (investissement) au-delà de sa valeur d'achat, notamment sur le marché secondaire (en Bourse par exemple). Mais, l'actionnaire espère, surtout, que l'entreprise dans laquelle son capital est investi ne ferme pas ses portes (faillite) ! Sinon, il/elle aura perdu son capital… en même temps que les salarié(e)s auront perdu leur emploi.
Alors, nous pensons qu'il ne faut pas − systématiquement et aveuglement − vouer l'actionnaire aux gémonies du capitalisme, tout comme il ne faut pas, non plus, souhaiter que l'actionnaire perde son capital, car : quand le capital − social de l'entreprise − est perdu, l'emploi l'est aussi !
1. Voir définition de ce mot, mais aussi d'autres mots de cet article, notamment : Bourse, capital, capital social, capitalisme d'État, commucapitalisme, dividende, entreprise, fonds de roulement, marché primaire et secondaire, plus-value, investissement, SARL, société anonyme, société par actions, rentabilité, titre de capital, etc. dans Le capital en quelques mots, Éditions l'Harmattan, Paris, 2015.
2. Thurnwald Richard : L'économie primitive, Éd. Payot, Paris, 1937.
3. Pour plus de détails, voir : Le capital en quelques mots, Éditions l'Harmattan, Paris, 2015. Mais aussi accessible gratuitement dans : le Code monétaire et financier et le Code de commerce.
4. Source : TNS Sofres – Étude Sofia – épargnants et investisseurs (publié dans l'AMF).
Crédit photo : mediascitoyens-diois.blogspot.com (les 3/4 seulement)
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